Organisées les vendredi 20 et samedi 21 novembre 2009, à la Faculté Villemin-Lariboisière, 10, avenue de Verdun, 75010 Paris, organisées par la Société Française d’Histoire de la Médecine, la Société Française d’ORL et le service d’ORL de l’hôpital Lariboisière
20 novembre 2009, matin
Président de séance : M. le Pr François Legent
François Legent
L’enseignement de l’ORL à Paris au XIXe siècle
L’oto-rhino-laryngologie repose sur deux piliers, l’otologie et la laryngologie au sens large du terme. En France, cette spécialité a eu pour particularité d’être constituée officieusement au début du dernier quart du XIXème siècle, avant que des médecins exercent l’ensemble de la spécialité, car la plupart étaient otologistes, d’autres, en moins grand nombre, médecins des voies aériennes. Contrairement à l’ophtalmologie avec laquelle elle constituait une des premières spécialités médico-chirurgicales au XIXème siècle, l’ORL française a été ignorée des sphères officielles pratiquement pendant tout ce siècle, dans le domaine tant hospitalier qu’universitaire.
Jusqu’aux années 1860, l’otologie a brillé en France grâce à l’Institution des sourds-muets de Paris, créée à la fin du XVIIIème, et qui devint rapidement un véritable hôpital spécialisé en otologie, avec d’abord Itard puis Menière. Ces deux otologistes ne furent pas les seuls à transmettre leur savoir par des publications. Trousseau contribua beaucoup au développement de la laryngologie. Avec ses nombreux articles, son Traité de 1837, et plus tard au cours de ses leçons à l’Hôtel-Dieu, le professeur de clinique médicale enseigna la laryngologie. Il montra avec force précisions l’art de réaliser la trachéotomie si redoutée des chirurgiens.
Les dernières décennies du XIXe furent néfastes pour la spécialité ORL en France, et partant pour son enseignement. L’organisation hospitalière avec l’accession à la chefferie de service à l’ancienneté, le rejet par la Faculté non seulement des spécialités mais aussi des médecins s’affichant spécialistes, eurent pour conséquences d’entraver le développement de la spécialité obligeant à aller à l’étranger pour parfaire les connaissances acquises dans les cliniques et cours privés, et de retarder la création de services spécialisés. Mais cette absence de reconnaissance officielle incita les otologistes et les laryngologistes à s’unir plus précocement que dans les pays de langue allemande, à créer des revues portant sur l’ensemble de l’ORL avec les Annales des maladies de l’oreille et du larynx dès 1875, à fonder la Société française d’otologie, de laryngologie et de rhinologie en 1882. Il fallut attendre 1896 pour voir la création du premier enseignement officiel de l’ORL à Paris sous la forme d’un Cours complémentaire d’ORL confié à André Castex jusqu’en 1902, dans les locaux de l’École pratique. Les premiers services parisiens de médecine officiellement reconnus spécialisés en ORL datent de 1897 pour Gouguenheim à Lariboisière, et de 1899 pour Lermoyez à Saint-Antoine. Ces services ne seront plus mis au choix des médecins et chirurgiens des hôpitaux mais réservés aux ORL des hôpitaux, permettant enfin un véritable enseignement clinique hospitalier. Les premiers ORL des hôpitaux parisiens furent nommés en 1900 et la chaire d’ORL créée à Paris à Lariboisière en 1919. En province, la spécialité se développa encore plus tardivement, excepté à Bordeaux grâce au dynamisme d’Émile Moure. C’est là que fut créé le premier enseignement officiel de l’ORL en France sous la forme d’un Chargé de cours d’ORL en 1891 et la première chaire d’ORL en 1913.
Philippe Charlier
Paléopathologie de la rhinite chronique
L’observation de lésions de rhinite chronique est courante lors de l’examen de squelettes issus de fouilles archéologiques. Plusieurs explications permettent, en fonction du contexte environnemental de l’individu, d’expliquer l’apparition et l’entretien d’une telle inflammation locale (exposition aux polluants ou aux poussières, pollinose, etc.). On centrera notamment notre discours sur les phénomènes allergiques. Seront également abordés les soins médico-chirurgicaux centrés sur les fosses nasales dans ce cadre nosologique, parfois encore visibles au décours d’un examen ostéo-archéologique.
