Autres écrits : Thomas Diafoirus (1673) et sa thèse (1670), note 23.
Note [23]

V. la note [16] de la lettre 336, pour Armand-Jean de Mauvillain, et le chapitre viii (§ iv‑v, pages 423‑437) des Médecins au temps de Molière… de Maurice Raynaud, pour les relations amicales de Mauvillain avec Molière.

Christian Warolin {a} m’a précédé sur la piste où la Correspondance de Guy Patin m’a mené. Tout en laissant le lecteur sur sa faim, il a en effet esquissé la même hypothèse sur l’identité des Diafoirus, (page 121) :

« Les moliéristes débattent de la participation de Mauvillain à l’information médicale dont bénéficia le comédien. {b} Que ce soit à propos de L’Amour médecin ou du Malade imaginaire, les descriptions cliniques, l’évocation des statuts ou les références au cursus médical émanent d’un praticien. Qui était mieux qualifié que Mauvillain, son ami ? À travers Filerin, Diafoirus et son ineffable fils Thomas, ou encore Purgon, ce sont Jean Riolan, Guy Patin et François Blondel que l’on fustige. {c} Comment ne pas voir l’influence exercée par Armand-Jean de Mauvillain ? Mais Molière a forcé le trait en réglant ses propres comptes avec les médecins. »


  1. Armand-Jean de Mauvillain (1620-1685), ami et conseiller de Molière, doyen de la Faculté de médecine de Paris (1666-1668), Histoire des Sciences médicales, tome xxxix, no 2, 2005, pages 113‑129.

  2. Le Molière (Paris, Gallimard, 2018, pages 400‑401) de Georges Forestier, professeur à la Sorbonne (chaire d’études théâtrales du xviie s.) et éditeur des œuvres de Molière dans la Bibliothèque de la Pléiade (2010), relate que, dans un placet écrit au roi en 1669, Molière parle d’un « fort honnête médecin, dont j’ai l’honneur d’être le malade » et « qui veut s’obliger par-devant notaires de me faire vivre trente années si je puis lui obtenir une grâce {i} de Votre Majesté », avec ce commentaire :

    « Quant à ce “ fort honnête médecin ”, dont Molière se flatte “ d’être le malade ” – ce qui ne signifie pas qu’il est malade, mais qu’il est censé avoir un médecin de famille, comme tous les privilégiés de son temps –, il ne renvoie à personne en particulier, et ce serait méconnaître le caractère parodique du placet que de rechercher une signification. S’il est vrai que des documents postérieurs à la mort de Molière désignent Armand-Jean de Mauvillain comme un ami de la famille, Molière n’aurait pas traité cet important personnage, doyen sortant de la Faculté de médecine de Paris, avec autant de désinvolture ironique : demander à son médecin de ne pas le tuer est un classique de la satire antimédicale. » {ii}

    1. Un canonicat vacant de la chapelle royale de Vincennes.

    2. « Le seul document contemporain qui rapproche Mauvillain de la famille [Molière] est une procuration du 30 juin 1675 qui le déclare (aux côtés d’autres personnages) “ ami de Marie-Madeleine-Esprit Poquelin ’’ [fille de Molière]. Trente ans plus tard, Grimarest allait en faire le meilleur ami de Molière (Vie de M. Molière, 1705) » (note de G. Forestier).

      Dont acte : il ne s’agissait sans doute pas là de Mauvillain.

    Lors d’un fructueux échange de messages que nous avons eu en avril-mai 2019, G. Forestier, qui a trouvé « très convaincante » mon identification de Thomas Diafoirus à Guy Patin, sans y voir « rien à ajouter », m’a diligemment mis en garde :

    « Quant à Mauvillain, la prudence s’imposerait […], la légende veut que ce soit lui, sous prétexte qu’on découvre sa trace dans la famille après la mort de Molière ; mais rien ne le prouve : aucun Mauvillain n’a obtenu de canonicat dans les années qui ont suivi 1669, et d’ailleurs, aucun n’était vacant ; ce placet est une pure plaisanterie. En fait, si Molière avait un conseiller en matière d’affaires de médecine, c’était son ami (cette amitié est vérifiable), le physicien Rohault, qui estimait que les progrès de l’anatomie et de la physique avaient déjà montré que tout ce qu’enseignait la médecine traditionnelle était faux, et qui présentait la “ circulation ” comme une “ découverte du siècle ”. »

    Je conviens que l’article de Warolin (2005) se réfère aux anciennes biographies de Molière pour affirmer son amitié avec Mauvillain, sans en fournir de preuve solide. Toutefois, me semble-t-il, Le Malade imaginaire, pour mordre sérieusement, exigeait de son auteur qu’il fût parfaitement avisé des rites et querelles intestines de la Faculté de médecine de Paris ; comme seul pouvait le faire un de ses docteurs régents adhérant au parti progressiste et ayant quelques comptes à régler avec les conservateurs, antistibiaux et antiharvéens : Mauvillain convenait bien à ce rôle ; ou alors l’un de ses collègues, tel, par exemple, Eusèbe Renaudot (v. note [16], lettre 104), qui avait sévèrement subi la vindicte de Patin, et dont la Gazette familiale avait encensé Molière en 1663 (pages 222‑223 du Molière de Forestier) ; mon conte n’en serait que plus joli, mais je peine à croire que le philosophe et physicien Jacques Rohault (v. notule {e}, note [1], lettre 594), qui n’appartenait pas au sérail, pût en savoir autant.

  3. V. notes [11], lettre 342, pour le redoutable François Blondel (mais sans trace de lui que j’aie su flairer dans les comédies de Molière), et [1], lettre 835, pour Filerin (alias Pierre Yvelin dans L’Amour médecin).

G. Forestier m’a en outre permis de corriger l’erreur que j’avais faite en me fiant à la légende pour écrire que Molière était « mort sur scène » : en vérité, il était de retour chez lui quand il fut pris d’une hémoptysie cataclysmique qui l’emporta en moins d’une heure, sans avoir eu le temps de recevoir les derniers sacrements et le pardon de l’Église pour avoir exercé le métier impie de comédien (pages 474‑475 du Molière de Forestier).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Thomas Diafoirus (1673) et sa thèse (1670), note 23.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8009&cln=23

(Consulté le 19/04/2024)

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