À Charles Spon, le 10 avril 1650, note 5.
Note [5]

Les quatre premières phrases de la Préface donnent une idée du style inélégant (avec sa ponctuation originale) de cette Apologie royale :

« La funeste nouvelle qui nous a surpris depuis peu, a laissé tous nos sens interdits, et nos raisons effrayées : nous apprenant le cruel parricide commis en la personne du roi d’Angleterre, par la désespérée conspiration d’une troupe sacrilège. Tous ceux chez qui le bruit de cette fureur a passé, comme des hommes qu’un éclat de foudre tombée à leurs pieds aurait étourdis, ont senti

D’une soudaine horreur leurs cheveux se dresser,
Leurs voix dans leur gosier de douleur se presser
.

Ceux à qui la nature a donné une âme plus tendre, n’ont pas pu retenir leurs larmes, ni s’empêcher d’y mêler des sanglots ; les plus forts esprits se sont emportés à des indignations si violentes, qu’ils avaient de la peine à se modérer et tous sans exception ont chargé d’imprécations, témoins de leur douleur, les infâmes auteurs d’un crime si nouveau, et si étrange. Car comme les maux, qui ne sont pas prévus, frappent plus rudement ; cette exécution si extraordinaire a tellement étonné tous les esprits, mal préparés à ce malheur, qu’il ne s’est trouvé personne d’un cœur si dur, d’une inclination si sauvage, ou d’une si brutale aversion pour la majesté des rois, qui n’ait au moins gémi en secret ; et qui n’ait été contraint par un mouvement d’humanité, de joindre son ressentiment particulier au deuil public, pour la chute également épouvantable et misérable d’une tête si sacrée. »

La plume de Saumaise trouve pourtant verve et force quand il décrit le supplice (pages 38‑39) :

« Il a été exécuté comme un voleur, comme un homicide, comme un assassin public, comme un traître à la patrie, comme un tyran : et devant la porte de sa propre maison, je veux dire, devant son palais, exposé en spectacle à tout le peuple, le col étendu sur le poteau infâme, au milieu de deux bourreaux, et des bourreaux masqués ; comme s’il était important à la solennité du massacre, que ces deux seulement parussent déguisés sous de faux visages, lors que le lieu du supplice était gardé par tant d’autres bourreaux à visage découvert : et qui sous le titre de gens de guerre à cheval et à pied, se tenaient en armes autour de l’échafaud. Ce fut en effet du milieu de cette troupe qu’on choisit ces deux bouchers qui eurent charge de couper la tête à leur roi ; tandis que leurs compagnons faisaient le guet, et donnaient ordre à la faire couper sûrement. Mais peut-on ouïr sans horreur les injurieux traitements et les indignités, que cette bande de bourreaux armés faisaient à tous ceux du peuple, qui témoignaient avoir quelque sentiment d’humanité durant l’acte funeste de cette sanglante tragédie ? Si quelqu’un fermait les yeux, s’il les détournait pour n’être pas obligé de les infecter de la vue d’un si horrible spectacle ; sa bonté n’était pas longtemps impunie. Si quelqu’un témoignait de l’étonnement ou de l’effroi, s’il paraissait touché, s’il blêmissait voyant donner le coup de cette hache infâme ; il sentait bientôt décharger sur lui-même, les coups de poing, de pied, ou de bâton. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 10 avril 1650, note 5.

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(Consulté le 24/04/2024)

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