À André Falconet, le 1er octobre 1660, note 7.
Note [7]

Unique mention, dans la correspondance de Guy Patin, de la Compagnie du Saint-Sacrement, organisation religieuse dont la première idée émana en 1627 de Henri de Lévis, duc de Ventadour, qui voulait « promouvoir la gloire de Dieu par toutes sortes de moyens ». Elle fut véritablement mise sur pied entre 1629 et 1631 par le P. de Condren, général de l’Oratoire, et par le jésuite Jean Suffren.

Ouverte à tous, la Compagnie, que dirigeait un bureau, s’inspirait de la dévotion au Saint-Sacrement, chère au xviie s. : ses réunions avaient lieu le jeudi, jour consacré à l’Eucharistie ; comme le Christ caché dans l’hostie, la Compagnie voulait rester secrète, ce qui lui valut l’accusation d’occultisme. Elle comptait autant d’ecclésiastiques que de laïcs, et mettait son immense réseau d’influence au service de ses pieux desseins, sans toujours bien veiller à la légalité de ses procédés.

Protégée, entre autres, par Louis xiii, Richelieu ou Anne d’Autriche, elle compta bientôt des affiliés de premier plan : Vincent de Paul (v. note [27], lettre 402), dès 1635, Jean-Jacques Olier, curé de Saint-Sulpice (v. note [6], lettre 318), Jean Eudes (1601-1680, prêtre de l’Oratoire canonisé en 1925, frère de l’historien, François Eudes de Mézeray (v. note [11], lettre 776), le premier président Guillaume de Lamoignon (v. note [1], lettre 540), Jacques-Bénigne Bossuet, nombre d’évêques et de grands seigneurs ; au moins 60 centres régionaux furent créés.

Les œuvres de charité avaient d’abord sollicité les membres de la Compagnie. En même temps, les sociétaires travaillaient à l’amendement des pécheurs et au maintien de la législation antiprotestante. Suivant les consignes du concile de Trente (v. note [4], lettre 430), ils firent exclure les prêtres scandaleux (1647) et poursuivirent l’immoralité sous toutes ses formes : prostitution, modes frivoles, spectacles… Le Tartuffe de Molière fut probablement interdit à leur instigation (1664, v. note [3], lettre 950), ce qui a accrédité parmi les libertins la fâcheuse activité d’une « cabale des dévots ».

La Compagnie était particulièrement dure à l’égard des protestants et des jansénistes ; mais ayant osé attaquer la frivolité de Mazarin (1660), elle devint la cible de nombreux pamphlets. Un arrêt du Parlement de Paris (13 décembre 1660) lui porta un rude coup, dont elle se releva pourtant. Elle fut officiellement dissoute en 1666 après la mort d’Anne d’Autriche (G.D.E.L.).

Dans La Cabale des dévots, 1627-1666, Raoul Allier a magistralement détaillé l’histoire, les objectifs et les manigances de la Compagnie du Saint-Sacrement, sans dénier en rien ce qu’en disait ici Guy Patin (dont il salue et cite le témoignage, pages 334 et 390). Son chapitre xvii, Le Complot découvert, relate les événements de 1660 qui aboutirent à l’Arrêt du Parlement de Paris, rendu sous forme de règlement le 13 décembre 1660, portant défenses à toutes les personnes de faire aucunes assemblées, ni confréries, congrégations et communautés en cette ville, ni partout ailleurs, sans l’expresse permission du roi. La canonisation de Vincent de Paul (en 1737) et la fervente dévotion catholique dont il jouit encore ont pudiquement mis dans l’ombre ses liens avec la secrète Compagnie, dont les agissements ont pourtant profondément influencé les affaires religieuses, politiques et morales du xviie s.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 1er octobre 1660, note 7.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0640&cln=7

(Consulté le 18/04/2024)

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