Alain SÉGAL
Président de la société française d’histoire de la Médecine
1, rue de la barbe aux cannes 51170 AUBILLY

AN ILLI MAGNA CLARITATE VIRI QUOS SALUBERRIMA FACULTAS MEDICA REMENSIS ANTIQUITUS GENUIT FAMAM EIUS PROBATAM EFFICIANT

Résumé

Après un bref rappel sur l’histoire de l’ancienne faculté de Médecine de Reims ( 1550-1793), l’auteur démontre que la réputation de cette Faculté n’est en rien usurpée vu le nombre de personnalités issues de cette dernière, alors que l’omnipotente Faculté de Médecine de Paris était si proche. L’auteur les présente sous forme de rubriques spécialisées mais ne livre que quelques unes choisies en raison du temps imparti pour son exposé donné dans le cadre du Congrès de la Société française d’histoire de l’Art Dentaire, qui a justement lieu dans la ville des Sacres. De grands noms de l’histoire médicale européenne s’y retrouvent, dont certains furent les médecins attitrés de rois de France voire pour d’autres, celui de monarques de divers pays européens , d’autres deviendront de futurs Doyens de la Faculté de Paris, d’autres de grands naturalistes, d’autres simplement de distingués et brillants médecins tels les J-B Sénac,Antoine Vallot, Bouvart, Hecquet, Cabanis, J.C.Desessart, Daubenton, Offray de la Mettrie, Sédillot, Bernard O’Connor, Archibald Pitcairn, les Jussieu, J.I.Guillotin, E. Nessel, P.F. Mitouart, A. Drossander, F.I.Goëtz, Nicolas Andry, etc….

Mots clés : ancienne Faculté de Médecine de Reims / 1550-1793 / Personnalités issues / médecins catholiques britanniques /

Abstract

The author report a brief studies on the Reims’s old faculty of medicine and demonstrated that this reputation is not usurped. In fact, great names of the European medicine has been also studying in Reims to obtain the degree with a special diplome for catholic strangers called « Extranei ». The proximity of the Paris’s faculty of Medicine was not an obstacle for the blooming of the faculty of medicine of Reims.

 

 

Parmi les quelques 3322 Docteurs en médecine issus de l’ancienne faculté de Reims depuis son réel début d’activité vers 1554, l’auteur se propose d’extraire de cette longue liste ceux dont le renom subsiste encore de nos jours, au point d’être définitivement inscrits dans les grands ouvrages de biobibliographie internationale traitant de l’histoire de la Médecine, des Sciences, des Belles Lettres et de la Philosophie. Néanmoins, certains auront marqué leur temps dans de toutes autres directions que l’Art médical et parfois dans des voies surprenantes.

Tout comme nos érudits prédécesseurs médecins historiens comme P.Dubourg-Maldan et O.Guelliot, nous distinguons volontiers trois grandes périodes successives qui voient au fur et à mesure le nombre d’élèves s’accentuer. Certes, le XVIe siècle ne donnera que 66 Docteurs en Médecine mais l’Université avait sûrement déjà une belle réputation au point de faire dire à William Shakespeare dans la  » Mégère apprivoisée  » au sujet des capacités du jeune Lucentio :  » That has been long studying at Rheims « .

Le XVIIe siècle en donnera 339 et le XVIIIe 2917 jusqu’au 16 octobre 1793, date qui restera à jamais inscrite sur le recueil des titres de l’Université par ce simple énoncé : Clôture du registre ! La Révolution commençait ses sévices.

Cette troisième période est féconde par le nombre d’élèves et cela s’explique par une certaine facilité donnée aux étrangers et aux autres français nullement originaires du pays rémois d’acquérir leurs degrés en Médecine par un Doctorat du  » Minore Ordine  » qui coûtait aux impétrants seulement 300 livres avec en plus trois livres de bougies par Docteur-Régent, membre du Jury. Nous sommes loin des 6000 livres demandées à Paris ! Mais pour devenir un véritable Docteur-Régent de Reims il faut alors convenir que les épreuves pour acquérir ce  » Major Ordine  » étaient tout autres.

 

Les portes de l’exercice médical à Reims et de ses alentours étaient jalousement gardées. Ainsi, cette relative facilité pour les éloignés, quels qu’ils soient, d’acquérir ce diplôme s’explique bien par le fait que le droit d’exercer la Médecine était valable pour tout le royaume à l’exception de ville siège d’une Université ou d’un Collège de Médecine.

Les médecins étrangers ne pouvaient en aucun cas exercer sur le royaume sauf par une exceptionnelle faveur royale, marque d’une reconnaissance particulière. Alors, on peut comprendre les vives réactions des médecins de Troyes qui héritaient de l’arrivée facilitée de médecins issus de Reims avec leur diplôme du Petit Ordinaire, perfidement dénommé par leur soin de Très Petit Ordinaire !

Le professeur P. Dubourg-Maldan s’est donné la peine de relever l’essentiel du recrutement à partir du fameux manuscrit laissé par le Doyen Louis–Jérome Raussin (Ms Bib. Mun.de Reims No 1085), vénérable relique de notre toute première Faculté. Ainsi retrouve-t-on :

  • 94 Rémois et sujets des environs de Reims

  • 1654 Français du Nord de la Loire, Bretons, Picards, Normands

  • 244 Français du sud de la Loire

  • 183 Belges, Luxembourgeois, et Hollandais dont 81 Liégeois ou personnes issues du Pays de Liège

  • 657 Irlandais

  • 243 Ecossais

  • 103 Anglais
    (Ces 1003 Docteurs provenant des îles britanniques sont bien sûr catholiques !)

