Louis Philippe COSME
Docteur en
Chirurgie Dentaire,
DEA, Ecole Pratique de Hautes Etudes, Sorbonne, Paris,
Secrétaire de la SFHAD

Etat général de la Bourgogne en 1788

A la veille de la Révolution, l’intense et brillante activité intellectuelle et artistique, qui s’est développée en Bourgogne tout au long du XVIIIème siècle, n’arrive pas à masquer la profonde crise économique, politique et financière qui bouleversera la province comme tout le royaume.

Dans le domaine économique tous les secteurs : agriculture, commerce et industrie, connaissent de graves difficultés. Le problème des subsistances, en particulier, se pose avec d’autant plus d’acuité que la rigueur de l’hiver 1788-1789 suscitait de graves inquiétudes pour le printemps et l’été: les récoltes de 1788 furent médiocres, annonçant famine et disette, agitant les campagnes et faisant monter les prix des produits dans les villes. L’amélioration du réseau routier et le début de la construction des canaux de Bourgogne, du Centre et du Rhône au Rhin, sont certes à porter à l’actif des Etats de Bourgogne, mais les différentes entraves : réglementations, péages, douane, à la libre circulation des marchandises à l’intérieur de la province ne facilitent pas l’approvisionnement des populations (1).

Les difficultés économiques s’accompagnent de difficultés financières dominées par le problème des impôts : une taille trop lourde et mal répartie, le recouvrement du vingtième sur le revenu mal assuré et des exemptions trop nombreuses. Les remèdes à apporter à cet ensemble de problèmes dépassent le cadre de la province. La royauté envisage toute une série de réformes destinées à faire face à la détresse financière mais aussi pour briser la résistance des parlements de plus en plus jaloux de leur prérogative. La Bourgogne, en tant que pays d’état restait à l’écart de l’essai de réorganisation tenté par Necker, Calonne et Brienne (2). Par contre de nouvelles administrations se mettent en place dans les généralités voisines : les départements de Joigny, de Sens et Nogent, de Tonnerre et Vezelay se créent dans le cadre des élections financières. Les élus des États prêtent attention à ce mouvement de réorganisation: en 1787 les commissaires alcades suggèrent la mise en pied d’assemblées municipales, les élus élaborent un projet de taxation relevant les charges qui pèsent sur les privilégiés et leurs fermiers.

Le parlement de Bourgogne entre alors en opposition ouverte avec le roi en se solidarisant avec celui de Paris. Lamoignon veut briser sa résistance en créant trois grands bailliages à Dijon, Chalons et Bourg et en supprimant à la fois bailliages secondaires et juridiction d’exception. Le président Richard de Ruffey et l’avocat Cortot organisent la rébellion: les avocats font grève, des émeutes éclatent les 11 et 12 juin 1788. Le rétablissement du Parlement débouche sur des fêtes, auxquelles les bailliages de Bourg et de Chalons refusent de s’associer.

Bientôt les États Généraux du royaume apparaissent comme le seul moyen de résoudre les problèmes politiques et financiers du pays en dépassant les particularismes. Devant la demande générale la royauté capitule et les arrêts du conseil du roi des 5 juillet et 8 août 1788 annoncent la convocation des États Généraux et fixent la date de leur ouverture au 1er mai 1789. Le rappel des parlements et la rentrée triomphale des parlementaires bourguignons à Dijon le 15 octobre 1788, apparaissent comme une victoire de la nation face à l’absolutisme.

 

Les chirurgiens et la préparation des Etats Généraux à Dijon

La campagne électorale, en vue d’élire les députés aux États Généraux, donne lieu à une lutte entre les privilégiés et les partisans des idées nouvelles. Les premiers, appelés aussi les « aristocrates » veulent une réforme à leur avantage et même un retour à la féodalité : garantie de leurs privilèges, restitution d’un pouvoir politique que la monarchie leur a confisqué depuis le début du XVIIème siècle. A Dijon ils bénéficient de l’appui des parlementaires. Face à eux se dressent les « patriotes » qui militent pour l’égalité civile, judiciaire et fiscale, les libertés et un gouvernement représentatif. Ce parti est composé de médecins (Durande … ), de chirurgiens (Hoin) et surtout d’avocats.

Dès leur préparation les Etats Généraux achoppent sur la représentativité des députés: le clergé et la noblesse souhaitent une désignation par les corps (parlements, Etats provinciaux) ou par des assemblées d’Ordre alors que le Tiers-État désire un choix libre, par circonscription avec un corps électoral le plus nombreux possible pour l’élection des députés (1).