Jean-Yves Maldent
Lariboisière, bastion de la laryngologie française au XIXe siècle
Jusqu’au début du XIXème siècle, compte tenu de la difficulté de son examen et de sa physiologie complexe, le larynx est peu étudié ou tout au moins ne l’est que par les anatomistes. C’est avec les travaux de Trousseau sur la diphtérie que débute l’étude et le traitement des pathologies laryngées. Ce dernier va défendre l’intérêt de la trachéotomie dans la prise en charge des malades atteints de croup malgré le scepticisme des instances médicales de l’époque, en particulier des chirurgiens. Il publie en 1837 son Traité pratique de phtisie laryngée, de la laryngite chronique et de pathologie de la voix et ouvre le champ à l’étude clinique du larynx. Il faut attendre les travaux de Türck et surtout de Czermak en 1858 pour que se développe la laryngoscopie. En France, elle va être diffusée par Fauvel qui édite en 1861 Du laryngoscope du point de vue pratique ; et qui va former plusieurs générations d’ORL au début au sein d’une consultation de laryngologie ouverte dans le service de chirurgie de Voillemierà l’hôpital Lariboisière. Il doit faire preuve d’opiniâtreté face à l’hostilité de la faculté de médecine vis-à-vis des spécialistes.
En 1874, Isambert ouvre la première clinique de laryngologie, qui est tolérée mais non réglementaire dans ce même hôpital et développe l’activité ainsi que la formation des internes. Il crée en 1875 avec Krishaber et Ladreit de la Charrière les Annales des maladies de l’oreille et du larynx. Isambert mourant prématurément, le service est repris par Raynaud, docteur ès lettres et docteur en médecine, qui va peu développer l’ORL. Lui succède en 1876 Adrien Proust, père de Marcel, qui va s’intéresser surtout à l’hygiène et à la lutte contre le choléra, la salle réservée à la laryngologie sera alors dirigée par son adjoint Krishaber. Le service étant en train de péricliter, il se redéveloppe en 1887 avec la nomination de Gougenheim qui va ouvrir au sein de son service une consultation d’otologie. Il obtient en 1895 de l’Assistance publique la reconnaissance officielle de la consultation des maladies du larynx et du nez de l’hôpital Lariboisière. Le service comprend alors dix lits d’homme et dix de femme. Il réussit également à augmenter le nombre d’internes au sein de ce dernier. Plusieurs d’entre eux deviendront les premiers chefs de service d’otorhinolaryngologie dans d’autres hôpitaux, comme Lermoyez à Saint- Antoine et Bourgeois à Laennec. Suite à son décès, il est remplacé en 1901 par Sébileau, chirurgien de formation ; celui-ci donne une tendance chirurgicale alors qu’ailleurs la formation était plutôt médicale. De nombreux ORL de province et de l’étranger viennent alors s’y former. En 1902, sont réalisées sur l’année en ORL 1366 interventions, 22213 consultations. En 1905 le service est doté d’un nouveau bâtiment.Sébileau restera chef de service jusqu’en 1931.
Lariboisière sera donc à la fin du XIXème et au début du XXème siècle la maison mère de nombreux ORL qui feront la renommée française de la spécialité.
Patrick Marandas
Les cancers ORL dans la grande Histoire
Le cancer, fléau de l’humanité, est connu depuis la très haute antiquité. Les auteurs anciens (Celse, Galien, Oribase) ont décrit ses principaux caractères cliniques et évolutifs. La connaissance des cancers des VADS est plus récente. La chirurgie qui a été le premier traitement utilisé n’a en fait pris son essor qu’au cours du troisième tiers du XIXe siècle après la publication en 1867 de l’Écossais John Lister sur l’intérêt de la désinfection des plaies, appliquant ainsi les principes de Pasteur.