  • 65 Allemands, Autrichiens, Saxons, Prussiens et même Hongrois

  • 12 Polonais

  • 17 Suédois

auxquels s’ajoutent 1 Russe, 20 Suisses, 6 Italiens, 8 Espagnols ou Portugais et 11 Américains du Nord ou des îles … et cetera., car des recherches ultérieures en ont déjà retrouvé d’autres.

On sait combien le redouté et redoutable Gui Patin eut la dent dure pour notre Faculté, tout du moins tant qu’il ne participa pas à sa réforme incluant aussi celle d’autres facultés et d’écrire dans une lettre du 29 octobre 1660 :  » â€¦.sur les plaintes du Recteur de l’Université de Reims en Champagne que pas une des Facultés n’y faisait son devoir , la cour a donné arrêt … « .

Cependant, on voit mal une faculté jugée lamentable, donner à autant de Rois de France leur Médecins tels Nicolas –Abraham de La Framboisière pour Henri IV et Louis XIII, Antoine Vallot pour Louis XIV, J.B. Sénac pour Louis XV, Dieudonné Jeanroi pour Louis XVI sans compter quelques Docteurs de Reims qui surent à certaines occasions, apporter leur savoir à parfaire la bonne santé de leurs Majestés.

On voit mal aussi une telle faculté donner par la suite, parmi ses anciens Docteurs, de futurs doyens de la prestigieuse voisine la Faculté de Médecine de Paris comme Philippe Hecquet , Nicolas Andry, Jean Le Thieullier, Jean-Charles Désessarts, Antoine Dubois et Joseph Philip.

Ayant été remarquablement étudié par le chirurgien Octave Guelliot, nous n’aborderons nullement le rôle éminent tenu dans leur profession par bien des Docteurs-Régents de l’ancienne faculté de Reims pour nous consacrer seulement à certains illustres et anciens élèves sans oublier bien sûr les élèves étrangers dont le nombre n’a pu vous échapper.

Comme vous le constatez par notre titre, c’est bien dans l’esprit d’une thèse de médecine rémoise du XVIIIe siècle que nous commençons notre exposé en nous posant cette question :  « Les hommes célèbres issus de l’ancienne Faculté de Médecine de Reims ont- ils justifié sa renommée ? » Vaste programme à résoudre en peu de temps.

Certes, en 1793, tout s’écroule au moment où il ne restait plus que seize Facultés de Médecine, en raison déjà de la disparition progressive de certaines comme Orléans, Bourges, Poitiers, ou par l’absorption de facultés assoupies pour ne pas dire léthargiques telles Pont-à-Mousson captée par Nancy, Dôle par Besançon, Cahors par Toulouse et Grenoble par Valence. Mais, comme le souligne le grand historien de la Médecine que fût le Médecin Général Pierre Huard et nous le citons : « sur ces seize facultés cinq dont Paris, Montpellier, Strasbourg, Reims et Toulouse gardaient une importance indiscutable et une réelle activité » les autres comme Nantes, Angers, Valence, Aix, Orange et Avignon vivotaient ! Donc, notre faculté rémoise intéressait nettement les étudiants français mais aussi les étudiants essentiellement catholiques étrangers comme les Irlandais, Ecossais, Anglais, Hollandais, Belges, etc.. car ils pouvaient y acquérir plus facilement le diplôme dit « Extranei »qui bénéficiait d’un régime d’études plutôt accéléré mais ils ne pouvaient en aucun cas exercer dans le royaume. Grâce aux échanges fructueux cultivés depuis longtemps avec notre ami le Médecin Général Louis Dulieu, nous avons pu profiter de ses exceptionnelles recherches sur l’Histoire de la Faculté de Médecine de Montpellier et retrouver ainsi d’autres noms de Docteurs de Reims. Souvent , le parcours de l’étudiant ,surtout étranger , l’ amenait à Reims et se terminait à Montpellier voire en Italie à Bologne ou Padoue .Ainsi, Louis Dulieu m’a affirmé que le célèbre chirurgien François Gigot de La Peyronie (1678-1747) est bien Docteur en Médecine de Reims . Quel honneur pour notre vieille Faculté d’avoir eu en son sein le créateur de la non moins célèbre Académie Royale de Chirurgie , génératrice dans le XVIIIème siècle des débuts de la méthode anatomo-clinique.

Pour notre travail, nous avons bien sûr consulté le fameux manuscrit de Louis –Jérôme Raussin (Ms 1084 B.M. R.) qui contient toutes les dates des thèses que l’auteur a pu retrouver dans les archives de l’ancienne Faculté. Ce catalogue a fait l’objet d’une révision personnelle du Docteur Guelliot avec des additions, fruit de ses recherches. Nous avons aussi complété encore cette liste par d’autres découvertes facilitées par notre rôle au sein de la société française d’histoire de la Médecine et son entourage érudit.

Afin de rendre le résultat de notre travail moins fastidieux par l’écoute d’une liste monotone de noms, nous nous sommes proposés de vous les livrer au travers d’un classement réunissant certains dans un cadre plus précis comme la Médecine pure, la Chirurgie, la Médecine et la Chirurgie militaire, les médecins et les chirurgiens portés vers l’obstétrique, les anatomistes, les naturalistes mais aussi ceux tournés vers les Belles Lettres incluant philosophes ou linguistes, ceux qui ont contribué aux journaux savants ,bien sûr les politiques et une ultime classe dénommée « divers » avec des médecins pharmaciens, des médecins juristes et autres.

Ce jour, il ne sera pas question de tout vous dévoiler sur les quelques cent quarante personnalités que j’ai retenues grâce aux notes laissées par le professeur Pierre Dubourg-Maldan ( 1807-1881) , grâce à celles du Docteur Octave Guelliot ( 1854-1944) et celles personnelles, fruit d’une bonne trentaine d’années de recherches diverses sur le monde de cette ancienne Faculté. Ainsi les quelques rubriques choisies pour ce Congrès de la Société française d’histoire de l’Art dentaire seront parfois l’objet d’un petit préambule indiquant sa situation au XVIIIème siècle mais le reste du travail sera accessible dans un texte plus important en cours de publication par l’Université de Reims à l’occasion du 450ème anniversaire de sa fondation. Nous citerons nos illustres prédécesseurs en général par ordre alphabétique afin de simplifier.

