Gérard TILLES
Société française d’histoire de la dermatologie,
Musée de l’Hôpital Saint-Louis, Paris


Fondée en 1849, l’Assistance publique célèbre cette année les 150 premières années de son histoire. Cet anniversaire a donné lieu à  de nombreuses manifestations, à  des cérémonies commémoratives, à  la gravure d’une médaille, à  l’émission d’un timbre-poste et à  la publication de deux ouvrages.
La SFHD a mis à  profit cette occasion pour mettre en place un programme de recherches sur l’histoire de la dermatologie dans les hôpitaux de l’Assistance publique depuis sa fondation. Nous présentons ici les premiers résultats de ces travaux.

 

1801: unité administrative des hôpitaux et hospices de Paris

Bien que plusieurs projet de réforme aient vu le jour à  la fin de l’Ancien Régime, la volonté politique nécessaire pour réformer le système hospitalier parisien avait fait défaut et il fallut la volonté centralisatrice du Consulat et de l’Empire pour mener à  bien ces réformes. En 1801, les consuls créèrent le Conseil général des hospices (CGH), administration centrale responsable des établissements hospitaliers et des secours à  domicile et présidée par le Préfet de la Seine. Puis à  partir de 1802, Chaptal, Ministre de l’Intérieur de Bonaparte prit trois mesures essentielles qui marquèrent profondément et durablement le système hospitalier parisien:

  • promulgation du Règlement général pour le service de santé des hôpitaux et hospices civils de Paris
  • création d’un Bureau Central d’admission
  • répartition des hôpitaux en trois groupes:
    • hôpitaux généraux pour le traitement des maladies ordinaires
    • hôpitaux pour les aliénés, infirmes, vieillards et prisonniers
    • hôpitaux spéciaux (dont l’Hôpital des vénériens et l’Hôpital Saint-Louis pour les maladies de la peau).

Ces mesures permirent de rationaliser le fonctionnement du système hospitalier parisien et donnèrent naissance à  la médecine hospitalière telle qu’elle existe encore actuellement, au moins dans ses grandes lignes.
L’organisation créée par les arrêtés des consuls en l’an IX subsista jusqu’en 1848 et le Conseil Général des Hospices fut supprimé le 26 février 1848.

 

1849: création de l’Assistance publique

Le 10 janvier 1849 était promulguée la charte fondamentale de l’Assistance publique (AP) qui succédait au Conseil général des hospices créé en 1801. Le premier Directeur de l’AP fut Henri Jean-Baptiste Davenne, auparavant chef de division au Ministère de l’Intérieur. Depuis 1849, 22 directeurs se sont succédé dont 4 médecins (Peyron, Napias, Mourier, Leclainche) . En 1858, le siège de l’AP fut transféré du Parvis Notre Dame à  l’avenue Victoria. En 1941, la tutelle auparavant communale, devient nationale, exercée par le Ministère de la Santé, de l’Intérieur et des Finances. La même année, les hôpitaux, auparavant réservés aux indigents s’ouvrent à  toutes les catégories sociales de malades. Le conseil d’administration (qui remplace le conseil des surveillance) est aujourd’hui présidé de droit par le Maire de Paris depuis le décret de mars 1977. Il est composé de 52 membres.

 

La dermato-vénéréologie dans les hôpitaux de l’Assistance publique en 1849

La dermatologie était assurée par les services de l’Hôpital Saint-Louis qui prennent également en charge les malades porteurs de maladies dites vénériennes. La vénéréologie est également assurée par les hôpitaux de Lourcine et du Midi (ancien Hôpital des vénériens).
L’Hôpital Saint-Louis: consacré à  la prise en charge des maladies de la peau en 1801, comprend en 1849 5 services de dermato-vénéréologie dirigés par Lugol, Gibert, Devergie, Cazenave et Bazin.
Hôpital Lourcine: Ouvert en 1836, était affecté au traitement des femmes atteintes de maladies vénériennes. Il fut appelé Hôpital de Lourcine jusqu’en 1893 où il devint Hôpital Broca. En 1849, les maladies vénériennes étaient prises en charges par les 2 services de chirurgie dirigés par Richet et Cullerier.
Hôpital du Midi: l’Hôpital des vénériens fut ouvert au mois de mars 1792 en regroupant les malades de l’Hôpital de Vaugirard fondé en 1780 pour « les nouveau-nés et enfants trouvés attaqués du mal vénérien ». En 1849, les maladies vénériennes étaient hospitalisés dans les services de chirurgie dirigés par Ricord et Vidal (de Cassis).
L’Hôpital des vénériens fut dénommé Hôpital du Midi en 1836 ne recevant que des hommes adultes syphilitiques, puis Hôpital Ricord à  partir de 1893. (La porte de cet Hôpital subsiste, au Nord de l’enceinte de l’actuel Hôpital Cochin).
On retiendra également que Rayer, auteur d’un important Traité théorique et pratique des maladies de la peau publié en 1826 et 1835, exerça d’abord à  Saint-Antoine puis fut nommé médecin de la Charité en 1830. Il s’agissait d’un service de médecine officiellement non spécialisé en dermatologie.

