Jean GRANAT
Docteur en Chirurgie-Dentaire, Docteur en Sciences Odontologiques,
Diplômé d’Anthropologie, Chercheur associé, GDR 1945, laboratoire d’Anthropologie biologique,
Musée de l’Homme, 75116 Paris. jgranat@noos.fr
Evelyne PEYRE
Docteur en Paléontologie des vertébrés et humaine
Chargée de recherche au CNRS. MNHN USM 104 –
CNRS FRE 2292 Éco-Anthropologie et Ethnobiologie
Musée de l’Homme, 17, place du Trocadéro 75116 Paris. peyre@mnhn.fr

Résumé : L’étude de la phylogénie du menton débouche toujours sur des hypothèses. Nous avons recherché la conformation de la région mentonnière chez les ancêtres possibles de l’Homme anatomiquement moderne, qui seul possèderait un menton saillant.
La comparaison avec des Hominidés fossiles chez lesquels la symphyse mandibulaire n’est pas proéminente nous a conduits à étudier les dents et leurs rapports d’occlusion. Le rôle des incisives est très important et la recherche de la définition même de ce nom « incisive » nous a fait remonter aux anatomistes du XVIe siècle et aux différentes descriptions des dents. Les noms donnés, alors pour l’Homme, ont été conservés et utilisés pour des animaux et plus récemment pour les ancêtres de l’Homme, ce qui peut conduire à des erreurs d’interprétation. Un exemple supplémentaire de la rencontre la Paléoanthropologie et l’Histoire de l’Art dentaire.

Summary : Study of chin phylogeny leads to many hypothesis. We focused on the conformation of the chin area belonging to possible ancestors of modern Man, with projecting chin.
Confrontation with not prominent mandibular symphysis fossil Hominids led us to teeth and their relation ship in occlusion study. The role of the incisors is very important . The very definition of this name « incisor » necessitate to go back to the XVIe century various anatomical descriptions of the teeth. The names given, then for Man, were preserved and used for animals and more recently for Man ancestors, which can lead to wrong interpretation. A new example of meeting between Paléoanthropology and Dental History.

La recherche que nous menons actuellement se rapporte au menton de l’Homme actuel et à son évolution. Elle est la suite d’études menées par l’un et par l’autre dans le cadre de cette problématique (1) (2).

Le menton est, dit-on, « le propre de l’Homme ». Certes la variabilité de l’Homme actuel est grande (3) mais, en dehors de certaines pathologies ou malformations, il possède toujours un menton saillant. Si l’on veut comparer l’importance de la saillie mentonnière entre individus ou entre populations, il faut recourir à la biométrie et dans ce cas à des angles mesurés selon des plans de référence qui peuvent être de sustentation ou alvéolaire (4).

Chez les Hommes fossiles, cette région antérieure de la symphyse mandibulaire pose souvent des problèmes. Chez certains, des éléments du menton y sont reconnaissables et chez d’autres moins alors que les angles symphysaires sont semblables . Mais qu’entend-t-on exactement par « menton »?

Il est souvent admis que lorsque la mandibule repose par sa base sur un plan horizontal, si la partie antérieure et inférieure de la symphyse mandibulaire se projette en avant de la verticale abaissée de l’infradental (à la mandibule, point médian, le plus saillant du rebord alvéolaire antérieur , entre les deux incisives médiane), il y a « menton vrai » (fig. 1), ce menton est dit positif et l’angle symphysaire est aigu. Il est dit nul s’il est tangent à cette verticale, l’angle symphysaire est droit et négatif s’il se positionne en retrait, l’angle est alors obtus.

Figure 1. Mise en  évidence du menton positif.

 

Ce menton est composé de plusieurs éléments disposés en triangle dont la base correspond au bord inférieur de la mandibule et le sommet se situe sur la ligne médiane à environ mi-hauteur. Une fossette sépare le menton de la partie alvéolo-dentaire et accuse la proéminence sous-jacente.Il se trouve que plusieurs de ces éléments existent chez certains des Hominidés fossiles mais aucun fossile ne possède une réelle saillie mentonnière. Depuis plusieurs années nous avions émis l’hypothèse que le phylum qui conduit à l’Homme actuel s’était individualisé depuis au moins 2.400.000 années à partir de Homo habilis. Les fossiles mis au jour en 1991 à Dmanisi dans le Caucase géorgien (Fig. 2) et qui sont datés de 1.750.000 ans pouvaient se situer sur ce rameau. (5) (6). Des découvertes récentes sur ce même site vont dans ce sens et confortent cette idée. L’Homme de Dmanisi, baptisé Homo georgicus (7), pourrait bien être l’un de nos très anciens ancêtres. Les études menées sur ces fossiles (8) (9) concluent à la présence, chez eux d’éléments du menton avec même parfois, une légère dépression mentonnière sus-jacente, mais cette morphologie demeure en arrière de la verticale décrite plus haut et l’angle symphysaire n’est pas encore aigu.