Commençons par ceux qui se sont distingués plutôt spécifiquement dans le seul exercice de la Médecine pure.

Originaire de Lyon , notre premier personnage restera à jamais une gloire. Ce clerc tonsuré, dénommé Andry, quittera son habit en 1690 en ajoutant alors à son nom « de Boisregard »et fera sa Médecine à Reims où il sera gradué le 3 novembre 1693. Puis il se fit recevoir à la fameuse Chambre Royale de Paris, véritable épine irritative pour la faculté parisienne et il put ainsi exercer aussitôt à Paris. Mais Louis XIV supprime les prérogatives de cette Chambre et Andry de Boisregard se voit contraint de passer ses examens devant la Faculté parisienne. Il le fit avec panache car son savoir était imposant et il devint Docteur de Paris en 1696 pour être vite nommé par la suite professeur adjoint au Collège de France puis titulaire en 1717. Ce censeur royal fut aussi associé au Journal des savants et termina même Doyen de la Faculté de Paris. C’est lui le père du mot Orthopédie , terme qui débute son ouvrage de 1741 sur « l’art de prévenir et de corriger dans les enfants ,les difformités du corps » Il reste aussi célèbre par son autre ouvrage sur « le régime de Carême, considéré par rapport à la nature du corps des alimens »(Paris,1710), vive diatribe menée contre le « Traité des dispenses de Carême » du Doyen janséniste Philippe Hecquet, autre célébrité issue de notre Faculté ! Le sens de la dignité du rang de ces deux personnages sut arrêter cette querelle stérile et c’est réellement aux pauvres de Paris qu’ils surent tous deux offrir leur savoir et leur générosité. Nicolas Andry fut le beau père du chirurgien Pierre Dionis, illustre anatomiste du Jardin du Roi, indéfectible défenseur du mode de la circulation du sang proposé par William Harvey, alors que la Faculté de Médecine de Paris maintenait sa ferme et stérile opposition selon les dires de Jean Riolan fils, au demeurant savant anatomiste.

Avec Jean Betbeder, Docteur de Reims le 7 janvier 1744, nous retrouvons un futur professeur et doyen de la Faculté de Médecine de Bordeaux (1760) auquel nous devons une excellente étude sur les eaux du Mont de Marsan (1755).

Nous ne pouvons laisser de coté Michel-Philippe Bouvart (1711-1787),originaire de Chartres, Docteur de Paris en 1729, mais de Reims le 5 mai 1730. Muni de vastes connaissances des langues anciennes grâce à son père Claude Bouvart, lui aussi Docteur de Reims au XVIIème siècle, il succéda à Burette à la chaire de Médecine du Collège de France où ses leçons avaient un immense succès. Ce personnage, déjà anobli, refusa, à la mort de Jean-Baptiste Sénac, autre maître issu de notre Faculté, la place de premier Médecin du roi mais resta à sa disposition et à celles de bien des grands du Royaume. Il était, hélas, hautain et dur envers ses confrères qui se vengeaient en traitant de charlatan cet homme vraiment probe. Voici un trait étonnant de sa vie qui nous en dit long sur la réussite de certains grands médecins :  Il est appelé chez un banquier dont la maladie  » psychosomatique « , dirions nous de nos jours , était provoquée par un embarras momentané dans ses capacités de paiements , Bouvart laissa pour toute prescription un billet à ordre de 20 000 francs, somme qui rétablira les affaires du banquier… et sa santé ! Bouvart fut membre associé de l’Académie des sciences en 1743.

Avec Jean-Jacques Bruhier d’Ablincourt, originaire de Beauvais, Docteur d’Angers puis de Reims le 19 août 1727 , nous abordons la médecine légale de l’époque. Ce médecin s’opposa vigoureusement au célèbre Jacques -Bénigne Winslow et à Antoine Louis le secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Chirurgie sur l’incertitude des signes de la mort , les embaumement précipités et cetera …Tout un programme sur ce problème délicat. Cela lui valut quelques vers de La Sournière lus à Angers dans leur Académie locale :

Bruhier, ton immortel ouvrage
Ouvre les yeux à bien des gens
Sur l’abus, le cruel usage
D’enterrer les morts tous vivants.

Bruhier, qu’il me déplairait fort
Bien à l’étroit dans une bière
De me voir vif après ma mort.

Ce type de recherche intéressa grandement notre feu confrère chalonnais Pierre Toussaint Navier (1712-1779), Docteur de Reims le 6 novembre 1741 , comme en témoigne son opuscule sur « Réflexions sur les dangers des exhumations précipitées, et sur les abus des inhumations dans les églises » ( Paris , B. Morin , 1775) mais celui -ci marqua son époque de belles recherches de chimie médicale dont celle sur l’éther nitreux . Ce médecin, spécialiste des épidémies fut un correspondant actif de l’Académie des Sciences . C’est le père du futur doyen rémois Jean-Claude Navier, auteur d’une thèse à retentissement sur « L’usage du vin de Champagne contre les fièvres putrides » thèse rééditée par l’éditeur Cazin dans son célèbre format à la demande de l’Intendant de Champagne Rouillé d’Orfeuil .

