Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre xv, note 7.
Note [7]

Dans ce chapitre, intitulé De Venis Lacteis, de sa Corporis humani Disquisitio anatomica [Recherche anatomique sur le corps humain] (La Haye, 1651, loc. cit.), {a} Nathaniel Highmore a poursuivi chez le chien les observations de Gaspare Aselli, pour aboutir à une description illustrée de leur terminaison, où il fait preuve d’une merveilleuse imagination (pages 40‑42) :

Asellius duos tantùm vidit ramos ; ego plures (ut Tab. ii. et iii. delineavi) perlustravi, qui à Pancreate ad hepar per Portæ latera excurrunt ; eosque post mortem etiam facilè monstrare possum. At surculi hi (inquiunt) proportionati non sunt istis ab intestinis prolatis ; non enim illis sunt multò majores, at decuplo pauciores. Ergo à Pancreate vix chylum, quem illi ab intestinis attulerunt tot penè mille venarum lactearum, ad hepar transferre sufficerent. Verumenimverò licet hepati tot numero à pancreate non ascendant lacteæ, sunt tamen illis in mesenterio majores. Præterea cùm chylus ad Pancreas deferatur, in illius plexibus variis moram faciens, ulteriorem subit concoctionem, ubi multum serositatis, partisque crudioris deponit. In coctionis hoc intervallo, lacteæ ad hepar tendentes præparatum eliciunt chylum, qui tam diu in Pancreate immoratur, donec totum à vasis majoribus ad hepar transferatur ; quo tempore ulterius elaboratur, ut infra dicetur. Ideò verò plures surculi intestinis offeruntur, ut chylum præterlabentem omnem à fœcibus eliciant. Si enim pauciores, licet majores in illa insererentur, non omnem chylum attraherent, sed rara illarum ostia multum chyli effugiat. In Pancreate verò dum residat, deperditionis nullum est periculum, nisi excrementi, quod deponi debeat : Ideoque longius tempus in transitione à Pancreate ad hepar consumit, quàm ab intestinis ad Pancreas ; et ob hanc rationem, chylus in hisce majoribus vasis longum post tempus discernatur, quàm in mesaraicis illis, ubi ob subitum ascensum citò evanuerit. Ob moram itaque in Pancreate, et partis cujusdam excrementiæ ibidem separationem, non tanto lactearum numero à Pancreate ad hepar, ut ab intestinis ad Pancreas opus est. Ad secundum dicimus, proportionem inter cavam et lactearum surculos non esse necessariam, arbitramus ; cùm vena cava ob hoc solum non sit facta, ut sanguinem qui ex chylo quotidiano duntaxat conficitur, contineat : sed ut canalis sit communis, instar maris respectu fluviorum, in quod minutiores rivuli suas aquas refundant.

[Aselii n’a vu que deux branches ; {b} mais pour ma part, j’en ai compté plus que cela (comme le montrent mes figures ii et iii), {c} qui cheminent le long de la veine porte depuis le pancréas jusqu’au foie, et je puis même les montrer aisément après la mort de l’animal. Néanmoins (me dira-t-on), ces rameaux ne sont pas proportionnés à ceux qui naissent des intestins, car ils sont beaucoup plus fins et dix fois moins nombreux qu’eux ; ils suffiraient donc difficilement à mener du pancréas au foie le chyle qu’y a apporté une telle myriade de lactifères mésentériques. Toutefois, bien qu’il n’en monte pas un tel nombre du pancréas au foie, leur calibre est plus grand que ceux du mésentère. En outre, puisque le chyle est conduit dans le pancréas et s’attarde en ses multiples entrelacements, il y subit une coction plus poussée, qui le débarrasse de son abondante sérosité et de sa partie la plus crue. Après cette digestion prolongée, les plus gros lactifères qui se dirigent vers le foie puisent un chyle préparé, qui a séjourné longtemps dans le pancréas avant d’aller subir sa digestion hépatique finale, comme il sera dit plus loin. Le très grand nombre des lactifères mésentériques permet au chyle de s’y débarrasser des excréments qu’il contient ; et s’ils étaient moins nombreux à s’insérer dans les intestins, même en étant plus gros, ils ne pourraient absorber la totalité du chyle, dont une importante partie échapperait à leurs orifices. Pendant qu’il séjourne dans le pancréas, le chyle n’est en revanche exposé à aucun danger d’être perdu, hormis pour sa partie excrémentielle qu’il doit y abandonner. Il passe ainsi plus de temps à passer du pancréas au foie qu’il n’en a mis à passer des intestins au pancréas ; et cela explique qu’il soit plus longtemps visible dans les grands chylifères qui longent la veine porte que dans ceux du mésentère, où son passage rapide le fait promptement disparaître. En raison de son ralentissement dans le pancréas, qui lui permet de perdre une partie de ses détritus, nous ne jugeons pas nécessaire qu’il y ait autant de lactifères allant du pancréas au foie que de lactifères venant du mésentère ; et ce de la même façon que la veine cave n’est pas seulement faite pour transporter le sang qui est chaque jour élaboré à partir du chyle, mais pour être le canal commun où, comme font les fleuves dans la mer, les plus petits ruisseaux répandent leurs eaux]. {d}


  1. V. note [6], Historia anatomica, chapitre iii.

  2. La figure i de Highmore reproduit en noir et blanc celle d’Aselli ; mais les deux canaux qui vont du pancréas au foie sont bien dessinés dans sa figure ii (repères N).

  3. Les figures ii (repères b.b.b., c.c.c. et g.g.), et iii de Highmore (repères a.a.a., b.b.b. et c.c.c.) montrent de multiples petits conduits qui entourent la veine porte pour faire passer le chyle du pancréas dans le foie. Sur la seule face antérieure de cette veine, leur nombre est de quatre sur la figure ii et de sept sur la figure iii.

    En 1653 (v. supra note [1]), Thomas Bartholin a démontré qu’il s’agit de vaisseaux lymphatiques qui sortent du foie pour gagner le réservoir lombaire, et non de conduits qui transportent le chyle du pancréas dans le foie.

  4. Highmore a publié ces extravagances anatomiques l’année même où ont paru les Experimenta nova anatomica de Jean Pecquet, ce qui permet de comprendre à quel point sa découverte des lactifères thoraciques a médusé la totalité des anatomistes européens, et pourquoi une majorité d’entre eux a cherché à en amoindrir l’importance physiologique.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre xv, note 7.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/pecquet/?do=pg&let=1035&cln=7

(Consulté le 14/06/2024)

Licence Creative Commons