Figure 2. Différentes étapes évolutives du menton.

 

Plus proche de nous, les fossiles de Omo Kibish (Ethiopie) datés d’environ 120 000 ans et ceux de Qafzeh et de Skhūl (Israël) datés de 95.000 à 100 000 ans, sont considérés comme des Hommes anatomiquement modernes, probablement parmi les plus anciens. Chez eux, la région symphysaire est proche de celle de l’Homme actuel. Omo Kibish possède une éminence mentonnière (10) et «Le trait le plus frappant de la mandibule de Qafzeh 9 est la présence d’une forte saillie mentonnière . L’examen du profil de la symphyse montre une forte incurvation surmontant le triangle mentonnier. Vue de face, la saillie est accentuée par la présence de deux petites fossettes, situées entre la partie supérieure du trigonum mentale et les crêtes correspondant aux racines des canines. Ces deux fossettes existent aussi sur la mandibule de Skhūl V et semblent assez fréquentes actuellement» (11)D’un point de vue biométrique, et « Compte tenu que 2,4 millions d’années, au moins, se seraient écoulées depuis la naissance du genre Homo, il suffit qu’à chaque génération apparaisse un individu dont l’angle symphysaire mandibulaire soit d’un epsilon plus aigu que le plus aigu de la génération précédente, pour passer d’une symphyse quasi verticale comme chez Homo habilis à une saillie mentonnière très prononcée comme chez Homo sapiens sapiens » (12).

Il est vite apparu (fig.3) que la saillie mentonnière existait lorsque l’occlusion dentaire était psalidodonte, c’est-à-dire croisée au niveau incisivo-canin, les dents supérieures recouvrant légèrement les inférieures (13).

Figure 3. Occlusions dentaires et forme du menton.

 

Chez Homo erectus s. s. et chez l’Homme de Néandertal, l’occlusion est en bout à bout dans une labidodontie d’origine et le menton est nul ou négatif. Les dents antérieures écrasent, usent mais ne coupent pas. L’usure est en plateau et très tôt les incisives et canines ont un bord libre aplati, large, et non coupant. Cette morphologie se rencontre aussi sur des dents lactéales. En psalidodontie, les incisives restent très longtemps coupantes et les canines pointues. L’usure se fait en biseau.L’usure des dents antérieures est donc différente.

L’examen de la denture des fossiles de la lignée qui mène à l’Homme actuel, montre que l’usure du bord libre est plus faible et les incisives plus coupantes que dans les deux autres lignées. Il est à regretter, pour certains fossiles, l’absence des arcades alvéolo-dentaires antagonistes (fig. 4).

Figure 4. Usure des incisives et évolution. A gauche, mandibules néandertaliennes: A:La Ferrassie,
B: Tabun, C:Regourdou, D: Amud.

En revanche, en Europe occidentale, un fait intéressant a été mis en évidence grâce aux outils accompagnant des Néandertaliens « tardifs ». Le facies de ces pierres taillées est typiquement « Chatelperronien ». Cette culture était jusqu’alors rapportée à l’Homme de Cro-Magnon de par son âge, entre 40.000 et 28.000 ans; les Néandertaliens étant supposés éteints depuis 10.000 ans au moins. Mis au jour en France à Saint-Césaire, en 1980, puis en Espagne à Zafarraya en 1988, ces Néandertaliens sont datés entre 28.000 et 35.000 ans (14). Nous savons que ces 2 rameaux, l’Homme de Néandertal et l’Homme anatomiquement moderne avaient évolué parallèlement, mais maintenant la preuve est faite qu’ils se sont rencontrés. Des Hommes labidodontes aux incisives non coupantes et des Hommes psalidodontes aux incisives tranchantes ont échangé leur culture. C’est à cette époque que les Néandertaliens se mettent à fabriquer un petit couteau bien particulier, à dos courbe abattu par fines retouches : le couteau de Chatelperron (fig. 5).