Ainsi Théodore Bilroth réussit en 1881 la première ablation d’un cancer de l’estomac et en 1890 William Stewart Halsted met au point la mammectomie élargie. À la même époque la cancérologie ORL fait irruption dans l’histoire mondiale à travers l’atteinte de trois personnalités de premier plan : le général Grant, dix-huitième président des États-Unis, atteint d’un cancer de l’amygdale qui mourut le 23 juillet 1885 du fait que Douglas, Sands et Shrady, qui venaient de décrire la buccopharyngectomie transmaxillaire, n’osèrent pas proposer leur intervention à une personnalité aussi célèbre.
La deuxième personnalité frappé par un cancer ORL fut l’empereur d’Allemagne Frédéric III, atteint d’un cancer du larynx. Son cas fut l’objet d’importantes controverses diagnostiques et thérapeutiques entre d’une part les laryngologistes allemands et Virchow qui affirma le caractère malin de la tumeur du Kronprinz Frédéric, et le laryngologiste anglais Machenzie. Né en 1831, Frédéric III succèdera à son père Guillaume Ier le 8 mars 1888 alors qu’il était trachéotomisé et déjà moribond. Il décéda le 15 juin 1888 cédant le trône à son fils Guillaume II, très belliqueux et qui sous l’emprise de Bismarck fut à l’origine de la Première guerre mondiale.
Peu après la mort de l’empereur d’Allemagne, le cancer frappa le vint-deuxième président des Etats Unis G. Cleveland. Celui-ci fut le seul président de l’histoire des Etats-Unis à être élu à deux reprises de façon non consécutive et à se marier à la maison blanche. Candidat du parti démocrate, il s’illustra entre autres pour avoir fait donner la troupe pour briser la grève des cheminots à Chicago et par sa rigueur dans les affaires financières. Grand fumeur de cigares, il présenta un cancer du palais en 1893 et pour que son intervention reste secrète de peur d’une panique financière, il se fit opérer sur le yacht Oneida la nuit du 1er juillet. L’opération, qui ne fut dévoilée qu’en 1917, lui permit de terminer son mandat. Il décédera en 1908.
Il est important de parler enfin du cancer de la voûte palatine de Sigmund Freud : né en 1856, grand fumeur de cigares lui aussi, il développa à l’âge de 67 ans une tumeur du palais droit qui fut opéré à 23 reprises durant les 16 ans d’évolution. Freud dès sa deuxième opération devra porter une prothèse énorme qu’il dénommait « le monstre qui sépare la bouche de la cavité nasale ». Malgré cette prothèse, à son élocution modifiée et à sa déglutition difficile s’ajoutaient d’importantes douleurs qui vraisemblablement eurent un impact sur sa vie de maître de la psychanalyse.
Le traitement des cancers des VADS fut longtemps chirurgical, le développement de cette chirurgie ayant été possible par les progrès réalisés en matière d’asepsie, d’anesthésie et plus tard d’antibiothérapie. En 1896 après la découverte des rayons X par Roentgen, très vite ceux-ci furent utilisés pour traiter les cancers. Quant à la chimiothérapie, ses premiers pas sont plus récents.
Philippe Bordure
Prosper Menière et les sourds-muets
Quand Prosper Menière succéda à Jean-Marc Gaspard Itard en 1838, il n’avait aucune connaissance particulière sur l’otologie ni sur l’éducation des sourds-muets. La succession était lourde étant donnée la réputation du médecin de l’Institution des sourds-muets de Paris, car Itard avait mis sur les rails l’otologie moderne et expérimenté les divers procédés connus à l’époque pour améliorer le sort des sourds-muets, tant par la médecine que par l’éducation. D’emblée, Menière se déclara le continuateur de son prédécesseur. La surdi-mutité était alors le moteur de la recherche concernant la surdité, notamment la surdité nerveuse qui paraissait souvent impliquée chez les sourds-muets. Cette recherche amena progressivement Menière à décrire en 1861 le syndrome labyrinthique qui porte son nom. On lui doit plusieurs autres travaux consacrés aussi à la surdité-mutité, notamment Du Mariage entre parents, considéré comme cause de la surdi-mutité congénitale, et De l’expérimentation en matière de surdi-mutité.
