À Sebastian Scheffer, le 24 mai 1665, note 88.
Note [88]

« Errata du livre des Médicaments officinaux », dressé par Caspar Hofmann. Guy Patin n’en a pas moins continué à porter ses corrections manuscrites sur les 278 pages restantes du livre (qui contiennent notamment les remèdes d’origine minérale et animale). En retrouvant cette liste d’Hofmann, Patin nous a épargné une lettre encore bien plus longue.

Cette consultation approfondie du livre « des Médicaments officinaux » peut sembler fastidieuse, mais permet, entre quantité d’autres curiosités, de se réjouir que les recherches de botanique médicale ne se soient pas arrêtées aux décrets d’Hofmann. Pour n’y relever que trois insignes absents, son copieux Index rerum [Index des sujets traités] ne contient pas les noms de Digitalis purpurea (digitale pourpre), de Colchicum (colchique) et de Salix alba ou nigra (saule blanc ou noir), végétaux qui nous ont respectivement procuré la digitaline (1775, William Withering), la colchicine (1820, Pierre Joseph Pelletier et Joseph Bienaimé Caventou) et l’aspirine (acide acétylsalicylique, remarqué en 1763, breveté par la société Bayer en 1899).

Un tel constat rend perplexe quiconque se frotte aux monumentales et méticuleuses compilations des anciens botanistes. Aucun détail, aucune subtilité ne semblaient pouvoir leur échapper ; mais hormis quelques audacieux voyageurs, ils passaient plus de temps à se copier les uns les autres, à glaner les fables douteuses et à blâmer les novateurs, qu’à ôter leurs œillères pour courir la nature, interroger les autochtones et triturer les plantes, en vue de trouver des extraits végétaux inconnus à expérimenter ; ce qui, convenons-en à leur décharge, n’était pas dénué de tout danger car la marge entre le remède et le poison peut être fort étroite, à tel point qu’un même mot grec, pharmakon, désignait l’ensemble des drogues, salutaires comme malfaisantes, et qu’un même mot latin, periculum, signifiait à la fois essai et danger.

Pour les trois médicaments précités, en faisant généreusement exception de l’hermodacte qui peut avoir préfiguré la colchicine (v. note [10] de l’Observation 1 sur les us et abus des apothicaires), le seul maigre encouragement que j’aie su trouver, sans toutefois dissiper ma déception, est cette phrase de Matthiole commentant Dioscoride sur le saule (livre i, chapitre cxvii, page 137) :

« Il est bon d’épandre alentour des lits des fébricitants des feuilles de saule. »

Interea patitur justus [Pendant ce temps le juste souffre], comme Patin aimait à le déplorer (v. note [44], lettre 176).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 24 mai 1665, note 88.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1384&cln=88

(Consulté le 25/04/2024)

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