Le 3 décembre 1788 le parti patriote, animé par les avocats dijonnais, adresse au roi une requête demandant le doublement de ses représentants et le vote par tête et cela avec l’accord des corporations. Le 5 décembre la communauté des maîtres chirurgiens, « pour se conformer au vœu général du Tiers-État du royaume » envoie deux des leurs, Leroux et Hoin, « demander aux maire et échevins l’assemblée générale et par ? député du tiers état de la ville de Dijon et de sa banlieu » (3). Le parti des aristocrates quant à lui, essaie de briser l’influence des avocats en suscitant la crainte de la petite et moyenne bourgeoisie et en provoquant la jalousie des autres corporations. Le 26 décembre les chirurgiens nomment Leroux et Hoin « pour assister à l’assemblée de messieurs de la noblesse de cette province (réunie le 27) …. pour prendre communication des propositions qui doivent y être faites …(3). Ils les étudierons le 29 décembre et nommeront commissaires les mêmes députés  » pour préalablement rendre compte de leurs avis à l’assemblée particulière….convoquée pour le mercredi 31….(4). Le 30 l’Ordre des avocats réagit par l’intermédiaire de son bâtonnier, Morin, en priant les chirurgiens, ainsi que les autres corps de métier, d’assister à leur séance de 16 heures « afin de se concilier sur la réponse à faire mercredi prochain à Mrs de la noblesse ». Le jour dit les avocats lisent leurs réponses aux cinq propositions de la noblesse, adoptées sur le champs par la plupart des députés des communautés (5). Seuls les représentants des chirurgiens se sont abstenus, préférant d’abord en référer à leur communauté qui  » d’une voix unanime » accède aux propositions de Mrs de la noblesse et aux réponses faites par l’Ordre des avocats. Le soir même Leroux et Hoin remettent à Mrs de la noblesse une copie de la délibération signée de tous les membres présents ( huit d’après les signatures apposées au bas du procès verbal de leur délibération, page 50 de leur registre), « en leur témoignant la vive reconnaissance dont tous les chirurgiens de Dijon, tout pénétrés pour le zèle le désintéressement et l’amour patriotique qui les animent ». Pourquoi tant de tergiversations, leur attitude ne semble pas très franche. Par contre le 9 janvier 1789 ils refuseront de répondre à l’invitation que la noblesse leur envoie sur une feuille imprimée sans signature manuscrite.

Le 11 janvier les avocats et les principales corporations décident la rédaction d’une requête au roi formulant le vœu de l’Ordre du Tiers-État de Dijon: « pour la rectification des états de cette province de Bourgogne ». Les chirurgiens approuvent et signent, par l’intermédiaire de Leroux et Hoin et donnent leurs suffrages pour la nomination de deux députés chargés de présenter la dite requête au roi (6). En outre la communauté participe aux frais nécessaires pour cette opération. Hélas la somme n’est pas précisée dans les comptes de la communauté. Ils rapporteront leur entrevue avec l’administrateur général des finances et autres ministres qui leur ont laissé « les plus grandes espérances sur les demandes du tiers état ». Ce même jour, 22 février, des commissaires sont nommés pour la rédaction du cahier de doléances: Leroux représente les chirurgiens. Il travaillera avec six avocats, un médecin (Durande fils), un procureur au Parlement, deux bourgeois et un négociant. Les autres corporations nommeront plus tard d’autres commissaires. Les marchands drapiers et merciers demanderont d’adjoindre deux commissaires de leur choix aux douze déjà nommés, ce qui leur sera accordé « attendu l’importance du commerce et du grand nombre d’entraves auxquels il est soumis » (7).

Début mars le problème de la représentativité du tiers état n’est toujours pas résolu. Ses commissaires rédigent un projet de protestation, auquel adhèrent les chirurgiens, contre la tenue des états particuliers de la province de Bourgogne. Ils veulent, pour participer à ces états, la libre élection des députés et une meilleure représentation des citoyens des campagnes « qui forment la masse de la population ainsi que l’universalité des membres du clergé et de la noblesse », par des députés de leur choix et pouvoir « opiner par tête » (7). L’ensemble des protestations sera notifié au greffe des états provinciaux si ces derniers sont tenus avant les états généraux. Le 12 mars le projet de cahier de doléances proposé par les avocats est accepté par l’ensemble des corporations dijonnaises (1). Là encore Leroux et Hoin reçoivent l’entière confiance de leurs collègues pour participer à la rédaction du cahier et à l’élection des députés qui seront chargés de le porter à l’assemblée du bailliage (8). Lors de cette séance du 10 mars les chirurgiens dijonnais expriment des vœux, tout à fait banals ., de  » réforme des abus, établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité du royaume et le bien de tous et chacun des sujets du roi ». Jamais ils n’ envisagent de rédiger leur propre cahier de doléances comme l’ont fait d’autres communautés de chirurgiens que rapportent Goubert (9).