Figure 5. Couteaux de Chatelperron.

Comment ne pas admettre que les Néandertaliens ont alors réalisé ces outils pour couper afin de pallier à ce qu’ils ne pouvaient pas faire avec leurs dents.Les dents, leur forme et leur fonction et plus particulièrement les dents antécanines, se sont montrées avoir une importance primordiale dans l’évolution du menton. Les manuels d’odontologie traitent des dents humaines actuelles, il a donc fallu nous diriger vers des traités plus anciens afin de connaître depuis quand les dents ont reçu un nom. Notre démarche a ainsi rejoint l’Histoire des Sciences en recherchant dans l’Histoire de l’Art Dentaire puis dans celle de l’Histoire de l’anatomie humaine l’évolution du sens des mots au cours des siècles passés, depuis les fondateurs de l’art médical.

Plusieurs définitions sont proposées pour les « incisives ».

  • Incisif, ive. adj. (1314; Mondeville du lat. méd. incisivus). qui incise, qui est propre à couper. (Petit Robert 1987).
  • Incisive, n.f. (1754, de dent incisive). Dent aplatie et tranchante qui coupe les aliments, dans la partie médiane des arcades dentaires. Les huit incisives de l’Homme.  » Les tranchantes incisives des rongeurs » (Pergaud) (Petit Robert, 1987). Une petite précision, L. Pergaud est écrivain et cette citation vient de « La vie des bêtes: études et nouvelles » de 1923, édité à Paris en 1949 par les éditions Nelson.
  • Incisive, nom féminin. Dent des mammifères, aplatie, tranchante, pourvue d’une seule racine et située à la partie antérieure de chacun des deux maxillaires.(Larousse, 1997)
  • Incisive (dent): 1560 Paré. Le Dictionnaire étymologique Larousse, 1964, cite en référence: Paré Œuvres complètes ( v. 1560), Paris, Baillière, 1840.
  • Incisive n.f.. Dérivé savant d’incision (1545, Paré, au pluriel), désigne chacune des dents de devant, aplatie et tranchante, qui sert à couper les aliments. ( A. Rey – Le Robert Dictionnaire historique, 2000)
  • Incisive : Dentes incisivi ( PNA). Anat. Chez l’homme, chacune des dents (4 inférieures et 4 supérieures) occupant la partie antérieure des maxillaires et de la mandibule, mésialement par rapport aux canines. Anat. comp. Dans la série animale les incisives sont inconstantes. Parfois absentes, elles peuvent être une, deux, trois par hémi-mâchoire (15).

Nous remarquons que ce terme, dès son origine en français, conserve son sens de « qui tranche, qui coupe, qui incise » et que « dents incisives », en français, date du XVIe siècle (16). Quant au nom « incisive », il aurait été employé seulement en 1754. La Nomenclature Internationale reprend d’ailleurs ce terme: Dentes incisivi

Quoi qu’il en soit, les dents portaient des noms depuis l’antiquité et les deux dentitions avaient été remarquées. «La dent qui coupe et la dent qui broie sont repérées dès les plus anciens témoignages …Enfin les dents qui coupent, les incisives portent le nom grec…A la fin de l’Antiquité et au Moyen Age, on utilise des mots latins …Et, c’est finalement un troisième composé, dérivé d’incido, incisivi, qui sera retenu par Ambroise Paré et donnera le français « incisive »» (17).

Nos recherches antérieures sur l’évolution de la formule dentaire humaine (18) nous ont montré que, chez les Mammifères, en général, les « incisives » n’étaient pas toujours adaptées à trancher. Ce sont des dents généralement peu spécialisées, possédant une seule racine et leur couronne est plus ou moins aplatie vestibulo-lingualement, ce qui évoque les dents antécanines des premiers mammifères placentaires de la fin du Crétacé supérieur. Chez certains, elles ont acquis des caractères secondaires de spécialisation.

Rappelons que les mammifères placentaires sont regroupés en 18 Ordres, dont le nôtre, celui des Primates.

Dès les Cynodontes (250 millions d’années) la canine est individualisée. Elle est la première dent portée par le maxillaire, la canine inférieure est celle qui au cours de l’occlusion se place mésialement. Les dents antécanines sont portées par les prémaxillaires à la mâchoire supérieure et donneront les dents dites « incisives ». Chez le mammifère placentaire primitif, les dents antérieures sont au nombre de 3 par hémi-arcade. Ces éléments dentaires anté canine sont aplatis, à une racine et à bord libre émoussé

Certains mammifères ont conservé les 3 « incisives » primitives, d’autres n’en ont plus que deux, voire une, ou aucune, comme signalé par L.Verchère et P. Budin.