Originaire des Ardennes, Etienne Chardon de Courcelles (1705-1775), Docteur de Reims le 7 décembre 1735, se rendit en Bretagne où son savoir le fit devenir le premier Directeur de l’Ecole de Médecine de la Marine de Brest et aussi membre correspondant de l’Académie des Sciences. Il rédigea d’utiles manuels de clinique et de thérapeutique fort prisés des médecins de la Marine. Son ouvrage sur « le Régime végétal des gens de mer » de 1781 fait un état de la question dégageant l’utile et l’indispensable par son seul bon sens, évitant des avitaminoses dont il ne pouvaient entrevoir même l’idée. Il participa avec d’autres Docteurs de Reims à la rédaction du très célèbre Manuel des Dames de Charité où il leur apporta sa mise au point sur la saignée, toujours pétrie de retenue et de bon sens pratique.

L’irlandais du comté de Kerry Bernard O’Connor ( 1666-1698 ) nous visita pour acquérir son grade de Docteur de Reims le 18 septembre 1693 .Puis il se rendit en Italie nous laissant un ouvrage sur le Vésuve (1694) , puis passa par l’ Allemagne pour arriver en Pologne où il devint le Médecin du roi Jean Sobieski. De retour en Angleterre en 1695, il acquit une immense et justifiée réputation mais mourut très jeune à 32 ans. Nous retrouvons dans ses Dissertationes Medico- Physicae le texte sur le « De stupendo ossium coalitu » mais c’est surtout dans la fameuse « Lettre à Monsieur le Chevalier de Waldegrave » qu’il évoque cette observation de la continuité des os publiée à Paris chez Jean Cusson probablement en 1693 , donc à la période rémoise .Il est bien le premier à avoir décrit la redoutable spondylarthrite ankylosante ou rhizomélique dont la question fut reprise complètement par le professeur Pierre Marie en 1898.

Avec la figure de Jean-Charles Desessartz (1729-1811) nous retrouvons sa présence à Reims réellement pour des raisons de pauvreté car les études y étaient vraiment moins coûteuses. Ayant obtenu son Doctorat le 29 octobre 1771, il vint modestement s’établir à Villers-Cotterêts, puis à Noyon où il exerça globalement quinze années. Puis il se présenta à Paris qui l’admit en raison de ses rares qualités et il y devint même Doyen entre 1776 et 1778, période de la lutte obstinée contre l’établissement de la perturbatrice Société Royale de Médecine. Ce membre de l’Institut de France s’occupa beaucoup de la médecine des enfants et on lui doit son remarquable sirop contre la toux au goût de violette que nous utilisons encore.

Poursuivons avec Andréas Drossander, Docteur à Reims le 12 juin 1683, qui devint professeur de physique à la faculté d’Upsal en Suède. Sa bibliothèque reste renommée et contient de très rares ouvrages de botanique, matière dans laquelle il excellait.

Joseph Duffour ( 1761-1820), Docteur de Reims le 12 avril 1786 , sera chef de service du vieil hôpital des Quinze- Vingt et un méconnu de l’histoire de la Vaccine car il traduisit précocement l’ouvrage de John Thornton en 1808, prouvant amplement l’efficacité de la Vaccine.

J’aurai pu reporter dans la rubrique « littéraire » le médecin poète Malcolm Fleming du comté d’York, Docteur de Leyde ayant eu pour maître le rayonnant Hermann Boerhaave. Il fut aussi l’ami du médecin physiologiste suisse Albrecht von Haller. Il fut Docteur de Reims le 11 octobre 1724 .Son traité Nevropathia publié à York en 1740 et à Amsterdam en 1741 exposait en vers latins le problème de l’hypochondrie et il sut travailler précocement sur l’influx nerveux, justifiant ainsi sa renommée européenne.

Poursuivons avec un autre médecin d’origine troyenne, Docteur de Reims le 6 août 1698 Nicolas Franchimont. Ce dernier devint Professeur à l’Université de Prague mais aussi Comte palatin sous le nom de Franchimont de Frankelfelt .Devenu premier médecin du royaume de Bohème, il fut aussi conseiller des Empereurs Ferdinand II et Léopold Ier .Deux ouvrages révèlent son savoir toujours placé sous le galéno-hippocratisme le plus pur : Hexus Galeno hippocraticus de passione (1675) et Lithomia medica (1683).

Avec François-Ignace Goëtz , originaire du diocèse de Bâle, Docteur de Reims le 21 juillet 1785, nous nous trouvons plongé dans la lutte contre la variole, où le corps médical rémois démontre son avant-gardisme aidé de l’attitude courageuse de l’Archevêque de Reims Monseigneur de Talleyrand-Périgord qui prôna avec le médecin rémois J-B H. Caqué, l’inoculation . Goëtz devint un « grand et zélé inoculateur » selon les dires du doyen Louis-Jérome Raussin. Il inocula même Madame Elisabeth de France et ensuite Madame Clotilde de Piémont ! Certes la découverte de la vaccine par Edward Jenner finira par mettre presque tout le monde d’accord. Mais retenez que dans le tout premier comité de la vaccine, fondé par le duc de La Rochefoucault, le rémois Henry-Marie Husson xx fut le premier secrétaire et il évoquait souvent le rôle bénéfique et les mérites de ses compatriotes rémois les médecins J-B H. Caqué, Navier, Demanche et les chirurgiens Husson et Duquénelle. Seul le Doyen Fillion s’y opposa libérant des couplets moqueurs :

Pour détruire la variole
Ils vont tenir bureau ;
Mais pour remplir leur fiole
Ils n’iront au caveau.
Sur une fraîche litière
Nos six Docteurs couchés,
Du pis d’une vache laitière
Prendront leur récipé ;
[etc.]

