À Claude II Belin, le 12 avril 1636, note 6.
Note [6]

« saine et bien portante ».

Guy Patin a beaucoup employé le mot empirique, dont son maître Galien a bien marqué le sens médical premier dans son traité De Sectis ad eos qui intoducuntur [Des Sectes, pour ceux qui commencent en médecine (ou pour les étudiants)] (Daremberg volume 2, pages 376‑377) :

« Ceux qui procèdent exclusivement de l’expérience {a} sont appelés par dérivation empiriques ; {b} ceux qui prennent leur point de départ dans le raisonnement ont reçu de la même manière le nom de rationnels ; {c} ce sont les deux sectes premières de la médecine : l’une n’invoque que l’expérience pour trouver les moyens thérapeutiques, l’autre a recours aux indications, {d} et on a coutume d’appliquer à l’une le nom d’empirique et à l’autre celui de rationnelle ; on a coutume aussi d’appeler la première des ces sectes observatrice et mnémonique, {e} et la seconde, dogmatique et analogistique (raisonnante). {f} De même, les médecins attachés à l’une ou à l’autre secte son dits empiriques, observateurs et annalistes des phénomènes s’ils s’en tiennent à l’expérience, ou rationnels, dogmatiques et analogistiques (raisonneurs) s’ils admettent le raisonnement. »


  1. Experientia en latin, εμπειρια (empeiria) en grec ; le latin dispose d’un autre mot, periculum, qui dispose de l’intéressant double sens d’expérience et de danger : de fait, il n’y a guère d’expérience dénuée de péril.

  2. Empirici, εμπειρικοι (empeirikoï).

  3. Ou logiciens, rationales, λογικοι (logikoï).

  4. Ou au raisonnenement, ratio, λογος (logos).

  5. τηρητικην τε και μνημονευτικην : observatrice (têrêtikên) et mnémonique ou commémorative (mnêmoneutikên, fondée sur la mémoire des observations antérieures).

  6. δογματικην τε και αναλογιστικην : dogmatique (dogmatikên) et déductive ou analogistique (analogistikên, fondée sur l’analogie).

Dans le livre iii de son traité De Methodo medendi [La Méthode pour remédier] (Kühn, volume 10, page 159), Galien a nuancé cette opposition radicale entre les deux sectes médicales :

Ac empirici quidem per experientiam invenire omnia contendunt, nos partim experientia, partim ratione, quum neque illa invenire omnia queant neque sola ratio.

[Les empiriques cherchent certes à découvrir toutes choses par l’expérience, mais nous le faisons partie par l’expérience, partie par la logique, puisque ni l’expérience ni la logique ne peuvent à elles seules découvrir toutes choses].

Pour Galien, comme pour Patin, le bon médecin galéniste devait donc être à la fois empirique et rationnel (dogmatique) ; et Patin assimilait l’empirique pur, praticien sans dogme, au charlatan (v. note [16], lettre 6) et au chimiste polypharmaque (v. note [22], lettre 601). Ce glissement de sens est bien attesté par Furetière dans sa définition du mot empirique :

« médecin qui se vante d’avoir quelques secrets fondés sur l’expérience et qui ne s’attache pas à la méthode ordinaire de guérir. Il se dit particulièrement de ceux qui se servent de remèdes chimiques tirés de la préparation des métaux et des minéraux. Les médecins de la Faculté de Paris traitent tous les autres d’empiriques, de charlatans. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 12 avril 1636, note 6.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0028&cln=6

(Consulté le 29/03/2024)

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