La réunion des états généraux à Versailles, le 5 mai 1789 est accueillie avec ferveur en Bourgogne, par un peuple qui espère enfin trouver les remèdes aux maux qui l’accablent. Mais très vite les patriotes bourguignons déchantent devant la résistance des nobles et du clergé aux réformes. De plus l’augmentation du prix du blé et du pain ainsi que la crainte de la pénurie, font pousser le grain de la révolte.

 

De l’été 1789 à l’automne 1791

Le 15 juillet, alors que les événements de la capitale ne sont pas encore connus, vers deux heures de l’après midi, le tocsin sonne à Saint-Philibert, paroisse de la ville habitée par une population de travailleurs et spécialement de vignerons (10). Une garde bourgeoise se constitue par enrôlements volontaires. Les émeutiers prennent les armes, le lieutenant général du roi, M. De Gouvernet, est malmené et enfermé chez lui, les nobles et les prêtres sont consignés chez eux avec interdiction de quitter Dijon (2).

Une seconde émeute éclate le 17 à l’annonce de la prise de la Bastille. Elle est résumée dans les « Affiches de Dijon » du mardi 21 juillet 1789 : » A l’arrivée des nouvelles du désordre de la capitale, les citoyens ont pris les armes, ils se sont emparés de la tour Saint-Nicolas, du château et de toutes les munitions de guerre qui y étaient renfermées ; ils observent la même régularité et la même décence qu’à Paris. On n’a jamais vu dans la ville tant d’ordre et tant d’exactitude ; tout semble respirer la liberté. »

La garde bourgeoise, maîtresse de la ville, convoque les corporations pour le même jour à « heure de six précise du soir » à l’hôtel de ville « pour former un règlement relatif à la garde bourgeoise de cette ville ». Les chirurgiens nomment Enaux, leur lieutenant, et Hoin députés pour les représenter (11).

La réunion, composée d’environ cent cinquante personnes, aboutit à la formation d’un état-major provisoire et la nomination des officiers pour commander la garde (10). L’organisation définitive sera donnée au cours des journées des 27, 28 et 29 juillet. Entre temps le vicomte maïeur, Moussier, ainsi que les échevins ont remis leur démission aux séances des 20 et 21 juillet, auxquelles les chirurgiens ne sont pas conviés. Ils sont maintenus jusqu’à la fin du mois mais leur autorité est annihilée par un nouveau pouvoir municipal dirigé par les avocats: le 21 juillet douze citoyens, dont six avocats, sont nommés pour constituer un comité.

Pendant ce temps le trouble règne dans la ville et la rumeur d’une menace de brigands met la campagne en effervescence. Le comité et l’état-major lancent un appel au calme en s’appuyant sur les curés. Arthur Young fait allusion à ces événements en écrivant :’J’ai dîné avec M. De Morveau…. je fus charmé d’entendre M. de Morveau remarquer à propos des derniers troubles que les excès des paysans venaient de leur manque de lumière; à Dijon on avait recommandé publiquement aux curés de mêler à leurs sermons de courtes explications politiques, mais ce fut en vain, pas un ne voulut sortir de la routine. » (Rapporté par Jarrot, 10, page 167).

Les chirurgiens ne sont conviés qu’à la séance du 27 juillet, nommée « assemblée des corporations » dans la lettre qu’ils reçoivent de « messieurs les officiers municipaux » (12). Elle commence à trois heures du soir avec la lecture de la lettre de démission du maire. Là encore on prie les échevins et autres officiers municipaux de continuer leurs fonctions jusqu’au 24 juin 1790 et ce à l’unanimité. L’union des trois ordres y règne, mais en fait par le ralliement muet, sans conditions, dicté à la fois par la peur et l’impossibilité de résister, du clergé et de la noblesse. Le but de cette journée est la nomination des « officiers municipaux, de l’état major et du comité, d’autoriser les dits officiers à former un règlement de police civile et militaire » (13). Enaux et Hoin sont nommés députés et Chaussier suppléant.

