Autres écrits : Leçons de Guy Patin au Collège de France (1) : sur le Laudanum et l’opium, note 39.
Note [39]

Ce chapitre de la « Méthode pour remédier » de Galien développe l’idée que le remède ne doit pas être plus dangereux que le mal, en insistant sur les médicaments soporifiques, avec ce passage concernant (entre autres) l’opium (Kühn, tome x, pages 816‑817, traduit du grec) :

Incidunt medici in ejusmodi excessus cum in aliis quoque remediorum generibus non paucis tum vel maxime in iis vocatis anodynis medicamentis, quæ ex papaveris succo vel alterci semine vel mandragoræ radice vel styrace vel tali quopiam fiunt. Nam et qui ægris gratificantur, in eorum medicamentorum usu modum excedunt et qui intempestive immodiceque sunt generosi, dum prorsus horum usum refugiunt, doloribus ægros jugulant. Quemadmodum igitur in omni totius vitæ tum habitudine tum actione, ita hic quoque illud ne quid nimis complectendum, habenti pro fine cubantis utilitatem. Nam si fas est iis remediis quæ morbum sanent utendo quod optamus efficere, abstinendum ab sopientibus medicamentis est, quæ vocant anodyna. Sin ex vigiliis et viribus resolvendis ad mortis discrimen æger tendat, tum profecto tempestive ejusmodi medicamentis utare, non ignarus, corporis habitum nonnihil ex his lædendum, læsionem tamen quam mortem potius eligendam. Nam si hæc admodum magna non sit, saltem postea spatio longiore eam sarcire licebit ; sin ita est immodica ut nec prolixo spatio persanari queat, ac certe hanc ipsam eligendam potius remur quam ut homo pereat ; hac nimirum persuasione ego quoque tametsi omnium maxime ab usu graviter sopientium medicamentorum abhorrens, aliquando tamen ea et colicis exhibeo et iis qui vel oculorum vel aurium vel aliarum partium vehementissimo dolore cruciantur. Interdum vero et quum æger ex tenui destillatione, vigiliis et vehementi tussi urgetur, pauxillulum ejusmodi medicamenti offero, facile noxam ejus, si quis semel soporifero medicamento est usus, spatio emendatum iri ratus.

[Les médecins tombent dans ce genre d’excès quand ils en viennent à d’autres sortes de remèdes, dont le nombre est grand, et surtout à ceux qu’on appelle les médicaments anodins, {a} qu’on tire du suc de pavot, de la graine de jusquiame, de la racine de mandragore, du styrax, {b} etc. Et de fait, ceux qui, pour être agréables aux patients, abusent de ces médicaments et s’en montrent prodigues, mal à propos et sans modération, tuent les malades dans le même temps qu’ils suppriment entièrement leurs douleurs. De même donc que, dans tout comportement comme dans toute action de la vie tout entière, il ne faut rien chérir qui n’ait pour but l’intérêt du patient, de même, s’il est légitime d’employer les remèdes qui guérissent la maladie, ce que nous désirons accomplir, il faut s’abstenir des médicaments soporifiques, qu’on appelle anodins. Si pourtant le malade se met en péril de mort pour venir à bout de ses insomnies, en même temps que de ses forces, utilisez alors bien sûr ces médicaments en temps et lieu, sans ignorer qu’ils ne manqueront pas de nuire à l’habitude du corps, mais qu’il faut pourtant préférer cela à la mort ; car si le dommage encouru n’est pas très grand, on pourra du moins ensuite le réparer en prenant le temps nécessaire ; mais si le mal est si excessif qu’il ne puisse être guéri qu’après beaucoup de temps, nous pensons qu’il faut certainement préférer ce risque à la mort du malade. Bien que je sois, moi aussi, absolument convaincu qu’il faut grandement répugner à l’emploi de tous ces remèdes fortement soporifiques, je les prescris pourtant parfois à ceux que torturent des coliques ou une très violente douleur des yeux, des oreilles ou des autres parties du corps ; mais de temps en temps, quand le malade est pressé par un catarrhe aqueux, des insomnies ou une toux violente, je présente une toute petite dose de ce médicament, en pensant que si un soporifique n’est utilisé qu’une fois, le tort qu’il cause sera corrigé en temps raisonnable].


  1. Les anodins (« sans douleur » en grec) étaient des médicaments « qui font une résolution des humeurs doucement et sans violence, qui ôtent la douleur, ou stupéfient le sentiment du toucher » (Furetière).

  2. V. infra note [45].

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Leçons de Guy Patin au Collège de France (1) : sur le Laudanum et l’opium, note 39.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8129&cln=39

(Consulté le 28/03/2024)

Licence Creative Commons