À Claude II Belin, le 7 avril 1638, note 8.
Note [8]

« pour financer les guerres ».

Créées en 1522 sous François ier, les rentes de (ou sur) l’Hôtel de Ville étaient des emprunts d’État qui connurent un très grand succès auprès des épargnants parisiens en tous genres, riches, moins riches (comme sans doute Guy Patin), et même modestes. Le public souscrivait les rentes et en percevait les intérêts à l’Hôtel de Ville de Paris, intermédiaire et garant qui prêtait au roi, en son nom propre, l’argent des rentiers. Le paiement des intérêts était assigné sur divers impôts d’État (aides, gabelles, etc.) et s’effectuait en principe chaque trimestre (« par quartier »). Initialement au denier 12 (8,33 pour cent), l’intérêt (« denier du roi ») diminua au fil des émissions : denier 16 (6,25 pour cent) en 1601, denier 18 (5,5 pour cent) en 1634, denier 20 (5 pour cent) en 1665. Outre cette dévaluation, l’usage s’instaura de faire sauter un quartier ou un quartier et demi (comme le mentionnait ici Patin dans sa lettre), et d’accumuler les retards de versements qui atteignirent en moyenne un an en 1637, et jusqu’à trois ans en 1645, et même quatre ans en 1648, au plus fort de la crise financière, provoquant l’extrême mécontentement des rentiers. Dans les Comptes de la Faculté de médecine pour 1651‑1652 (v. note [1]), on peine à croire le doyen quand il accusait alors la perception des intérêts dus pour le premier semestre 1630.

Retz (Mémoires, page 577) :

« L’on peut dire, avec vérité, que les rentes de l’Hôtel de Ville de Paris sont particulièrement le patrimoine de tous ceux qui n’ont que médiocrement du bien. Il est vrai qu’il y a des maisons riches qui y ont part, mais il est encore plus vrai qu’il semble que la providence de Dieu les ait encore plus destinées pour les pauvres ; ce qui, bien entendu et bien ménagé, pourrait être très avantageux au service du roi, parce que ce serait un moyen sûr, et d’autant plus efficace qu’il serait imperceptible, d’attacher à sa personne un nombre infini de familles médiocres, {a} qui sont toujours les plus redoutables dans les révolutions. {b} La licence du dernier siècle a donné quelquefois des atteintes à ce fonds sacré. »


  1. Modestes.

  2. Changements de l’opinion.

Le paiement des rentes avait alors un peu tardé et le bruit s’était répandu dans le peuple que leurs dividendes avaient été employés aux frais de la guerre. Les rentiers s’en prirent à Claude Cornuel qui fut injurié, menacé. L’autorité intervint et trois des assaillants furent mis à la Bastille. Cette affaire ayant été portée devant le Parlement encore échaudé par son opposition de 1636 à l’autorité royale sur la multiplication des charges (v. note [3], lettre 30), elle y avait causé une nouvelle poussée d’agitation, car une partie des conseillers voulaient que les rentiers ne fussent pas inquiétés. Le roi intervint alors et défendit l’assemblée des chambres par lettre de cachet (Triaire).

Dans son historiette consacrée au président Paschal, Tallemant des Réaux (tome ii, page 57) a aussi évoqué l’événement :

« Quand on fit la réduction des rentes, lui {a} et un nommé de Bourges, avec un avocat au Conseil dont je n’ai pu savoir le nom, firent bien du bruit et à la tête de 400 rentiers comme eux, ils firent grand’peur au garde des sceaux Séguier et à Cornuel. Le cardinal de Richelieu fit mettre dans la Bastille les deux autres ; pour Paschal, il se cacha si bien qu’on ne le put trouver, et fut longtemps sans oser paraître. »


  1. Paschal.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 7 avril 1638, note 8.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0039&cln=8

(Consulté le 16/04/2024)

Licence Creative Commons