Rares sont ceux qui ont des incisives coupantes. Les rongeurs, ont une incisive coupante, ils sont les seuls ou presque. C’est ce que signale le Petit Robert. En effet, la face vestibulaire des incisives est seule recouverte d’émail. La face linguale s’use donc plus rapidement, ce qui aiguise le bord libre en lame tranchante. La croissance continue de la dent permet chaque jour de reconstituer la perte par usure.

Prenons quelques exemples (fig. 6)

Figure 6. Morphologies différentes d ‘incisives mammaliennes. A: Tigre, B: Gnou, C: Rat
D: Cheval, E: Eléphant, F: Lémur.

le Tigre a ses 3 incisives émoussées; le Cheval a sa canine, incisiforme, accolée aux 3 incisives et très vite usée, les cercles de dentine donnant l’âge de l’animal. Chez le Gnou, comme chez tous les Ruminants, à la mandibule, la canine est aussi accolée aux incisives. Ces dents s’usent lingualement, en biseau, par frottement avec la muqueuse supérieure puisqu’il n’y a, au maxillaire, ni incisives ni canines. Par frottement, ces ruminants déchirent l’herbe ou les feuilles pour les manger.

Chez les Lémurs et les Loris, Primates prosimiens, à la mandibule, la canine est accolée aux incisives; elles sont plutôt allongées et effilées pour former « le peigne dentaire » qui sert à la toilette de l’animal. Citons aussi l’unique incisive latérale maxillaire de l’éléphant, qui est spécialisée en défense.

Enfin l’Homme anatomiquement moderne possède des dents antécanines tranchantes, qui lui permettent de mordre, de couper. Ce nom « incisive » convient donc parfaitement à ces dents.

Mais cette définition ne convient pas à tous les animaux, ni à l’ensemble des mammifères, ni à l’ensemble des Primates, ni à l’ensemble des Hominidés.

Une recherche plus approfondie de l’Histoire des dents nous a montré que d’autres termes d’anatomie dentaire, dataient aussi du XVIe siècle, tels :

« Dent canine » qui daterait de 1541 signifie « dent du chien » et a été utilisé pour désigner la dent « pointue » de l’Homme. Le terme « canine » employé seul pour la dent humaine se retrouve en 1546, dans « Oeuvres médicales » de Ch. Estienne, livre daté de 1545-1561..

Nous retrouvons là, la même évolution que celle de « dent incisive » à « incisive ».

Molaire , est une autre traduction française du latin  » mola  » qui a donné la meule. Guy de Chauliac (14e s) dans « la Grande Chirurgie de Guy de Chauliac ou Guidon en françois  » aurait employé molaris pour ces dents en forme de meule et Jean Canappe, traducteur, l’aurait transformé en « molaires » dans la traduction qu’il fit en 1503. Ces dents étaient aussi appelées « dent molar » en ancien provençal, depuis le XIIIe siècle.

Il nous avons approfondi nos investigations afin de comprendre pourquoi ces noms, toujours utilisés, apparaissaient au XVe siècle dans la littérature savante puis au XVIe siècle

L’imprimerie, découverte au XVe siècle, y aurait beaucoup contribué. En premier lieu, ce sont les livres anciens, dont ceux de médecine, qui vont être publiés dans leur langue d’origine. L’idée de les traduire ou d’en écrire d’autres en français, pour élargir l’enseignement, ne se développe qu’ au XVIe siècle. Les noms latins ou grecs vont ainsi être transposés en français ou s’il n’y en avait pas, vont être créés.

En effet, jusqu’alors, l’enseignement médical se faisait en latin et se référait toujours aux enseignements des médecins de l’Antiquité qui faisaient toujours autorité.

Trois d’entre eux sont toujours vénérés. Nous trouvons, dans leurs travaux, des références aux dents montrant leurs connaissances dento-maxillaires.

Hippocrate ( 460 av J.-C.–375 av J.-C.)

