Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Triades du Borboniana manuscrit, note 20.
Note [20]

Triades 31‑32.

  1. « Il y a trois sortes de morts : cruelle, qui est celle des enfants ; prématurée, celle des jeunes gens ; naturelle, celle des vieillards. Au livre iv de ses Instit. Orator., Gerardus Johannes Vossius a emprunté cela à Isidore chapitre 2, livre ii Orig. Toutefois cette distinction ne se vérifie pas constamment. » {a}

  2. « L’Antiquité a cru que trois illustres hommes ont jadis été engendrés par un dragon : Alexandre le Grand, Scipion et Auguste. » {b}


  1. Six livres des Gerardi Ioannis Vossii Commentariorum Rhetoricorum, sive Oratorium Institutionum [Commentaires rhétoriques, ou Institutions oratoires de Gerardus Johannes Vossius], {i} livre iv, page 93, § vi du chapitre vi, De Metaphora [De la Métaphore], section v, Nihil esse, à quo non metaphora duci possit. Quod pene omnis generis exemplis comprobatur [Il n’existe rien dont on ne puisse tirer une métaphore. Des exemples de presque toute sorte le prouvent], :

    A plantis etiam est, quod Græci dicunt αωρον θανατον, et ομφακιους νεκρους, Latini funera acerba, aut immatura. Nam, ut primo prognosticon ait Julianus, Archiepiscopus Toletanus, (ex quo idem postea descripsit Isidorus) tria sunt genera mortis : acerba, immatura, naturalis ; acerba infantum, immatura juvenum, naturalis senum. Quod tamen discrimen non semper observatur : quia Latinis acerba eorum omnium funera dicuntur, qui ante diem denascuntur. Unde Plautus Amphitr.

    Qui multa Thebano populo acerba objectit funera.

    [Pour celles {ii} qui viennent des plantes, il y a aussi ce que les Grecs appellent aôron thanaton et omphakious nékrous, {iii} et les Latins décès cruels et prématurés. De fait, Julien, archevêque de Tolède, au premier de ses Pronostics (et Isidore l’a repris par la suite) {iv} dit « Il y a trois sortes de morts : cruelle, qui est celle des enfants ; prématurée, celle des jeunes gens ; naturelle, celle des vieillards. » Toutefois cette distinction ne se vérifie pas constamment, car les Latins appellent cruels les décès de tous ceux qui meurent avant l’heure ; d’où vient ce vers de Plaute, dans Amphitryon :

    Qui multa Thebano populo acerba objectit funera]. {v}

    1. Leyde, 1643, v. note [2], lettre 210.

    2. Les métaphores.

    3. En grec, aôros thanatos signifie « décès prématuré » (ici au cas accusatif), omphakios nekros, « mort acide, immature » (ici au cas génitif).

    4. Julien de Tolède, archevêque de cette ville en 680, sanctifié par l’Église catholique, est auteur d’un Liber pronosticorum futuri sæculi æternæque vitæ fœliciter sperandæ [Livre des Pronostics des temps à venir et de la vie éternelle qu’on doit heureusement espérer].

      V. note [22], lettre 101, pour Isidore de Séville et ses Origines. Vossius a ajouté dans la marge la référence reprise par cette triade du Borboniana. Chronologiquement pourtant, c’est Julien (né en 642) qui a repris ce qu’avait écrit Isidore (mort en 636), et non l’inverse.

    5. « Lui qui a semé tant de funestes trépas dans le peuple de Thèbes » (acte i, scène 1, vers 190).
  2. Triade extraite du même ouvrage de Vossius (livre i, page 66) :

    Etiam Alexander Magnus spurius fuit ; cujus ignominiæ velandæ gratia, Jovis se Hammonis filium dictitabat : qui fortasse fuit magus, serpentis imagine Olympiadem deludens : quemadmodum Josephus Gorionides refert ; qui et antiquis se auctoribus tuetur. Sane ex dracone genitum esse Alexandrum, multorum opinio fuit. […] Sed, etsi non ignoro quod proditur de admirabili draconis amore erga puellam Idumæam, tempore Herodis : tamen de dracone genitum esse Alexandrum, non magis verum est, quam Amphissum fuisse natum ex serpente, in quem se converterit Apollo, quo cum Dryope rem haberet ; ut ex primo Nicandri refert Antoni<n>us Liberalis fab. xxxii. aut Scipionem esse ex dracone natum : quod a compluribus traditum olim ; uti docet Agellius lib. vii. cap. vi. aut Augustum, de quo idem vulgo creditum esse, ait Sidonius carm. ii.

    [Alexandre le Grand {i} a aussi été bâtard, et pour cacher cette ignominie, il se disait fils de Jupiter Ammon, {ii} qui fut peut-être le magicien qui trompa Olympias {iii} sous l’apparence d’un serpent, comme raconte Josephus Gorionides, {iv} en se référant à plusieurs auteurs antiques. Beaucoup ont estimé qu’Alexandre avait réellement été engendré par un dragon. (…) {v} Je n’ignore pas ce qu’on raconte sur le merveilleux amour d’un dragon pour une jeune fille de Judée, au temps d’Hérode, {vi} mais prétendre qu’Alexandre est né d’un dragon n’est pourtant pas plus vrai que de prétendre qu’Amphissus le fut d’Apollon transformé en serpent pour faire l’amour avec Dryope, {vii} comme le raconte Antoninus Liberalis, fable xxxii, en citant le premier livre de Nicandre ; {viii} ou, comme beaucoup l’ont jadis raconté, de prétendre que Scipion {ix} est né d’un dragon, ainsi que l’enseigne Aulu-Gelle au livre vii, chapitre vi ; {x} ou de prétendre la même chose d’Auguste, {xi} comme on le croit communément, ainsi que dit Sidonius, poème  ii]. {xii}