Comme Itard avec Nicolas Deleau, soutenu par l’Académie des sciences, qui s’opposait frontalement au médecin de l’Institution des sourds-muets où il voulait pour le moins s’introduire, Prosper Menière se trouva confronté à Alexandre Blanchet, soutenu par le pouvoir politique qui sut l’imposer comme adjoint puis comme successeur. Blanchet fut le promoteur de l’éducation des sourds-muets en intégration. Il prétendait qu’il était possible de doter presque tous les sourds-muets de France du langage articulé, et de rendre l’ouïe et la parole à un certain nombre d’entre eux. L’Académie de médecine consacra plus de dix de ses séances en 1849 pour donner un avis sur les conceptions de Blanchet, notamment sur le recours à l’impression tactile des ondes sonores qu’il soutenait. En 1853, Menière publia De la guérison de la surdi-mutité et l’éducation des sourds-muets où il racontait ses démêlés avec Blanchet et ses conceptions de l’éducation des sourds-muets.
Prosper Menière ne s’est pas contenté de travaux sur la surdi-mutité, mais, pendant tout son mandat, il s’est intéressé au sort des sourds-muets, veillant à leur confort, leur épargnant les thérapeutiques agressives si souvent utilisées au début du XIX siècle. Cet humaniste pétri d’humanité a été victime du succès de la maladie éponyme. Décrite quelques mois avant sa disparition, elle a occulté les autres facettes de ce grand médecin qui a laissé un excellent souvenir dans l’institution où il consacra plus de vingt années de sa vie au service des sourds-muets.
20 novembre 2009, après-midi
Président de séance : Mme le Pr Danielle Gourevtich
Ollivier Laccoureye et Alfred Werner
Histoire de la laryngectomie à travers les siècles
Alors qu’amygdalectomies et trachéotomies étaient décrites et pratiquées depuis de nombreuses années, ce n’est qu’au XIXe siècle que les laryngectomies, c’est-à-dire les interventions chirurgicales qui permettent l’exérèse en partie ou en totalité de l’organe unique indispensable à la respiration, la phonation et la déglutition qu’est le larynx, firent leur apparition en Europe. Rappelons qu’en 1888, Morrel Mackensie déclarait: « … pour le cancer du larynx la seule manière d’en terminer, c’est la mort … ». Cent-vingt- cinq ans plus tard, le nombre de laryngectomies effectuées en France n’est pas publié mais, aux USA, la population de laryngectomisés est estimée à près de 60 000 personnes et environ 3000 interventions de ce type sont réalisées chaque année dans ce pays. C’est dire l’importance qu’a prise cette famille d’intervention au fil du temps. Les laryngectomies s’effectuent de plus en plus par les voies naturelles sans incision cutanée en utilisant souvent le laser et parfois maintenant un robot. Certains cancers du larynx peuvent être guéris par chimiothérapie seule sans avoir à utiliser la radiothérapie ou à réaliser une laryngectomie. Et la technique de greffe du larynx est quasiment au point suscitant de grands espoirs pour le laryngectomisé total.
L’apparition des laryngectomies au XIXème siècle résulte de la conjonction de nombreux facteurs que nous détaillons dans cette communication qui évalue aussi le développement et le perfectionnement de ces techniques chirurgicales, leurs implications sociales, ainsi que l’évolution et le devenir de ces interventions au sein des diverses modalités thérapeutiques qui existent à l’heure actuelle pour traiter les affections du larynx. Mais c’est surtout le développement de la lutte contre les deux grands facteurs de risque du cancer du larynx que sont le tabagisme et l’alcoolisme qui a le plus progressé et qui est le garant à long terme de la poursuite de la diminution engagée du nombre de laryngectomies effectuées chaque année de par le monde.