Beaucoup d’écrits ( une soixantaine) portent le nom de ce » père de la médecine ». Plusieurs d’entre eux sont l’œuvre de ses élèves. Selon D. Gourévitch (19) « …même si certains écrits, qui tous cherchent à en imiter l’esprit, s’étalent sur une période de près de dix siècles. Ils ont tous en commun une pensée laïque qui n’exclut pas le sentiment religieux, une réflexion philosophique sur l’art médical, un respect des signes obtenus par une observation sévère et obstinée, des exigences morales élevées … La grandeur d’Hippocrate c’est donc d’avoir fait entrer la médecine et pas seulement le médecin dans la cité où la philosophie ,elle, était déjà. »

Pour Hippocrate, l’articulation des mâchoires est au milieu du menton et, en haut, à la tête.

Il y a deux mandibules, l’une gauche, l’autre droite, articulées au niveau du menton.

Nous savons aujourd’hui qu’à la naissance, chez l’Homme comme chez les autres singes, les deux hémi-mandibules se soudent et ne forment plus qu’un seul os, tandis que de très nombreux mammifères n’ont jamais de synostose mandibulaire.

Aristote (384 av.J.-C.-322 av J.-C.)

Il est considéré comme: le père de la science du vivant et l’un des fondateurs de l’anatomie comparée.

Dans Histoire des animaux, (traduction Janine Bertier, livre I chapitre 16. les organes internes), Aristote dit: ..«Les parties relatives à l’apparence externe s’ordonnent donc de cette façon, et comme on l’a dit, ce sont surtout elles qui sont le mieux dénommées par l’usage et connues. Pour les parties de l’intérieur du corps, c’est le contraire. Car celles de l’homme sont au plus haut point inconnues, si bien qu’il faut les examiner en se référant à celles des autres animaux, dont la nature est voisine».

Ceci explique pourquoi les descriptions des racines des dents sont peu décrites.

Il est intéressant de constater que, dans ce livre, l’Homme est considéré comme un animal parmi les autres.

Dans le livre II le chapitre 4 est consacré aux dents de l’Homme. «l’Homme perd toutes ses dents antérieures et aucun animal ne perd ses molaires ». Il remarque que « les dernières dents à pousser sont les molaires qu’on appelle de sagesse vers l’âge de vingt ans chez les hommes et chez les femmes. Chez certaines femmes âgées de quatre-vingts ans, des dents de sagesse ont poussé au fond de la mâchoire leur causant une souffrance au moment de la percée et chez des hommes pareillement. Mais cela n’arrive qu’à ceux chez qui les dents de sagesse n’ont pas poussé dans leur jeunesse». La locution française « dent de sagesse » pour la troisième molaire, daterait de 1611 (20)

Galien (129-210 AD)

Il est reconnu comme étant le plus grand médecin de l’Antiquité après Hippocrate et le plus grand anatomiste de l’Antiquité.

Sur le frontispice d’une de ses œuvres on reconnaît Saint-Côme et Saint-Damien, les patrons de la médecine (fig.7)

Figure 7. Frontispice d’un livre de Galien. On aperçoit en haut les Saints Côme et Damien (29)

Il était aussi « Médecin des gladiateurs », ce qui lui permet d’étudier l’anatomie humaine en soignant les blessés mais, il était difficile de disséquer des humains il conseille donc, comme Aristote, d’étudier l’anatomie humaine sur des animaux (des singes de préférence). Comme son aîné, il considère que la mandibule humaine est formée de deux os. Cette description erronée perdurera jusqu’au XVIe siècle et parfois même au-delà.Ses écrits influencèrent la médecine pendant plus de quinze siècles.

Il s’acharne à prouver avec une telle assurance que toutes les parties du corps sont faites dans un but déterminé, que ses affirmations deviennent des vérités (21).

Personne n’osa les discuter jusqu’à Vésale en 1543 dans la Fabrica (22).

Sur le plan dentaire c’est un flou anatomique.

Ayant ressenti des pulsations dentaires, il pensait qu’un centre vital devait exister dans la dent.

Peu de changements en ce concerne l’anatomie jusqu’au XVe siècle et surtout jusqu’à la Renaissance au XVIe siècle

L’invention de l’imprimerie, va permettre aux anatomistes, de palier à la rareté des dissections en établissant des livres d’anatomie avec des planches illustrées. Le premier livre avec des illustrations est écrit par un anatomiste italien, Jacopo Berengario da Carpi (v.1460-1530). On trouve ces illustrations dans les  » Isagogae breves perlucide ac uberrime in anatomiam humani corporis a communi medicorum academia usitatam, » ouvrage publié a Venise en 1535.