 

La dermato-vénéréologie dans les hôpitaux de l’Assistance publique de 1849 à  nos jours

La description exacte de l’activité des services de dermatologie est limitée par la présence de sources documentaires qui ne permettent pas d’en donner une vision détaillée. On retiendra particulièrement les ouvrages commémoratifs publiés en 1889, 1900, 1949, le projet de dermatologie à  moyen terme publié en 1980 et le tableau des spécialités qui décrit l’activité dermatologique dans les années 1980.
La spécialisation hospitalière en dermatologie fit partie des réformes mises en place par le Conseil général des hospices. L’Hôpital Saint-Louis fut en effet désigné en 1801 pour prendre en charge les malades porteurs d’affections cutanées. La reconnaissance de la spécialisation hospitalière en dermatologie ne fut jamais remise en cause dans l’organisation hospitalière et le Syndicat des Médecins des Hôpitaux instaura des listes de choix particuliers pour les services de dermatologie.
D’une manière générale, la place de la dermatologie dans les hôpitaux de l’AP a été marquée par une longue période de monopole de l’Hôpital Saint-Louis au moins jusqu’à la fin du XIXème. L’offre de soins en dermatologie fut d’abord élargie à  deux hôpitaux de la rive gauche (Lourcine et le Midi) où furent installés des lits de dermatologie jusqu’en 1951. L’Hôpital de Lourcine (devenu Broca) devint pour plusieurs médecins de Saint-Louis une étape préalable. Une consultation de dermatologie fut ensuite créée par Darier à  l’hospice de La Rochefoucauld. Puis depuis 1970, des services de dermatologie ont été créés dans plusieurs établissements hospitaliers (v. plus loin). Ainsi dans la décennie 1970-1980, le pourcentage des hospitalisations en dermatologie effectuées à  Saint-Louis passa de 81 à  64%.
L’évolution du nombre de lits attribués à  la dermatologie montre une période de croissance régulière jusqu’en 1900 (plus de 1500 lits) suivie d’une diminution particulièrement entre 1900 et 1950. A la fin des années 1970, les services de dermatologie n’accueillaient que 30% des malades atteints d’affections cutanées. Aujourd’hui les services de dermatologie de l’AP-HP comptent environ 135 lits d’hospitalisation.
Les conditions d’hospitalisation des malades ont été profondément modifiées et la durée moyenne de séjour en dermatologie est passée de 45 jours en 1801 à  environ 6 jours aujourd’hui.
Les rapports de synthèse publiés dans les années 1980 permettent d’affiner l’évolution récente de la dermatologie à  l’AP ainsi que la répartition par pathologies des malades hospitalisés.
Des consultations de dermatologie sont proposées dans de nombreux hôpitaux de l’AP-HP rattachées à  des services de différentes spécialités médicales et chirurgicales.

Bibliographie sur demande au Dr G. Tilles, Musée de l’Hôpital Saint-Louis, 1 av. Claude Vellefaux, 75475 Paris Cedex 10

Remerciements : Michel Janier, Liliane Schnitzler et Daniel Wallach ont contribué à  la rédaction de cet article.

Annexe I
Les chefs de service de dermatologie et vénéréologie des hôpitaux de l’AP-HP de 1849 à  1999 : médecin, Hôpital, date de nomination

Ricord (Midi, 1828), Lugol ( Saint-Louis, 1820), Cazenave (Saint-Louis, 1840), Devergie (Saint-Louis 1840), Rayer (La Charité, sce de médecine non spécialisé, 1830), Gibert (Saint-Louis, 1840), Hardy (Saint-Louis, 1851), Bazin (Saint-Louis 1847), Guibout (Saint-Louis 1859), Fournier Alfred ( Lourcine 1867, Saint-Louis 1876), Besnier (Saint-Louis 1873), Vidal (Saint-Louis 1867), Lailler (Saint-Louis 1863), Hillairet (Saint-Louis 1859), Hallopeau (Saint-Louis 1884), Tenneson, (Saint-Louis 1888), Danlos (Saint-Louis 1895), Balzer (Lourcine 1886, Midi 1895, Saint-Louis 1897), Renault (Lourcine 1891, Midi 1897), Du Castel ( Midi 1885, Saint-Louis 1895), Quinquaud, (Saint-Louis 1885), Queyrat (Midi 1898), Fournier Louis (Midi 1910), Mauriac (Midi 1865), Jacquet (Saint-Antoine 1902), Brocq (Broca 1896, Saint-Louis 1905), Thibierge (Broca 1901, Saint-Louis 1908), Darier (La Rochefoucauld 1896, Broca 1905, Saint-Louis 1909), Gaucher (Saint-Louis, 1902), De Beurmann (Lourcine 1889, Saint-Louis 1902), Jeanselme (Broca 1908, Saint-Louis 1918, Milian (Saint-Louis 1919), Lortat-Jacob Léon (Saint-Louis 1922), Léri (Midi, 1922), Israel de Jongs (Lourcine 1924), Faure-Beaulieu (Lourcine, 1924), Louste (Saint-Louis 1922), Hudélo (Broca 1910, Saint-Louis 1919), Ravaut ( Broca 1919, Saint-Louis 1922), Sézary (Broca 1925, Saint-Louis 1929), Touraine Albert (Broca 1928, Saint-Louis 1929), Flandin (Saint-Louis 1935), Weissenbach (Broca 1929, Saint-Louis 1935), Gougerot ( Broca 1926, Saint-Louis 1929), Tzanck ( Broca 1932, Saint-Louis 1937), De Graciansky (Broca 1946, Saint-Louis 1951), Bolgert (Saint-Louis 1949), Duperrat (Broca 1951, Saint-Louis 1952), Degos (Saint-Louis 1940, Broca 1945, Saint-Louis 1946), Merklen (Broca 1946, Saint-Louis 1948), Touraine René (Henri-Mondor 1970), Hewitt (Tarnier, 1970), Cottenot (Saint-Louis 1975), Civatte Jean (Saint-Louis 1976), Puissant (Saint-Louis 1976) Belaïch (Bichat 1980), de Prost (Necker -Enfants-Malades, 1980), Escande (Tarnier 1983), Revuz (Henri-Mondor, 1989), Morel (Saint-Louis, 1992), Dubertret (Saint-Louis, 1989), Saçag, (Ambroise Paré, 1993), Laroche (Avicenne, 1987), Crickx (Bichat, 1999).