Avec la célébrité suivante, nous aurons le triste regret de constater que son renom n’est pas du en fait à ses qualités morales et professionnelles incontestables mais bien à une sinistre et ancienne machine à décapiter réactualisée par le facteur de piano Tobias Schmidt avec les conseils éclairés pour l’obliquité du couperet  du chirurgien Antoine Louis ! La « Louison » aurait pu rester à la rigueur avec ce sobriquet mais nullement celui de « Guillotine » car le bon Docteur Guillotin ,Docteur de Reims le 27 janvier 1768, ne réclamait rien d’autre que le même châtiment pour tous ! Il faut revoir les excellent travaux des Docteurs André Soubiran et Pierre Germain sur l’essentiel de sa carrière. J’aimerai insister sur le fait que Joseph-Ignace Guillotin fut Grand Orateur de la plus Grande Loge maçonnique du moment et sur ce point il reste beaucoup à dire car bien de nos Docteurs-Régents et autres Chirurgiens rémois se retrouvent dans les deux principales loges rémoises. Reste que Guillotin conduisit magnifiquement dans son rôle le comité parisien de la vaccine et qu’il se distingua réellement d’abord comme Député de Paris aux Etats Généraux de 1789 puis comme secrétaire de l’Assemblée Constituante. Il faut poursuivre la réhabilitation de ce grand humaniste en rayant de notre horizon la sinistre machine à décapiter. Il fut aussi l’un des vrais fondateurs de notre actuelle Académie de Médecine avec le Baron Portal mais dans une voie parallèle conflictuelle !

Le personnage de Philippe Hecquet, originaire d’Abbeville , nous met en présence d’une des sommités médicales de son époque. Il fut reçu Docteur de Reims le 4 juillet 1684. Puis attiré par l’exercice à Paris, il montra le chemin à Andry ,son futur adversaire, c’est à dire qu’il rejoignit la Chambre Royale jusqu’à sa disparition. Avant Andry, il se présenta devant la Faculté pour tous les examens nécessaires et devint Docteur–Régent de Paris en1697. Devant ses vastes connaissances et sa manière aussi généreuse qu’austère, le Décanat lui fut offert par ses pairs en 1712, année de la parution de son « Traité de la Digestion » .Il était connu pour sa grande et rigoureuse piété qui en fit le médecin de Port Royal. Donc rien d’étonnant s’il publia des ouvrages comme «  De l’indécence aux hommes d’accoucher les femmes » en 1708 ou son « traité  des dispenses de Carême » (1709). Sa bonté, légendaire avec les pauvres de Paris s’exprima aussi pour la Faculté parisienne car il lui légua bien des volumes rares de sa considérable Bibliothèque.

Le personnage inscrit dans le registre manuscrit de Raussin « Adrianus Engelardus Helvetius », né à Amsterdam ,est bien le célèbre, et envié de ses confrères, Jean Adrien Helvetius (1662 ?- 1727) qui nous vaut grâce à son Doctorat soutenu le 30 avril 1680 d’avoir eu parmi nous l’introducteur heureux en France de la racine d’Ipéca alors que Willem Piso l’avait déjà introduite en Hollande à Leyde avant 1658 ! Nous savons quels succès il eut avec Louis XIV qui lui octroya un privilège fabuleux de ventes par lettres patentes. C’est le grand père du philosophe et auteur « De l’Esprit ».

Nous poursuivons avec un nom retrouvé souvent à la fin des volumes du XVIIIème siècle, car il fut Censeur Royal :Guillaume Le Bègue de Presle, Docteur de Reims le 5 décembre 1757 puis de Paris en 1760.Jean-Jacques Rousseau en fit son médecin et son ami . Le Bègue de Presle, après le décès du philosophe, l’autopsia et nous décrira ses derniers jours dans un rare ouvrage édité à Londres en 1778..

L’écossais Jean-Baptiste Mac Mahon (1715-1764), Docteur de Reims le 4 août 1739, fit souche à Autun où il acquit en 1763 le titre de Marquis d’Eguilly. C’est le grand-père du maréchal.

Mais avec Jacques Paul Maloin (1701-1777) originaire de Caen , Docteur de Reims le 5 février 1724 puis de Paris, c’ est au médecin ordinaire de la Reine que nous avons affaire ; mais c’est aussi un membre de l’Académie des Sciences et de la Royal Society ,censeur royal et professeur au Collège de France dont la « Pharmacopée clinique » aura un réel succès (Paris,1750).

 

Jean Stanislas Mittié, Docteur de Reims le 11 novembre 1759 puis de Paris en 1766 deviendra le médecin personnel de Stanislas, Roi de Pologne. Son fameux remède secret végétal contribua t-il à cette promotion ?

Le liégeois Edmond Nessel (1658-1731), Docteur de Reims le 16 juillet 1680 , restera toujours le médecin du Prince Evêque de Liége et réalisa un « Traité analytique des fameuses eaux de Spa et de leurs vertus et usages » (Liége , 1699).

Le 28 septembre 1761, Joseph Philip devient Docteur de Reims et par la suite Docteur de Paris où il pratiqua à l’Hôtel-Dieu et à la Salpétrière . Son autorité apaisante le fera élire Doyen de la Faculté parisienne entre 1780 et 1782.

Originaire d’Amiens, François Planque (1696-1765),Docteur de Reims le 2 septembre 1748 , donc à l’age de 50 ans , restera un fin lettré qui exclut toute pratique au profit d’une compilation utile pour ses collègues, comme en témoigne sa « Bibliothèque choisie de Médecine » que notre compatriote Jean Goulin, remarquable historien de la Médecine ,termina.

Issu d’une longue lignée de médecins bretons, originaire de Vitré, Jean-Baptiste René Pouppé des Portes (1704-1748) fit d’excellentes études auprès de maîtres prestigieux comme J.B.Du Verney et J.B.Winslow. Il se livra aussi à l’étude approfondie de la Botanique dont la connaissance autorisait à ses yeux tous les recours thérapeutiques. Il fut Docteur de Reims le 20 septembre 1730 et partit aussitôt à Saint-Domingue comme Médecin du roi où il sut administrer et agrandir au mieux l’hôpital dans lequel il exerçait. Ce correspondant de l’Académie des Sciences rédigea trois précieux volumes sur l’histoire des maladies de Saint-Domingue et sa flore (Paris,1770).