    1. V. note [21], lettre 197, pour Alexandre le Grand, né en 356 av. J.‑C.

    2. Nom de Jupiter chez les Libyens.

    3. Olympias, fille de Néoptolème, roi des Molosses, et mère d’Alexandre le Grand.

    4. Rabbin du viiie ou ixe s., autrement nommé Ben Gorion ou Jossiphon, auteur d’une Histoire juive.

    5. Omission de références à Tite-Live, Quinte-Curce, Plutarque, Aulu-Gelle, Lucien, Solin et Aurelius Victor.

    6. Dans la marge, Vossius cite Élien (v. note [2], lettre 618), chapitre xvii, livre vi sur la Nature des animaux, intitulé « Du dragon amoureux d’une jeune fille chez les Iduméens » (c’est-à-dire les habitants de Judée). V. note [24], lettre 183, pour Hérode ier, roi des Juifs au ier s. av. J.‑C.

      Pour la bonne compréhension de cette triade, il faut avoir en tête qu’en latin, draco, tout comme δρακων (drakôn) en grec, a le double sens de « dragon » (animal fabuleux) et de « serpent » (serpens ou anguis, animal réel).

    7. Selon le mythe, ces amours adultères d’Apollon (v. note [8], lettre 997) avec Dryope (épouse d’Hercule, v. note [3], lettre de Reiner von Neuhaus, datée du 21 octobre 1663) donnèrent naissance à Amphissus, qui bâtit un temple sur la tombe d’Hercule en haut du mont Œta.

    8. Antoninus Liberalis, écrivain grec du iie ou iiie s. de notre ère, est auteur de Métamorphoses. Dans leur édition latine de Bâle (1568, in‑8o), établie par Guilielmus Wylander (v. notule {f}, note [52] du Patiniana I‑2), la fable xxxii (pages 52‑53), intitulée Dryope, est tirée du premier livre des Ætolica [Étoliens] (ouvrage aujourd’hui perdu) de Nicandre de Colophon (médecin et poète grec du iie s. av. J.‑C.).

    9. V. note [4], lettre 561, pour Scipion l’Africain l’Ancien, né vers 236 av. J.‑C.

    10. Référence aux Nuits attiques d’Aulu-Gelle (v. note [40], lettre 99), dont le livre vi ou vii (selon les éditions), chapitre i, commence par ce propos :

      Quod de Olympiade, Philippi regis uxore, Alexandri matre, in historia Græca scriptum est, id de  P. quoque Scipionis matre, qui prior Africanus appellatus est, memoriæ datum est. Nam et C.  Oppius et Iulius Hyginus aliique, qui de vita et rebus Africani scripserunt, matrem eius diu sterilem existimatam tradunt, P.  quoque Scipionem, cum quo nupta erat, liberos desperauisse. Postea in cubiculo atque in lecto mulieris, cum absente marito cubans sola condormisset, visum repente esse iuxta eam cubare ingentem anguem eumque his, qui viderant, territis et clamantibus elapsum inveniri non quisse. Id ipsum P.  Scipionem ad haruspices retulisse; eos sacrificio facto respondisse fore, ut liberi gignerentur, neque multis diebus, postquam ille anguis in lecto visus est, mulierem cœpisse concepti fetus signa atque sensum pati  ; exinde mense decimo peperisse natumque esse hunc P.  Africanum, qui Hannibalem et Carthaginienses in Africa bello Poenico secundo vicit.

      [On raconte de la mère de P. Scipion, le premier Africain, la même chose que nous lisons dans l’histoire grecque sur Olympias, femme du roi Philippe et mère d’Alexandre. En effet, C. Oppius, Julius Hyginus et les autres historiens qui ont écrit sur la vie et les actions de Scipion l’Africain rapportent que sa mère passa longtemps pour stérile, et que Publius Scipion, son époux, n’espérait plus avoir d’enfants ; mais un jour qu’elle s’était endormie seule, en l’absence de son mari, on vit tout à coup sur son lit, couché à ses côtés, un énorme serpent qui s’échappa aux cris d’épouvante poussés par les témoins de ce prodige ; il disparut sans qu’on eût pu découvrir ses traces. P. Scipion rapporta le fait aux augures, qui lui répondirent, après avoir offert un sacrifice, que sa femme deviendrait mère. En effet, peu de jours après l’apparition du serpent dans son lit, elle ressentit les premiers symptômes d’une grossesse, et au dixième mois, elle mit au monde ce P. Scipion l’Africain qui vainquit Annibal et les Carthaginois en Afrique, dans la deuxième Guerre punique].

    11. V. note  [6], lettre 188 pour l’empereur Auguste, né en 63 av. J.‑C.

    12. Sidoine Apollinaire, Opera (Paris, 1614, v. note [28], lettre 282), Carmen ii, Panegyricus, quem Romæ Sidonius dixit Anthemio Augustus bis Consuli [Panégyrique que Sidonius récita à Rome (en 468) à l’empereur Anthémius, deux fois consul] (vers  121‑122, page  281) :

      Magnus Alexander, necnon Augustus, habentur
      Concepti sepente deo
      .

      [On prétend qu’un dieu serpent a conçu Alexandre le Grand, ainsi qu’Auguste].


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Triades du Borboniana manuscrit, note 20.

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(Consulté le 23/04/2024)

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