À Charles Spon, le 10 mai 1652, note 60.
Note [60]

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome ii, page 220, mai 1652) :

« Vendredi matin 10, gens apostés ont été par certaines boutiques dire qu’on eût à les fermer et qu’autrement, elles pourraient être pillées et qu’il y devait avoir sédition.

Le duc de Beaufort a dit aussi aux marchands du Palais de fermer, ce qu’ils ont fait, et à leur exemple, toutes les rues voisines de même.

On a tendu les chaînes jusque sur le pont Notre-Dame.

Le Parlement a commis deux conseillers, Ménardeau et Doujat, pour assurer le peuple et lui dire qu’il pouvait ouvrir les boutiques ; il les a renvoyés, criant […] “ Aux mazarins ! ”

M. d’Orléans, indisposé et, pour goutte, gardant le lit, n’a pu venir au Palais. Le prince de Condé y est venu et le duc de Beaufort.

Il a été ordonné que le procureur général {a} et un des avocats du roi iraient à Saint-Germain demander la réponse promise aux remontrances par écrit, que les députés du Parlement y lurent et laissèrent lundi dernier.

Le procureur général est parti sur les cinq heures, ayant avec soi M. Bignon, {b} second avocat général, et a pris son chemin par les portes de Neuilly. Le sieur de Saintot, maître des cérémonies, s’est mis avec eux.

Le Corps de Ville, sans le prévôt des marchands qu’on dit être malade, s’étant présenté à la porte de la Grand’Chambre, la canaille s’est jetée dessus les archers qui étaient une douzaine ou environ, et leur a ôté les hallebardes.

La canaille a rompu les prisons et s’en sont sauvés quarante prisonniers du préau {c} et chambres libres. »


  1. Nicolas Fouquet.

  2. Jérôme i Bignon.

  3. « Cour de Conciergerie, ou prison, où on laisse aller les prisonniers pour prendre l’air : on a ôté ce criminel des cachots et on l’a mis sur le préau ; le Parlement va quatre fois l’année au préau, c’est-à-dire, va tenir une séance dans le préau de la Conciergerie pour visiter les prisonniers, et les délivrer, quand il y a lieu » (Furetière).

Journal de la Fronde (volume ii, fo 76 vo et 77 ro, 10 mai 1652) :

« Ce matin, le Parlement s’est assemblé. S.A.R. {a} n’a pu y aller, mais M. le Prince s’y est trouvé avec M. de Beaufort ; et lorsqu’ils sont entrés, on leur a crié “ Ou la paix ou la guerre ”, et dit que tous les bourgeois étaient prêts d’aller attaquer Saint-Germain ; à quoi M. le Prince leur a répondu qu’ils se trouvassent cette après-dînée au palais d’Orléans et l’on verrait la résolution qu’on devrait prendre ; et parce que les boutiques étaient fermées dans le Palais et aux environs à cause du grand nombre de monde, l’assemblée a député M. Doujat pour les aller faire ouvrir, mais on l’a rebuté avec injures. L’on a mandé le prévôt des marchands pour savoir ce qu’on avait répondu à Messieurs de Ville à Saint-Germain ; mais il n’y est point revenu et les échevins s’y sont rendus seuls, accompagnés des archers de Ville, lesquels s’étant postés avec leurs armes dans le Palais à la porte de la Grand’Chambre, les bourgeois les ont chassés après les avoir tous désarmées et fort maltraités, jusqu’à leur ôter leurs casaques. L’on y a même rompu les portes des prisons de la Conciergerie, d’où tous les prisonniers se sont sauvés, à la réserve de ceux des cachots. La résolution que le Parlement a prise a été que Messieurs les Gens du roi iraient dès aujourd’hui à Saint-Germain pour demander la réponse qu’on avait promise aux députés et supplier le roi d’éloigner les troupes de 10 lieues de Paris, après lui avoir représenté la disposition dans laquelle sont les peuples de les aller chasser, attendu les ravages qu’elles y font, et que S.A.R. serait suppliée d’y envoyer un gentilhomme de sa part. Elle y a envoyé le comte de Béthune.

Cette après-dînée, grand nombre de bourgeois de Paris s’étant rendus au palais d’Orléans, ont eu audience de S.A.R. à laquelle un d’entre eux nommé Pernis, trésorier de France, a porté la parole et a fort bien harangué. La substance de son discours a été que tout Paris était dans une grande consternation des bruits qui couraient que S.A.R. s’était accommodée avec le cardinal Mazarin ; que toute la France et les bons bourgeois de Paris seraient bien malheureux si, après s’être déclarés contre cet ennemi commun sous la protection de S.A.R., ils se voyaient réduits à souffir qu’il continuât à tyranniser ; et si elle les délaissait dans cette occasion, que véritablement ils s’étaient persuadés qu’il y avait quelque vraisemblance, voyant que l’armée de S.A.R. ne faisait rien, et qu’elle avait laissé venir aux portes de Paris celles du cardinal Mazarin pour y faire des ravages et des désordres épouvantables ; et qu’enfin, ils étaient venus là pour offrir à S.A.R. (en cas qu’il n’y eût point d’accommodement) d’employer présentement leurs biens et leurs vies à remédier à ce désordre et à chasser cet ennemi de l’État, dont ils étaient prêts de proposer les moyens ; à quoi S.A.R. leur a répondu qu’elle n’avait pas songé du tout à s’accommoder avec le cardinal Mazarin et qu’elle leur protestait de ne consentir jamais à aucun accord jusqu’à ce qu’il serait entièrement hors de France ; que tous les bruits qui en couraient étaient des faussetés ; et que si l’armée ne faisait encore aucune entreprise, c’était pour des considérations particulières, fondées en raison ; et quant aux propositions qu’ils avaient à faire pour aider à chasser le Mazarin, que comme elle était indisposée, elle avait député M. de Beaufort avec le maréchal d’Étampes pour les entendre et lui en faire rapport, et qu’elle les ferait trouver au lieu où ils s’assembleraient pour ce sujet. Ils sont sortis là-dessus et sont allés dans le jardin de ce palais où après une conférence d’une heure, ils ont député seulement 80 d’entre eux afin d’éviter la confusion, pris de tous les quartiers de Paris, pour se trouver demain à trois heures après midi chez M. de Beaufort et y faire les propositions de contribuer ce qui sera délibéré entre eux, soit en argent ou en soldats entretenus, et pour résoudre s’il faudra pour cet effet convoquer une assemblée générale de bourgeois. »


  1. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 10 mai 1652, note 60.

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(Consulté le 20/04/2024)

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