Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 10 manuscrit, note 24.
Note [24]

Henri iv, alors roi protestant de France, honni et refusé par les catholiques, entreprit le siège et blocus de Paris, tenue par la Ligue, à partir du 12 mai 1590 ; il leva le siège le 30 août suivant, face à la puissante armée réunie par les ducs de Mayenne et de Parme (v. supra note [10]), contre laquelle il n’était pas en mesure de combattre.

V. note [8], lettre 193, pour le cimetière parisien des Innocents et son charnier (dit des Lingères). Les Mémoires-journaux de Pierre de L’Estoile ont aussi parlé du macabre pain que de cyniques prélats recommandaient aux Parisiens affamés (édition de Paris, 1878, tome 5, pages 26‑27) :

« Le vendredi 15e de juin 1590, dom Bernardin Mandoze, ambassadeur d’Espagne, se trouva en une assemblée chez M. Courtin, conseiller de la Cour, {a} où se faisait une épreuve du pain auquel on mêlait de l’avoine, et où le Conseil se tenait pour donner ordre à la famine qui s’augmentait à Paris de jour en jour ; où ledit ambassadeur fit ouverture d’un moyen étrange, et duquel on n’avait jamais ouï parler, qui était qu’il était besoin de faire passer sous la meule et par le moulin les os des morts qui sont aux Innocents de Paris, et les réduire en poudre, pour d’icelle, trempée et mollifiée avec de l’eau, en faire du pain, qui pourrait servir pour nourrir ceux qui n’avaient point de blé ni moyen d’en avoir ; opinion qui fut tellement reçue qu’il ne se trouva homme en l’assemblée qui y contredît. {b}

Amenzoar {c} dit quelque chose d’approchant de cela, non toutefois du tout {d} semblable, livre 3e, traité 3e, chapitre 4e, de Epidemia : Redii, inquit, in Hispaniam, et vidi homines qui comedebant orobum, quibus dolor stomachi sequebatur. Et vidi similiter, in civitate quadam, quæ vocabatur Mazarus, homines qui, propter intensam famem, quærebant et frangebant ossa antiqua et vetusta cadaverum, et comedant medullas eorum, et moriebantur subito. » {e}


  1. Bernardino de Mendoza fut ambassadeur d’Espagne en France de 1584 à 1591 ; v. note [27] du Borboniana 8 manuscrit pour Jean Courtin.

  2. L’histoire ne dit pas si on fabriqua cette saleté anthropophage, ni si quiconque en consomma.

  3. Sic pour Avenzoar, v. notule {b}, note [57], lettre 104.

  4. Exactement.

  5. En dépit de sa référence précise, je n’ai pas trouvé cette citation dans les quelques ouvrages d’Avenzoar qui ont été traduits en latin ; en voici néanmoins une traduction :

    « Je suis revenu en Espagne, dit-il, et j’y ai vu des hommes qui mangeaient de l’orobe, {i} en souffrant ensuite de douleurs d’estomac. J’ai vu pareillement, dans une ville qui s’appelle Mazarus, {ii} des hommes qui, en raison de la famine, ramassaient et brisaient les vieux et anciens os des cadavres et en mangeaient la moelle, puis ils mouraient soudainement. »

    1. Plante légumineuse apparentée aux lentilles, dont les graines servent à fabriquer une farine dotée de vertus nutritives et médicinales.

    2. Probablement Zamora (Castille-et-León).

La Satire Ménippée (v. infra note [35]) en a aussi parlé dans sa Harangue de Monsieur le lieutenant {a} pages 58‑59, réédition de Paris, 1882 :

« Je ne veux passer sous silence les artifices, ruses et inventions dont j’ai usé pour amuser et retenir le peuple, et ceux qui nous cuidaient {b} échapper. En quoi il faut reconnaître que Madame ma sœur, {c} ci-présente, et Monsieur le cardinal Cajétan, {d} ont fait de signalés services à la foi par subtiles nouvelles et Te Deum chantés à propos, et drapeaux contrefaits en la rue des Lombards, {e} qui ont donné occasion à plusieurs de mourir allègrement de mâle rage de faim plutôt que parler de paix. Et si on eût voulu croire Monsieur Mendoze, zélateur de la foi et amateur de la France, s’il en fût onc, {f} vous n’auriez plus cette horreur de voir tant d’ossements aux cimetières de Saint-Innocent et de la Trinité, et les eussent les dévots catholiques réduits en poudre, bus et avalés, et incorporés en leur propre corps, comme les anciens troglodytes {g} faisaient leurs pères et amis trépassés. »


  1. Charles de Lorraine, duc de Mayenne (v. note [6], lettre 445).

  2. Pensaient.

  3. Catherine de Lorraine (1552-1596), duchesse de Montpensier, « la reine de Paris », sœur d’Henri duc de Guise, le Balafré, et du susdit duc de Mayenne.

  4. Enrico Caetani (1550-1599), légat pontifical en France (1589-1590).

  5. « Allusion aux fausses nouvelles répandues par les chefs de la Ligue pour entretenir la confiance du peuple, et à de faux drapeaux que fit faire en 1589 la duchesse de Montpensier, et que l’on suspendit aux voûtes de Notre-Dame, comme trophées pris à l’ennemi » (note de Charles Marcilly, 1882).

  6. Jamais.

  7. Peuple antique, que le mythe disait vivre dans des cavernes quelque part en Arabie, et à qui on prêtait de sauvages coutumes.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 10 manuscrit, note 24.

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(Consulté le 29/03/2024)

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