 

Jean-Baptiste Regnault, Docteur de Reims le 16 décembre 1786, réalise un parcours étonnant d’abord comme Médecin de Charenton en 1790, puis à l’hôpital du Gros Caillou en 1791, puis à Hambourg et enfin à Londres (1802/04) où il nous laissa un bon travail sur la phtisie pulmonaire .Il devint le Médecin -Chef de l’hôpital royal et Médecin consultant de Louis XVIII qui le décora de l’Ordre du Saint – Michel.

Avec Gabriel Hubert Retz, Docteur de Reims le10 février 1775, on retrouve un Médecin du Roi par quartier à Paris où il pratiqua à l’Hôtel-Dieu. Il fera l’autopsie de Buffon en 1788.

Curieuse et intéressante est la personnalité du voyageur / étudiant François Gabriel Schöenmetzel (1736-1785) qui commença ses études médicales à Montpellier puis à Paris, Strasbourg et Reims, où il prendra son bonnet doctoral le 14 avril 1755. Il voyagea encore dans toute l’Europe et rentra dans sa patrie où la Faculté prestigieuse d’Heidelberg le nomma Professeur extraordinaire..

Avec Antoine Vittac de Laval, Docteur de Reims le 28 mars 1749, nous retrouvons l’un des collaborateurs du « Manuel des Dames de Charité » d’Arnauld de Nobleville avec aussi d’autres Docteurs de Reims comme Etienne Guyon ( le 9 novembre 1754) , François Loyré de Perron ( le 26 août 1748), François Salerne ( le 23 août 1740) et Samson Le Monnier le 12 août 1728 .

Nous terminons cette rubrique avec Antoine Vallot, Docteur de Reims le 9 juillet 1624, qui sera le Médecin d’Anne d’Autriche puis de Louis XIII en 1652. Gui Patin ne cessa jamais de le décrier dans ses fameuses lettres. Vallot fut Conseiller d’Etat et l’excellent Directeur du Jardin du Roi en 1665 et ne rédigea sûrement pas le Catalogue de ce Jardin qui lui fut imputé en raison de l’ordre indéniable remis dans l’établissement royal si réputé. Il resta toujours proche de l’Intendant Fouquet et ne fut guère ennuyé de cette attitude.

En abordant maintenant la rubrique des Médecins naturalistes issus de notre Faculté rémoise, nous allons découvrir le monde des échanges scientifiques dont le siècle des Lumières sera un acmé par la voie épistolaire et nous allons retrouver aussi l’incontestable rapprochement du Collège de France, fondé en 1530, et du Jardin du Roi, créé en 1635, qui deviendront par la suite notre Muséum d’histoire naturelle car leur champs d’étude est vaste et ouvert , réalisant, sans complexe, une sorte de contre-pouvoir intellectuel au savoir souvent figé des Universités. « Docet omnia » est la devise du Jardin accordée par Henri IV en 1699 avec son blason fleurdelisé. Ainsi, l’explication de la circulation du sang, selon les idées de William Harvey, fut enseigné par le seul Pierre Dionis en 1693 en opposition complète avec toute la Faculté parisienne. De plus, notre langue française devient le véhicule du savoir dès 1640 au Jardin et seulement après 1774 au Collège. Le plus étonnant -et cela démontre le respect du haut niveau atteint par ces deux foyers de pensée – c’est que la Révolution respectera totalement le Collège et le Jardin dont les activités ne seront à aucun moment interrompues. Notons que souvent des maîtres prestigieux feront partie des deux corps, plutôt fréquentés par des gens déjà bien instruits.

Nous commençons en puissance avec une illustre personnalité issue de notre Faculté rémoise : Louis Jean Marie Daubenton (1716- 1800), Docteur de Reims le 24 août 1741 . Installé d’abord dans sa ville natale Montbard, il se rend à Paris rejoindre Buffon qui le souhaite et il enseigne alors la minéralogie, science à laquelle quelques médecins s’intéressaient mais c’est bien Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon , qui nous le détourne de la Médecine et pourtant, comme son ami Réaumur, il ne sera pas toujours tendre avec celui qu’il avait appelé auprès de lui ! Daubenton devient le Garde et Démonstrateur du Cabinet d’histoire naturelle du Roi et professeur royal au Collège de France. Son sens de l’application pratique lui fera rédiger son « Institution des Bergers » (1782) si utile aux cultivateurs quelque peu instruits. A la mort de Buffon, le Nestor des naturalistes devint le premier directeur du Muséum, nom que prit le Jardin du Roi. Il siégea aussi à l’Institut depuis 1795 et même au Sénat.

Nous passons vite sur le chirurgien militaire Jean Demeste, Docteur de Reims le 9 juillet 1777 qui réalisa des travaux de chimie de physique et même de cristallographie publiés à Paris en 1779.

« L’histoire civile et naturelle de la Jamaïque », publiée à Londres en 1756, est une œuvre essentielle pour ce pays qui fut rédigée par l’irlandais Patrice Brown, Docteur de Reims le 2 décembre 1742. Le zoologiste Georges Cuvier en possédait un bel exemplaire bien complet des cartes !

Le Médecin du roi à Saint Domingue, originaire d’Angers, Jean Damien Chevalier, Docteur de Reims le 17 mars 1713 puis de Paris en 1718 rédigea des « Lettres sur les maladies de Saint Domingue » mais aussi sur les plantes en 1752.