Avec la Renaissance, l’esthétique et la vérité du corps humain, occupent maintenant une place importante dans l’oeuvre d’art. Les artistes de cette époque vont alors porter un intérêt considérable à l’anatomie et suivre des cours dont certains maintenant se font en français. Ils pratiquent des dissections et deviennent les collaborateurs des anatomistes.

Ainsi, Vésale à partir de ses propres dissections de cadavres humains, publie à Bâle en 1543, son traité d’anatomie, « De Humani Corporis Fabrica », pour lequel il attache beaucoup d’importance aux illustrations qui accompagnent le texte. Il se rend à Venise et demande au Titien et à son élève Jean van Calcar (fig.8), de lui graver soigneusement ses planches d’anatomie.

Figure 8. Planche de la Fabrica de Vésale, dessinée par Calcar (21).

Michel-Ange a travaillé pour Colombo, dont Véronèse dessinera les frontispices de ses Traités, comme ceux de Vésale, en 1544. Biens d’autres encore, Le Primatice, Dürer, le Tintoret, se penchèrent sur ce sujet.

Mais le maître incontesté est Léonard de Vinci, qui s’intéressa à l’anatomie descriptive et fonctionnelle (fig.9)

Figure 9. Planche d’anatomie de Léonard de Vinci (30).

Il a réalisé en 1489 les premiers dessins des dents humaines proches de la réalité anatomique, sauf qu’ il attribue 4 racines aux prémolaires mandibulaires alors qu’elles n’en ont qu’une seule.

Les armes à feu, apparues au XVe siècle, sont de plus en plus utilisées au XVIe, ce qui, entre autre, remet en cause les connaissances en anatomie. En effet, les plaies ouvertes obligent les chirurgiens à pénétrer l’intérieur du corps et à rectifier certaines des erreurs du passé..

Ces blessures nouvelles leur permettent ainsi de pratiquer des dissections et d’approfondir leurs connaissances.

Regardons comment l’on voyait les dents chez cinq des nombreux anatomistes de cette époque.

Ambroise Paré (1517-1590)

Médecin et chirurgien, il publie en français (connaissant ni le latin, ni le grec).

Il a donc francisé des noms. Il est aussi sur les champs de bataille aux côtés d’Henri II.

Il participe en 1552 au siège de Metz et soigne la garnison. Il met au point de nombreuses techniques chirurgicales et des appareillages orthopédiques (mains artificielles, bras et jambes articulés).

Il aurait été le premier à avoir conçu des obturateurs palatins afin de fermer, avec une feuille d’or, une partie manquante à la suite de syphilis ou de coups de feu. Fauchard au XVIIIe siècle les améliore et les décrit en détails.

Pour A Paré, les dents s’articulent dans les maxillaires par gomphose .

Paré utilise donc le nom grec gomphos, qui est la cheville reliant des pièces ou une articulation. Il francise le terme mais en conserve le sens, puisqu’il dit : » Gomphose est faite quand un os est fiché dedans un autre comme un clou ou une cheville ».

Pour lui, les dents se peuvent régénérer quand elles sont perdues.

Ambroise Paré considérait les extractions comme opération très délicate.

«â€¦ il faut que le dentateur soit bien exercé…il faut être bien industrieux à l’usage du pélican (fig.10)…à cause que…on peut faire faillir à jeter trois dents hors de la bouche et laisser la mauvaise et gastée dedans ». Il précise que le dentateur doit faire asseoir son malade très bas et lui maintenir la tête entre les jambes, à la manière des médecins arabes.

Figure 10. Instruments dentaires utilisés par Ambroise Paré.( d’après Micheloni , modifié)

Ce pélican, instrument utilisé, à cette époque, pour les extractions dentaires a été décrit en détails par un médecin et chirurgien Strasbourgeois du XVIe siècle Walter H. Ryff.

C’est aussi au XVIe siècle qu’un chirurgien, Urbain Hémard, a écrit en 1582 un « essai » qui serait le premier traité professionnel sur les dents écrit en français, puis un livre traitant de la « vraie anatomie des dents,nature et propriétés d’icelles avec les maladies qui leur adviennent ».

Realdo Colombo (1516-1559)

Colombo est le premier à reconnaître que le maxillaire supérieur est immobile.

Sa contribution à l’ostéologie de la face est très importante .

Il a consacré aux dents tout un chapitre:  » De Dentibus » dans son livre « de re anatomica  » publié à Venise en 1559.