Ce même jour on décide une souscription pour le soulagement des pauvres. En fait l’organisation de l’état major et du comité a lieu le 29 juillet. Douze officiers majors et trente-deux membres du comité sont proclamés, plus douze aides majors. On trouve un perruquier, un jardinier, des avocats, un médecin (Durande père)…. mais pas un chirurgien, non représenté, semble-t-il, aux deux dernières journées. Quant à la garde bourgeoise, créée à la hâte début juillet, elle reçoit son organisation définitive vers le milieu du mois d’août et un règlement fin août.

Cette milice est un excellent instrument dont dispose l’état major et le comité pour maintenir et développer leur autorité, notamment contre le clergé et la noblesse consignés dans la cité. A la fin juillet, étrangement, des nobles, des membres du parlement et des cours se font enrôler dans la milice pour monter la garde à leur tour et en qualité de simples miliciens comme le remarque Young (rapporté par Jarrot, 10) :  » … la noblesse a cherché son refuge parmi eux: aussi plusieurs croix de Saint-Louis brillent dans leurs rangs. »

Les chirurgiens sont conviés par le comité, le 15 août, à se rendre à l’assemblée de la commune du 18 août « pour voter sur l’admission du dit règlement » dont ils ont reçu un exemplaire. Ils décident d’envoyer Enaux et Chaussier. Le compte-rendu de leur délibération est assez sobre ne donnant aucune précision sur ce règlement ni leurs opinions.

La nouvelle municipalité a sur les bras deux problèmes cruciaux (et universels) à résoudre: la misère régnant en ville où les mendiants sont nombreux et quantité d’habitants sans ouvrage et l’approvisionnement de la cité. Ils sont souvent à l’ordre du jour des réunions du comité, à l’exemple de la séance du 4 novembre à laquelle Chaussier et Marchant représentent la communauté chirurgicale (14). On y présente un  » tableau des opérations du comité et des précautions qu’il avait prises tant pour la subsistance de la ville, l’approvisionnement des bois nécessaires pour son chauffage que pour parvenir à détruire la mendicité. » A cette même séance il est décidé la nomination de douze commissaires pour former un « comité de rapports » sur les motions qui seront proposées aux assemblées et présentées aux corporations avant celles-ci. En effet un député des apothicaires s’était plaint de ne pas avoir été informé de l’ordre du jour de l’assemblée, qui d’ailleurs n’est pas précisé dans le cahier des chirurgiens. Chaussier en fait partie (14).

Le 7 novembre le comité décide que « pour que l’assemblée soit toujours complète, les corporations seront tenues de s’assembler de nouveau pour nommer deux suppléants à leurs députés  » (14). les chirurgiens n’appliquent pas cette décision, aucune de leurs réunions suivantes ne s’occupe de nommer des suppléants.

Il y a donc un chirurgien présent au sein de la municipalité provisoire, mais peut-être à titre de citoyen car la communauté des maîtres chirurgiens n’en fait pas état. Celle-ci ne recevra plus d’invitation pour les assemblées communales jusqu’à la fin de leur registre. Le 19 décembre les maîtres décident d’exiger de la municipalité qu’elle procure aux malades « un pain blanc tel qu’on était dans l’usage de le fabriquer cy devant. » Ils l’estiment  » plus nutritif pour les malades et encore plus rapproché de leur goût (gâché) par une inapétence attachée à la longueur et à l’espèce de maladie, ce que chacun s’est assuré depuis lontemps au lit des malades « (15). Le procès verbal de cette séance est signé, par les maîtres présents, avec la mention : »avec protestation. » Le pain, bien plus qu’un simple mélange d’eau et de farine, était l’une des  » structures structurantes  » les plus puissantes qui gouvernaient la vie privée et publique de la France d’Ancien Régime (16).

Principal moyen de subsistance des français, il était normal que dans cette période tourmentée de la Révolution, l’on s’inquiéta dans les villes de l’approvisionnement en blé ainsi qu’à la qualité du pain, sans oublier son prix.

A la séance communale du 11 novembre il fut décidé deux catégories de pain :

  • un pain de première qualité,
  • un pain pour les citoyens les moins aisés : le pain de munition, composé par trois quart de froment et un quart de seigle.