Cet autre Médecin du roi, Jean-François Gaultier, Docteur de Reims le 15 décembre 1741 , se consacra à des travaux de botanique remarquables au Canada où il mourut en 1756. Il décrivit une nouvelle variété de Thé qui se nomma le Gaultheria procumbans .Il fut un correspondant assidu de Réaumur.

L’écossais Ebenaezer Gilchrist , Docteur de Reims le 28 mars 1732 , montre le rôle bénéfique des voyages maritimes en Médecine ( Londres, 1759 et en 1770 on note une traduction française).

Mais avec les « De Jussieu » nous remontons encore dans les hautes sphères des naturalistes. Deux sont devenus Docteurs de Reims : Joseph le 10 octobre 1729 et Antoine -Laurent le 1er décembre 1769. Joseph de Jussieu ( 1704-1779) devint ensuite Docteur -Régent de Paris en 1734 et partit l’année suivante comme Médecin botaniste avec l’expédition de La Condamine mais il débarqua en Amérique du Sud où il resta 35 ans envoyant à ses frères d’abondantes notes et des collections botaniques primordiales de Quinquina et le Coca. Il atteignit même La Paz et Lima menant une vie rude, exerçant la Médecine; mais cela altéra tellement sa santé qu’il dut rentrer à Paris en 1770.Il était Membre de l’Académie des Sciences depuis 1758.

Son neveu Antoine -Laurent de Jussieu ( 1748-1836) suppléa vite dans sa Chaire de Botanique Louis Guillaume Le Monnier et réussit une première entrée magistrale chez les grands naturalistes en délimitant un ensemble naturel : la Famille des Renonculacées entre 1773 et 1774. Ensuite, en 1789, il publiera sa somme: «  Genera plantarum secundum ordinem naturalem disposita, juxta modum in Horto Regio Parisiensi exaratum » , ouvrage qui introduisit la méthode naturelle dans les milieux scientifiques. Il succéda par la suite à Daubenton au Muséum où il poursuivait son enseignement dans sa célèbre « Chaire de Botanique à la campagne », connue dans toute l’Europe. Mais à la faculté de médecine de Paris, il enseigna la Matière médicale. A-L de Jussieu siégea à l â€˜Académie des Sciences, à celle de Médecine et à l’Institut.

C’est dans les mêmes compagnies savantes, sauf l’Académie de Médecine, que nous retrouvons René Louiche Desfontaines (1750-1833), Docteur de Reims le 3 mars 1780. Malgré la Révolution ,ce maître brillant fut maintenu à son poste de professeur de botanique au Jardin des Plantes, devenu Muséum depuis 1793 jusqu’à sa mort. Il souligna par ses travaux l’utilité de l’organographie et de la physique végétale.

Quand au rémois Louis Charles René Macquart ( 1745-1818), Docteur de Reims le 18 Décembre 1769 , fils du Médecin de la Charité Henri -Jacques Macquart , lui-même ancien Docteur de Reims en 1752,  il se distingua en minéralogie et garda les collections du Roi à Fontainebleau.

L’autre minéralogiste qui suit est Jean-Claude de La Métherie (1743-1817), Docteur de Reims le 29 mai 1769,  qui prétendait déjà dans ses « Considérations sur les êtres organisés »que l’homme n’était qu’un singe que l’approche sociale avait transformé, vaste sujet qui perdure en partie et dont ses confrères de l’Académie des Sciences eurent à débattre. Il marque son époque comme un actif partisan de l’introduction de l’élément historique dans les sciences naturelles.

L’écossais d’Edimbourg Archibald Pitcairn, Docteur de Reims le 13 août 1680 , iatro-mécanicien donnant aux mathématiques un rôle bien trop important dans le fonctionnement du corps, eut une telle renommée que la Faculté hollandaise de Leyde lui donna une chaire en 1692, mais Pitcairn, trop déçu par ses étudiants et ses pairs , retourna essayer de faire triompher ses théories en Ecosse où il demeura célèbre et écouté.

Le Docteur François Salerne, nommé le 23 août 1740 Docteur en Médecine de Reims s’avéra un excellent naturaliste et perfectionna avec son condisciple Arnauld de Nobleville, le Traité de Matière médicale du célèbre Etienne François Geoffroy , en particulier sur le règne animal car il était un grand ornithologue qui compléta de savantes notes le « Synopsis avum » de Ray .Son ouvrage sur le seigle ergoté et les maladies qu’il engendre offre l’un des regards les plus justes pour l’époque sur ce sujet brûlant du Mal des ardents.

Le dernier naturaliste retenu sera le Docteur de Reims Michel Sarazin, Médecin du roi au Québec où il mourut en 1734.Ce correspondant de l’Académie des Sciences entretenait de solides relations scientifiques avec Réaumur et Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708).

Vraiment cette série de naturalistes méritait d’être soulignée.

Pour se changer les idées, nous allons maintenant considérer quelques éléments encore issus de nos rangs qui se sont tournés vers le monde littéraire au sens large , car nous y trouvons des spécialistes des langues anciennes , des linguistes ,des philosophes et même des auteurs de pièces théâtrales..

Nous poursuivons avec l’ humaniste philosophe Pierre Georges Cabanis (1757-1808),x Docteur de Reims le 22 septembre 1784, à l’esprit encyclopédique qui trouva, grâce à la protection et au salon de Madame Helvetius, un solide tremplin à son épanouissement intellectuel . En effet, comment stagner avec la présence autour de soi de sommités tels Holbach, Franklin, Condillac, Diderot, d’Alembert, Condorcet, et cetera …Cabanis resta toujours l’ami et le fidèle médecin de Mirabeau malgré qu’il fut soupçonné de l’avoir empoisonné ! Cabanis, fin lettré , nous laissa une traduction en vers français de l’Iliade .Ce réel philanthrope professa à la Faculté de Paris l’Hygiène et réclama très tôt une réorganisation complète de nos hôpitaux ,de nos asiles et de nos hospices. Son ouvrage impérissable sur « Les rapports du Physique et du Moral de l’homme » (1802) ne doit nullement faire négliger une relecture de « Coup d’œil sur les révolutions et la réforme de la Médecine » (1804) dont certains points soulevés sur le sujet restent d’actualité et qui démontre l’esprit pénétrant de ce grand politique.