Ses connaissances sont plus avancées que celles des autres anatomistes de son époque. Pour lui, les dents sont déjà formées in utero, elles ne naissent pas de la gencive lors de l’éruption, comme tous le pensaient. Mais, comme eux, il croit à la croissance continue de la dent. Sa description des dents et de leurs racines est celle de Vésale.

André Vésale (1514-1564)

Il est le plus célèbre des anatomistes et chirurgiens du XVIe siècle et fit de l’Anatomie une Science, au sens moderne du terme. Il osa s’opposer aux dogmes millénaires médicaux et philosophiques de son temps, ce que personne n’avait fait avec autant de résolution avant lui (23).

Vésale est à Paris de 1533 à 1536. Il est encore étudiant lorsqu’il démontre pour la première fois que la mandibule humaine adulte n’est faite que d’un seul os.

Il rédige en 1543 le De humani corporis fabrica, où tout en s’inspirant des auteurs anciens, il expose ses théories et ses découvertes et propose une première nomenclature anatomique. Il développe la pratique des dissections même pendant les cours.

L’anatomie des dents et des racines que décrit Vésale est plus précise que celle de Galien proposée jusqu’alors (fig. 11).

Figure 11. Planche d’anatomie de Vésale (31)

Il découvre la chambre pulpaire mais n’en saisit pas la fonction car il assimile la dent à de l’os. Il ne distingue donc pas l’émail de l’ivoire (24).

Il pense que la dent temporaire est un appendice de la dent permanente. Ces deux dents représentent une unité biologique comme la diaphyse et l’épiphyse des os long.

Il attribue à la première molaire une « régénération ». Pour lui, les dents permanentes viennent des racines des dents lactéales.

Vésale, contrairement à Paré ne recherche pas de terminologie appropriée pour les dents. Il appelle la couronne, « appendice » .

Comme Aristote, il croît à la croissance continue des dents.

Il semble donc que, si l’anatomie progresse, la physiologie et l’embryologie soient bien en retard dans les connaissances de ce XVIe siècle. Volcher Coiter a été l’un des fondateurs de la physiologie expérimentale et de l’embryologie.

Gabriel Fallope (1523-1562)

Nous retiendrons 6 faits importants concernant l’odontologie (25).

  • 1) L’unité organique dent/alvéole. La dent permanente et la dent de lait ont chacune un alvéole distinct qui s’édifie en même temps que la dent.
  • 2) Les dents permanentes antérieures remplacent les dents de lait .
  • 3) Lors de l’éruption, la dent se compose d’un pôle superficiel, dur, sec, corné qui émerge et un pôle profond mou, humide d’où sortiront les futures racines. (Fauchard croyait que l’alvéole préexistait au germe)
  • 4) La calcification des dents commence in utero . On en doutera jusqu’au XVIIIe siècle.
  • 5) Pour Fallope, il y a une indépendance des 2 dentures. Il réfute la théorie appendiculaire. Il avance que 12 dents sont édifiées in utero dans chaque mâchoire.
  • 6) Mais, il est convaincu que les dents sont des os.
Bartholomée Eustache (v. 1510-1574)

Avec Eustache, l’odontologie d’aujourd’hui se met en place (26).

En 1564, il écrit le premier livre d’anatomie dentaire « Libellus de dentibus »

Il affirme que les dents ne sont pas de l’os mais qu’elles sont composées d’émail et d’ivoire (fig.12)

Figure 12. Dessins de dents présentés par Eustache.(d’après Dechaume, modifié).

Il décrit aussi les racines des dents de lait, mais ne parle pas de leur résorption.

Eustache constate qu’un ligament alvéolo-dentaire entoure les racines et considère les dents insérées dans les gencives comme les ongles dans la peau. Pour lui, la minéralisation se fait de la couronne vers la racine.

Conclusion

Cette incursion dans l’Histoire de la médecine nous a permis de constater que les dénominations en français des dents étaient relativement récentes. En revanche, depuis l’Antiquité elles avaient été nommés en grec et en latin et ce sont ces noms qui ont été francisés. Ces noms ont été destinés en priorité à l’Homme.

Il a fallu tout un siècle, le XVIe, pour approfondir les connaissances en anatomie et cela continue, le cerveau est encore très mal connu !

L’Homme a toujours eu besoin de temps pour comprendre et assimiler.

