Le coffret

Un de nos confrères collectionneur, le regretté Dr Angot, a eu l’obligeance de nous autoriser à examiner un coffret de Grangeret dont il était le détenteur.

Le coffret en acajou

Il s’agit d’un important coffret en acajou mesurant H : 9.5 cm, L : 43 cm, l : 25 cm. Il est entouré d’un cerclage en laiton incrusté, comprenant six figures géométriques étoilées régulièrement réparties entre les cornières. Les côtés sont munis de deux  poignets  rétractables. L’entrée de serrure est en trèfle. Au-dessus, sur une plaque déprimée au centre par une encoche de préhension, est inscrite la mention « Instrumens à dents et à polippe. » Au centre des initiales JG gravées sur une plaque rectangulaire ornée.

Le rebord en laiton de la serrure est signé J.G.

L’aménagement intérieur

Il comprend deux niveaux d’instruments d’oto-rhino-laryngologie et de dentisterie.

L’étage supérieur comprend vingt-deux instruments à détartrage et à soins opératoires dentaires.

L’étage supérieur

Les manches en ivoire sont incrustés d’un écu empire en or. Les embouts et viroles sont aussi en or.

Le niveau inférieur est partiellement composé d’instruments de chirurgie dentaire :

L’étage inférieur
  • deux clefs à manche d’ivoire dont l’une à noix,

  • un davier,

  • un pélican de même type que ceux des deux autres coffrets de notre étude.

Le pélican à plusieurs fonctions

Le manche en forme de poire est en ivoire. La virole finement ciselée est en or. Le corps est similaire aux pélicans des deux autres coffrets, il comprend les accessoires suivants :

  • huit branches à crochets, dont  trois à branche articulée, trois à branche droite, deux à branche en baïonnette.

Cette composition est rigoureusement semblable à celle du pélican d’Hortense :

  • trois supports amovibles,
  • deux supports d’appui convexes et articulés,
  • un support de tige d’élévateur.

Les marquages affectent essentiellement le pélican et le davier.

Le corps du pélican comprend latéralement les inscriptions suivantes :

  • sur un côté : Grangeret coutelier de S.M.
  • sur l’autre côté : rue des Saints-Pères à Paris
  • sur une face : un H surmonté d’une couronne à huit arceaux avec une croix au sommet.

Un davier est signé sur la face interne d’une branche : Grangeret suivi de l’H couronnée »

Bien que ce coffret de belle qualité ait subi les épreuves du temps, les gravures du corps du pélican n’ont pas été altérées. Elles mettent en évidence la parenté de la marque du coutelier de l’Empereur avec celle du pélican du coffret du musée de l’Assistance publique. Cette similitude se traduit surtout par la rusticité de leur composition qui les différencie de la riches-se ornementale des Cbiffres et des Armes de la Reine de Hollande.

L’ « H couronnée » et le coffret de l’Empereur

La description du coffret de l’Empereur par Charles Marchal ne mentionnait que la signature de Grangeret sur le corps du pélican. L’examen que nous avions nous même effectué lors de l’exposition de 1982, mais sans avoir pu manipulé les instruments, ne nous autorisait pas à nous prononcer sur l’existence d’un marquage.

Conforté par la présence d’une « H couronnée » sur un davier du coffret du Dr Angot, il nous semblait improbable qu’aucun instrument du coffret de l’Empereur ne révèle la marque de Grangeret. Nous sommes donc récemment intervenu auprès du nouveau propriétaire du coffret pour avoir ces précisions. Les macro-photos qu’il nous a très aimablement fait parvenir présentent, entre autres sur un davier, une « H couronnée » associée au label Grangeret très voisin de ceux des coffrets du musée de l’Assistance publique et du Dr Angot.

Le marquage : « H couronnée »
Conclusion

Le musée de la Malmaison, très riche en souvenirs de la Reine Hortense, nous a permis de constater que tous les objets d’art lui ayant appartenus comportent toujours une mention identitaire concrétisée par son Chiffre ou ses Armes.

Les nombreux coffrets de la collection présentent tous un couvercle avec une plaque incrustée et gravée au Chiffre ou aux Armes de la Reine. Le coffret d’aquarelliste, réalisé postérieurement à l’abdication du roi de Hollande, présente, néanmoins, une plaque où son Chiffre est réduit à un H gothique.

Tel n’est pas le cas du coffret du musée de l’Assistance publique où aucune inscription n’apparaît sur le maroquin. L’ « H couronnée », gravée sur le pélican d’un autre coffret de Grangeret dont le chiffre évoqué sur le couvercle, n’a aucun rapport avec la Reine Hortense, matérialise la marque et l’enseigne de Pierre-François Grangeret.

L’étude comparative de la marque des deux coffrets et des Chiffres des objets du musée de la Malmaison révèle que l »‘H couronnée » du pélican du musée de l’Assistance publique correspond davantage à la marque du coutelier de l’Empereur qu’aux différents Chiffres de la Reine Hortense.

Cette déduction est corroborée par la parfaite similitude de la couronne qui coiffe le H du pélican de la dite « Reine Hortense » avec celle du H de Grangeret, ainsi que par la récente mise en évidence d’une « H couronnée » sur un davier du coffret de Napoléon exécuté par Grangeret.

Ces conclusions nous amènent à récuser l’attribution de la Reine Hortense donnée au coffret du musée de l’Assistance publique. Ce qui n’exclut pas les mérites de cet ensemble dont le pélican constitue une pièce de grande qualité et très élaborée sur le plan technologique.

Les mémoires de la Reine Hortense et les objets d’art que nous avons présentés révèlent ses dons pour la composition musicale, le chant, la harpe, la comédie et la peinture, ainsi que le témoignage de son extrême raffinement.

Avec le coffret de l’Empereur, Grangeret nous a prouvé qu’il était capable d’atteindre les sommets de l’art de la coutellerie et de l’orfèvrerie.

Comme Monsieur Sainte Fare Garnot l’avait déjà souligné, il était difficile d’imaginer que la Reine Hortense n’ait pas reçu de Grangeret un coffret d’exception à la mesure de sa distinction et de ses talents.

Remerciements

Nons exprimons notre reconnaissance à M. Jean-Pierre Samoyault, conservateur en chef du musée national du château de Fontainebleau, pour les conseils éclairés qu’il nous a prodigués.

Nous tenons à exprimer notre gratitude à M. Sainte Fare Garnot, conservateur du musée de l’Assistance publique et à M. Chevalier conservateur du musée de la Malmaison, pour leur précieuse collaboration.

Nous remercions aussi M. Jean-François Martin, conservateur honoraire du musée de Langres, grand spécialiste de la coutellerie, qui a bien voulu nous faire bénéficier de sa longue expérience, ainsi que Mme Nicole Kramer antiquaire, pour son intervention auprès du dernier propriétaire du coffret de l’Empereur