 

Annexe II
Consultations de dermatologie et services de rattachement en 1999

Albert Chenevier, (médecine interne), Ambroise Paré, (dermatologie, médecine interne, pédiatrie), Antoine Béclére (médecine interne), Armand Trousseau (pédiatrie générale, hémato-immuno), Avicenne ( dermatologie), Beaujon, (dermato, stomato), Bicêtre (dermato, stomato), Bichat-Claude Bernard (dermato, médecine interne), Boucicault (dermato, gynéco-obstétrique, médecine interne, orthopédie), Broussais (immuno clinique, médecine interne, rééducation vasculaire), Charles Foix (gérontologie), Cochin, (dermatologie), Henri Mondor, (dermatologie), Hôtel Dieu (centre de diagnostics et de soins, médecine interne), Jean Verdier, (policlinique, pédiatrie), Laennec (médecine interne), Lariboisiére, (médecine interne, ORL), Louis Mourier, (médecine interne), Necker Enfants Malades, (dermatologie, néphrologie), Paul Brousse, (chirurgie générale, maladies infectieuses, médecine interne), Pitié Salpétrière, (cancérologie médicale, chirurgie générale, maladies infectieuses, médecine interne, rhumatologie), Raymond Poincaré, (maladies infectieuses et tropicales, med interne), Robert Debré (pédiatrie), Rothschild (maladies infectieuses, médecine interne), Saint-Antoine, (gynécologie, médecine interne), Saint-Louis (dermatologie), Saint Vincent de Paul, (pédiatrie), Ste Périne, Rossini, Chardon Lagache, (gérontologie), Tenon (chirurgie thoracique et vasculaire, dermatologie).

 

Annexe III
Services de dermatologie dans les hôpitaux de l’AP-HP en 1999
(Sources : AP-HP + services concernés)

Ambroise-Paré: Service de dermatologie créé en 1993 par le Pr. Ph Saiag. Activité de consultations et Hôpital de jour.
Avicenne: unité de dermatologie créée en 1987 par le Pr Liliane Laroche puis transformée en service en 1997.
Bichat: service de dermatologie créé en 1980 par le Pr S. Belaich. Chef de service actuel, Pr Béatrice Crickx. 20 lits traditionnels, 6 lits d’Hôpital de jour.
Henri-Mondor: service de dermatologie créé en 1970 par le Pr.R.Touraine. Chef de service actuel Pr J Revuz. 19 lits d’hospitalisation.
Necker-Enfants-Malades: consultation créée en 1979 par le Pr.JH Saurat auquel succéda le Pr.Y de Prost en 1980. Service de dermatologie depuis 1989. 5 lits.
Pitié-Salpétriére: Consultations de dermatologie depuis 1979 sous la responsabilité du Pr.Camille Frances, service Pr JC Piette.
Saint-Louis: 2 services de dermatologie:
Pr Dubertret: 23 lits traditionnels, 6 lits de semaine, 3 lits d’Hôpital de jour;
Pr Morel: 24 lits traditionnels, 4 lits de semaine, 2 lits d’Hôpital de jour;
Tarnier-Cochin: service de dermatologie créé en 1970 par le Pr.J Hewitt. Chef de service actuel : Pr JP Escande. 8 lits traditionnels, 4 lits de semaine, 21 lits d’Hôpital de jour (bilans 7, soins 8, chirurgie 6).
Tenon: antenne de dermatologie créée en 1994 sous la responsabilité du Dr.S Aractingi, rattachement administratif au service du Pr Dubertret