Frédéric Chabolle
Histoire de la ronchopathie
(pas de résumé)
Albert Mudry
La naissance des Annales des maladies de l’oreille
Le but de ce travail est de présenter l’histoire des premiers journaux d’ORL publiés au XIXe siècle. Un regard particulier concerne les journaux français, et plus particulièrement les Annales des maladies de l’oreille et du larynx. Ce travail est basé sur une recherche la plus exhaustive possible dans les grandes bibliothèques européennes et américaines associée à la compilation systématique de certains de ces journaux, dont les Annales jusqu’en 1900.
C’est avec le développement de la spécialité ORL, dans la seconde moitié du XIXe siècle, que les premiers journaux d’ORL furent publiés. Entre 1864 et 1900, trente journaux ont été répertoriés dans six pays européens et aux États-Unis. De ces trente journaux, dix existent encore aujourd’hui, le plus souvent sous un titre différent. Les trois premiers journaux furent publiés en Allemagne entre 1864 et 1869 ; deux concernent uniquement l’otologie et un l’otologie et l’ophtalmologie. En 1875 apparurent les deux premiers journaux d’ORL, les Annales des maladies de l’oreille et du larynx éditées à Paris par Émile Isambert, Jules Ladreit de Lacharrière et Maurice Krishaber, et qui existe encore aujourd’hui sous le nom d’Annales d’oto-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale et la Revista de laringoscopia et otoscopia éditée en Espagne seulement pendant trois ans. Progressivement d’autres journaux d’ORL ou de ses sous-spécialités furent publiés. L’Espagne fut le pays le plus prolifique avec sept journaux, suivie des Etats-Unis avec six, la France, l’Allemagne et l’Italie avec cinq, la Grande-Bretagne et la Belgique avec un journal. À part les Annales, quatre autres journaux furent publiés en France : la Revue mensuelle de laryngologie, d’otologie et de rhinologie éditée dès 1880 par Émile Moure à Bordeaux, qui existe encore aujourd’hui sous le nom de Revue de laryngologie, otologie, rhinologie, les Bulletins et mémoires de la société française d’otologie et de laryngologie, publiés dès 1883 et qui ont perdu leur caractère de périodique en 1924, les Archives internationales de laryngologie, de rhinologie et des maladies des premières voies respiratoires et digestives, éditées à Paris par Albert Ruault dès 1887, incorporées en 1931 auxAnnales et finalement, dès 1890, La voix chantée et parlée, aussi publiée à Paris par Arthur Chervin jusqu’en 1903.
À travers quelques anecdotes, il est possible de réaliser l’importance de ces premiers journaux pour le développement de la spécialité ORL.
Jacques Poirier
Le docteur Félix Féréol (1825-1891), découvreur de l’ictus laryngé
Avant de devenir médecin, Félix Second dit Féréol (1825-1891), oncle maternel du professeur Édouard Brissaud (1852-1919) qui l’apprécie beaucoup, fait des études de droit et devient avocat à Orléans. Contraint de quitter le barreau du fait de son opposition au coup d’État de 1852, il fait alors ses études de médecine à Paris. Interne (1854), puis médecin des hôpitaux de Paris (1865), il est officier de la Légion d’honneur, membre de l’Académie de médecine et médecin de son cousin, le célèbre organiste et compositeur César Franck. Dans la séance du 18 décembre 1868 de la Société médicale des Hôpitaux de Paris, Féréol décrit les symptômes laryngo-bronchiques du tabes, que Charcot, tout en reconnaissant la priorité de Féréol, reprend en 1886, sous le nom d’ictus laryngé ou vertige laryngé, dans ses Leçons sur les maladies du système nerveux et, en 1892, dans ses Leçons du mardi, en montrant que cet ictus laryngé peut s’observer en dehors du tabes. Moncorgé, en 1896, dans les Annales des maladies de l’oreille et du larynx, propose une classification générale des ictus laryngés. Unanimement apprécié pour sa compétence professionnelle, ses travaux scientifiques et son dévouement à ses malades, le docteur Féréol, dont la famille fourmille de comédiens, de chanteurs lyriques et de peintres et illustrateurs, est aussi un artiste, tant en musique, avec sa voix de trial, qu’en peinture, avec ses aquarelles. Il est inhumé au cimetière de Clichy-Sud.