Le nom « incisive » créé pour l’Homme actuel a été utilisé ensuite pour nos ancêtres préhistoriques, même si, chez certains, ces dents ne coupaient pas. Pour les animaux aussi, incisives a remplacé « dents antécanines », ce qui est regrettable.

« Dent incisive » était un très bon terme, car il sous-entend qu’il y a des dents antécanines non incisives. Tout ceci éclaire notre recherche sur l’évolution du menton.

Les dénominations peuvent être trompeuses, il faut s’en méfier. Les molaires des carnivores étant morphologiquement différentes de celles d’autres mammifères ont bien été renommées « carnassières ».

Les dents, sont très importantes en Paléoanthropologie.

C’est au XVIIIe siècle, en 1740, q’une dent « d’une grosseur considérable » est ramenée du Canada (27). A partir de cette dent , Buffon lance l’idée « d’espèces disparues » . Cette idée va conduire au concept d’espèces fossiles. Un dessin de cette dent est publié en 1756, quant à la dent elle-même elle était considérée comme perdue. On l’a retrouvée récemment, au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, bien rangée mais mal étiquetée (fig.13).

Figure 13. Photographie et dessin de la dent de mastodonte rapportée du Canada en 1740. (Collection Muséum National d’Histoire Naturelle).

En 1806 Cuvier l’appellera « Mastodonte ». Si aujourd’hui Cuvier est écarté par ses théories catastrophistes, non évolutives, il n’en reste pas moins qu’il était un très grand naturaliste, avait dressé un catalogue des principaux animaux et est considéré comme le « refondateur » de l’anatomie comparée pour laquelle il développa le principe de la corrélation des formes. « En un mot, la forme de la dent entraîne la forme du condyle ; celle de l’omoplate, celle des ongles, tout comme l’équation d’une courbe, entraîne toutes ses propriétés ; et comme en prenant chaque propriété séparément pour base d’une équation particulière, on retrouverait, et l’équation ordinaire, et toutes les autres propriétés quelconques ; de même l’ongle, l’omoplate, le condyle, le fémur, et tous les autres os pris chacun séparément, donnent la dent, ou se donnent réciproquement ; et en commençant par chacun d’eux isolément, celui qui posséderait rationnellement les lois de l’économie organique, pourrait refaire tout l’animal ». (28).

1806 c’est l’année où Lamarck développe ses idées sur l’évolution et la transformation des espèces.

La connaissance de l’anatomie de l’Homme venait tout juste d’être bien fondée lorsqu’en 1856 c’est la mise au jour du premier Homme fossile reconnu comme tel, l’Homme de Néandertal. Pas étonnant alors, cette bataille entre anatomistes pour faire accepter que l’Homme avait pu être anatomiquement différent. En 1859 Darwin publie  » l’Origine des espèces ».

Cette rencontre entre l’Histoire de la médecine, celle de l’art dentaire et la paléo-ondotologie prouve bien la complémentarité de ces deux disciplines, les dents étant pour tous un sujet d’étude riche d’enseignement.

Remerciements

Nous tenons à remercier :

  • Madame le Professeur D. Gourevitch, Directeur d »études à l’EPHE, pour les conseils qu’elle nous a donnés et les documents qu’elle a gentiment mis à notre disposition.
  • Madame M .Vérant, Responsable de la Photothèque du Muséum National d’Histoire Naturelle, pour nous avoir permis de publier les documents relatifs au Mastodonte.
  • Monsieur Claude-René de Winter, historien, pour son site internet :
    http://www.histoirevivante.be.tf/
    présentant les planches anatomiques de Vésale et de Vinci et pour nous avoir autorisés à les utiliser.

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27 TASSY P.,2003 – La dent fondatrice de la paléontologie. Pour le Science 306, 10-11.
28 CUVIER G.,1992 – Recherches sur les ossements fossiles de quadrupèdes.(Discours préliminaire 1812).GF Flammarion, 631 Paris. 97-120.
29 GALIEN C., Claudii Galeni pergameni methodi medendi, id est, de morbis curandis libri quatuordecim / denuo magna diligentia Martini Gregorii recogniti ; Thoma Linacro Anglo interprete.
30 LEONARDO DA VINCI: Leonardo on the Human Body. NY: Dover Publications, 1983. 506 p.
31 SAUNDERS M., O’MALLEY C. D.,1973 – The illustrations from the works of Andreas Vesalius of Brussels. NY: Dover Publications, 252 p. Pl.9.