Chaussier et les autres commissaires du comité de rapport sont chargés d’étudier la fabrication du pain de première qualité ainsi que son prix. Ils rendront compte d’une première expérience de fabrication, qu’ils expliquent, de ce pain, le 2 décembre et le prix en est fixé à « 3 au liard et un denier et demi. »

Les rapports de la jurande avec la Révolution se terminent le 9 février 1791 avec la réponse à l’enquête décidée par le comité de salubrité en décembre 1790 et reprise par le directoire du district de Dijon au mois de février suivant (17). Ce comité voulait recenser tous ceux qui soignaient dans le pays, les établissements de soins et d’enseignement et connaître le nombre de charlatans (18). Nous apprenons ainsi l’état du monde chirurgical à Dijon et uniquement là comme le précise la jurande car: « ne pouvant avoir assez de connaissance sur les endroits qui sont hors de leurs rapports ». Pourtant elle formait et recevait les chirurgiens pour les bourgs et la campagne autour de Dijon. Il y avait donc :

  • douze chirurgiens composant le collège de chirurgie, dont un absent depuis quelques années,
  • deux chirurgiens-dentistes,
  • cinq sages-femmes,
  • les hospices de charité qui servent d’hôpital général dont deux membres du collège remplissent les fonctions de chirurgiens,
  • une chambre commune établie par les chirurgiens pour les pansements des pauvres de la ville et de la campagne,
  • un autre hospice de charité établi chez les sœurs Sainte Marthe qu’il serait à souhaiter qu’il fut supprimé par les inconvénients attachés aux personnes peu instruites qui se chargent de cette œuvre de charité,
  • deux cours publics d’instruction :
      • un sur la théorie et la pratique des accouchements,

     

    • l’autre sur l’anatomie. Tous les deux professés par les membres du collège  » et anciennement établis par la Province et conservés provisoirement par le département de la Côte d’Or.

 

Conséquences de la révolution sur la vie professionnelle des chirurgiens dijonnais

L’année 1791 fut fatale aux corporations en général. Le 2 mars un décret sur les patentes, qui devint ensuite la loi dite d’Allarde, stipule entre autres que  »  … les droits perçus pour la réception de maîtrise et jurandes, sous quelques dénomination que ce soit, étaient supprimés » et il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon; mais elle sera tenue auparavant d’en acquitter le prix, suivant les taux ci-après déterminés. « (rapporté par Sournia, 19). Les chirurgiens qui s’étaient élevés dans l’échelle sociale par une formation plus universitaire, avaient gardé une organisation corporative. La suppression des droits allait placer les collèges de chirurgie et les communautés dans une situation financière difficile. Trois mois plus tard vint le coup de grâce: en juin la loi Le Chapelier supprime les corporations :

  • article premier : l’anéantissement de toute espèce de corporation des citoyens de même état et profession étant l’une des bases fondamentales de la constitution française, il est défendu de les rétablir de fait, sous quelques prétextes et sous quelques formes que ce soit.
  • article deux : les citoyens d’un même état ou profession, les entrepreneurs ceux qui ont boutique ouverte, les ouvriers d’un art quelconque, ne pourront, lorsqu’ils se trouveront ensemble, nommer ni président, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs. »

Ainsi s’effondrait l’organisation médicale, au sens large, du pays. Les collèges devaient disparaître car en contradiction avec les notions de liberté et d’égalité de ces lois. De même les sociétés savantes, comme les académies, parce qu’elles groupaient « des gens de même état », ne pouvaient plus continuer. Mais ces deux lois n’entraient pas aussitôt dans les faits. Sociétés et collèges se réunirent encore, certains pendant deux ans : ils avaient des travaux et des élections en cours et des biens dont la dévolution devait être réglée (20).

A Dijon les deux registres des chirurgiens que possèdent les archives de Côte d’Or, s’arrêtent, l’un en février 1790 (registre des examens), l’autre le 30 octobre 1791. Nous ne savons pas actuellement si la jurande avait ouvert d’autres registres qui auraient disparu, c’est possible pour les examens et réceptions, ou si elle avait renoncé à en commencer d’autres ce qui est le plus probable pour le registre des délibérations. Dans ce dernier nous trouvons très peu de procès-verbaux de réunions en 1791 avec un grand vide entre l’assemblée du 9 février 1791 et la présentation des comptes du 30 octobre qui clôt le registre. Que s’est-il passé entre ces deux dates ? Les chirurgiens étaient-ils dans l’expectative de l’application des lois d’Allarde et Le Chapelier ? Pas la moindre piste dans le compte-rendu.