Nous passons vite sur le « Traité de linguistique » de l’écossais James Douglas (1675-1742) ,Docteur de Reims le 5 octobre 1694, pour Auguste François Jault ( 1700- 1757) ,Docteur de Reims le 23 mars 1735 puis de Besançon .En dehors du fait de lui être redevable de très nombreuses traductions en français de Jean Astruc, de Scharp, de Sydenham et cetera….il tiendra longtemps la Chaire de Syriaque au Collège de France.

Avec Michel Lelong, Docteur de Reims le 16 juillet 1621, on découvre un littéraire utile à ses confrères car il traduisit en vers français le réputé « Régime de Santé » de l’Ecole de Salerne de 1633 à 1637, mais aussi une version des Aphorismes d’Hippocrate (1645).

Clôturons cette rubrique avec un fascinant personnage comme le sont les êtres « Border line » ou personnages « limite » comme Julien Offray de La Mettrie (1709-1751) ,originaire de Saint-Malo. Son parcours est surprenant. D’abord élève des Jésuites de Caen, il rallie ensuite le camp janséniste puis s’interroge et commence sa Médecine à Paris pour terminer avec le bonnet doctoral de Reims le 29 mars 1733. Il part pour la Hollande et s’attache au prestigieux Boerhaave à Leyde dont il traduisit de nombreux ouvrages en français . Il revient parmi nous et grâce au Chirurgien Sauveur , De La Mettrie accéda au poste de Médecin des Gardes françaises. Amené à suivre son régiment, il participe au terrible siège de Fribourg en Brisgau où se trouvait d’ailleurs J-B Caqué. Une grave fièvre des camps lui valut un rapatriement. Il se rétablit et traduit alors le livre de Sharp « Histoire naturelle de l’âme » (1745) affichant ainsi un matérialisme complet, engendrant aussitôt la perte de toutes ses places et un retour rapide à Leyde .Pour se venger ,il publie un pamphlet « La Faculté vengée » où il ridiculise ses confrères. Puis c’est la parution de « L’homme machine » en 1748 qui lui vaut des démêlés avec les protestants, il s’enfuit encore pour être recueilli par le Grand Frédéric II de Prusse, trop heureux d’ aider une victime de l’intolérance religieuse et de la politique. La Méttrie devient son lecteur favori et sort en 1751 son ouvrage si rare « De l’origine de l’âme humaine » où il s’oppose à la scission entre l’âme et le corps, réduisant l’essentiel aux sensations tendues vers le contentement et /ou le plaisir. Sa fin est étonnante car il mourut le 11 novembre 1751 d’une authentique indigestion voulant terminer un énorme pâté de faisan aux truffes ! Et Denis Diderot de nous ajouter : « Son corps a été porté dans l’église catholique, où il est étonné d’être ».

Nous terminons avec la dernière rubrique proposée sous le vocable « Divers » pour laquelle j’ai retenu trois indéniables personnalités : deux pharmaciens et un prêtre juriste.

 

Pierre François Mitouart (1733-1786) est Maître -Apothicaire de Paris, Conseiller du roi et sera Docteur de Reims le 10 novembre 1775, donc à l’âge de quarante deux ans. C’est lui qui réalisera l’embaumement du philosophe Voltaire en 1778.

Avec Bertrand Pelletier (1761-1797), Docteur de Reims en 1790, nous sommes en présence du préparateur de Darcet au Collège de France, du directeur de la Pharmacie de Rouelle, du commissaire des Poudres et Salpêtres, du professeur de chimie de l’école polytechnique, du membre de L’Académie des sciences (1792) pour ses travaux sur le phosphore et les phosphures métalliques, la formation de l’acide muriatique oxygéné et la préparation du savon. C’est le père de cette autre célébrité de la pharmacie Joseph Bertrand Pelletier (1788-1842) qui, avec Caventou découvrit la Quinine.

Mais avec le dernier personnage de cette série, nous pouvons faire mentir notre « affreux » Julien Offray de La Mettrie qui prétendait qu’à Reims le candidat peut se présenter indifféremment à l’école de Médecine ou à celle du Droit !

Moyennant cent écus mis dans un bassin
Comme enfant de Cujas, à droite on vous embauche
Mais par hasard, si l’on donne à gauche,
On se trouvait Médecin.

Eh ! oui le religieux Charles Loysel fait mentir La Mettrie. Cet Abbé, proche ami de l’Abbé de Lattaignant était Docteur en Droit canon et civil et devint Docteur en médecine de Reims le 25 septembre 1775. Il fut aussi Recteur de l’Université d’Angers puis Directeur du Collège d’Harcourt et Avocat au Parlement.

Il reste à souhaiter, voyant déjà les presque quarante années d’existence de notre nouvelle Faculté de Médecine, qu’elle nous donne autant de célébrités siégeant à l’Institut de France, à l’Académie des Sciences, à l’Académie de Médecine ou de Chirurgie ou se distinguant par des travaux marquant au moins leur temps, prenant place dans « Nature » ou autre « New England Journal of Medicine »car les connaissances évoluent désormais très vite !

En tout cas, nous pouvons maintenant répondre affirmativement comme dans nos thèses rémoises du XVIIIe siècle :

Ergò, illi magna claritate viri quos saluberrima Facultas medica remensis antiquitus genuit famam eius probatam efficiant.

Références

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