Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-2, note 33.
Note [33]

J’ai corrigé le latin de cette épigramme De mirabili urbe Venetiis [Sur l’admirable ville de Venise] : {a}

« Neptune {a} avait vu Venise s’élever des ondes adriatiques, et imposer ses lois à la mer tout entière. “ Maintenant, Jupiter, dit-elle, oppose-moi autant de murailles tarpéiennes que tu voudras, et ces remparts de ton Mars. Si tu préfères le Tibre {b} à la mer, regarde ces deux villes, et tu diras que ce sont des hommes qui ont fondé Rome, mais des dieux qui ont fondé Venise. ” » {c}


  1. Tel qu’il est imprimé à la page 38 vo, 2e partie des :

    Iacobi Sannazarii Opera omnia Latine scripta, nuper edita.

    [Œuvres latines complètes de Jacopo Sannazaro, {i} tout récemment mises au jour]. {ii}

    1. Poète napolitain mort en 1530 (v. note [58] du Naudæana 2), dont le nom est ici francisé en Jacques Sannazar.

    2. Venise, héritiers d’Aldus Manutius et Andreas Asulanus, son beau-père, 1535, in‑8o en deux parties de 80 et 127 pages.
  2. V. note [6] du Faux Patiniana II‑7.

  3. Le mont tarpéien, où s’élevait le Capitole, et le Tibre figuraient Rome et la papauté, qui rivalisaient constamment avec Venise.

  4. Pour être plus intelligible, ma traduction du dernier vers a nommé les deux cités.

Cet article ne peut pas être attribué les yeux fermés à Guy Patin car, dans notre édition, la seule autre mention du poète italien Sannazaro figure dans le Naudæana 2 (v. notule {a‑i} supra) ; et surtout, j’ai identifié deux sources où les peu scrupuleux rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont pu puiser toute la matière de leur article.

  1. Le Santeüilliana, ou les bons mots de Monsieur de Santeüil, avec un Abrégé de sa vie, {a} cite les vers de Sannazar à la gloire de Venise, avec cette explication (pages 75‑76) :

    « Comme on louait un jour Monsieur de Santeüil au sujet des vers qu’il a faits pour l’aqueduc du pont Notre-Dame, {b} et qu’on disait qu’ils étaient infiniment plus beaux que ceux que Sannazar a faits pour la ville de Venise, il répondit que cela n’empêchait pas que la récompense en eût été fort différente, car Sannazar avait eu six mille écus d’or {c} pour ses vers, et Santeüil n’avait eu pour les siens que trente pistoles. C’est peut-être, dit-il, qu’on voulût payer Sannazar par rapport à son avarice, et qu’on m’a payé par rapport à ma gloire. Il y a bien de la forfanterie à Monsieur de Santeüil d’avoir fait cette réponse, car on savait que quelque amateur qu’il fût de la gloire, il l’était encore plus pour l’argent. Comme j’ai parlé de Sannazar, j’ai cru devoir rapporter ses vers avec ceux de Santeüil, pour en laisser juger les habiles. […] {d}

    Vers que Santeüil a faits pour la pompe du Pont Notre-Dame :

    Sequana cum primum allabitur urbi,
    Tardat præcipites ambitiosus aquas
    Captus amore loci cursum obliviscitur anceps
    Quæ fluat, et dulces nectis in urbe moras
    Hinc varios implens fluctu subeunte canales
    Fons fieri gaudet, qui modo flumen erat
    .

    Imitation des vers latins par P. de Corneille :

    “ Que le Dieu de la Seine a d’amour pour Paris,
    Dès qu’il en peut baiser les rivages chéris,
    De ses flots suspendus, la descente plus douce
    Laisse douter aux yeux s’il avance ou rebrousse,
    Lui-même à son canal il dérobe les eaux
    Qu’il y fait rejaillir par de secrètes veines,
    Et de plaisir qu’il prend à voir des lieux si beaux,
    De grand fleuve qu’il est, le transforme en fontaines. ” » {e}


    1. La Haye, Joseph Crispin, 1708, in‑8o de 102 pages : ana de Jean-Baptiste Santeul (Santeüil ou Santeuil, 1630-1697), chanoine régulier de Saint-Augustin.

    2. Sur le même principe que la pompe de la Samaritaine (v. note [64], lettre 166), construite au milieu du Pont-Neuf en 1608, la pompe du pont Notre-Dame (v. note [73], lettre 219), édifiée en 1676, alimentait 29 fontaines de Paris.

    3. Soit dix fois plus que dans L’Esprit de Guy Patin.

    4. Suivent en latin, sans traduction française, les « Vers que Sannazar a faits pour la ville de Venise ».

    5. Pierre Corneille a fait grand honneur à Santeüil en traduisant ses vers. Je n’ai pas eu l’audace d’en donner une version plus littérale. Le Santeüillana donne ensuite celles de Charles Dupérier et de François Charpentier.

  2. Le Supplément ou troisième volume du grand Dictionnaire de Louis Moréri (Paris, Denis Thierry, 1689, page 1062) ajoute ce détail sur Sannazar, que L’Esprit de Guy Patin a repris :

    « Comme il était naturellement d’une humeur gaie et qu’il avait l’esprit enjoué, on le souhaitait dans toutes les bonnes compagnies. Il était si galant que même en sa vieillesse il paraissait avec les habits et l’air d’un jeune courtisan. » {a}


    1. Une édition plus tardive du Moréri (Bâle, Jean Brandmuller, 1738, tome vi, pages 298‑299) contient tous les éléments (y compris les vers sur Venise) qu’on lit dans l’article de L’Esprit de Guy Patin (1709), mais elle est nettement postérieure à sa publication. Cela confirme toutefois les flagrantes interactions qui existent entre ces deux ouvrages (v. note [1] du Faux Patiniana II‑7).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-2, note 33.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8215&cln=33

(Consulté le 23/04/2024)

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