André Fabre
Les sensations olfactives dans la littérature
Le monde sensible de l’olfaction a été exploré en tous sens et de tout temps par les écrivains et les poètes. Dès l’Antiquité, des philosophes, matérialistes comme Lucrèce ou idéalistes comme Platon, s’étaient interrogés sur l’odorat. À partir du XVIème siècle apparaissent les premiers essais d’analyse de l’olfaction aussi bien dans ses manifestations (parfum, senteur, arôme) que ses effets (étouffement, émoi, dégoût) avec de nombreux exemples chez Shakespeare, Milton puis Rousseau et Casanova. Au XIXème siècle, Charles Baudelaire, dans Les Fleurs du mal ; Rimbaud, avec les « noirs parfums » du Bateau ivre). On pourrait également citer Flaubert, Maupassant, Huysmans …, ou encore Zola, chez qui chaque personnage a sa propre odeur ; mais la littérature « olfactive » va connaître un nouvel essor chez Giono, Colette et surtout Marcel Proust avec sa Recherche du temps perdu, et parmi les écrivains de notre époque, Patrick Süskind avec Le Parfum, histoire d’un enfant qui tente de créer une odeur parfaite pour se faire aimer de tous.
Il est intéressant de confronter aux analyses littéraires les avancées scientifiques actuelles du domaine de l’olfaction et notamment dans le domaine de la connectique de l’odorat. L’étude des liens cognitifs dont dispose l’encéphale aide à mieux comprendre le rôle inconscient de l’olfaction. Une avancée majeure a été la mise en évidence d’une perception synesthésique, phénomène par lequel un individu une fois stimulé perçoit en association d’autres signaux sensoriels : thème qui revient en leitmotiv dans la littérature: est-il besoin de rappeler la célèbre madeleine de Marcel Proust ? En conclusion, la création littéraire a largement utilisé la sensation olfactive comme instrument de mémoire et de communication, pour aiguiser l’imaginaire, mais aussi ressusciter le passé et raviver le présent.
Michel Germain et Jacques Trotoux
Les transplants microchirurgicaux en ORL : reconstruire pour une meilleure qualité de vie
Certains cancers ORL n’étaient pas opérés en raison de l’importance de la mutilation, faute de moyen de reconstruction, ou étaient traités de façon palliative. Les lambeaux locaux ou régionaux étaient souvent insuffisants du fait de la limite de leur axe de rotation. Les transplants libres microchirurgicaux ont complètement modifié cette approche. Alexis Carrel, Prix Nobel 1912, fut le premier à réaliser des transplants d’organes vascularisés chez l’animal. Jacobson, de New York, en 1959 est le pionnier de la microchirurgie vasculaire. Sun Lee, de San Diego, a réalisé un grand nombre de transplants microchirurgicaux chez l’animal à la même époque. Le premier transplant de jéjunum chez l’homme, après exérèse de cancer de l’hypo pharynx fut réalisé par Seidenberg à New York en 1959. Depuis 1965 de nombreuses équipes dans le monde entier ont développé l’étude des transplants libres et fait bénéficier la discipline ORL de ces progrès, soit après exérèse de cancer, soit pour lésions traumatiques ou malformations congénitales. Il s’agit en particulier de la reconstruction de l’hypo pharynx par transplant de jéjunum, de la reconstruction de la face, principalement de l’étage moyen de la face, de la mandibule, avec les transplants de fibula, de scapula, de latissimus dorsi. L’avenir paraît aussi très prometteur dans le domaine des allogreffes de visage. Le but de toutes ces reconstructions est d’apporter une bonne qualité de vie aux opérés.
21 novembre 2009, matin
Président de séance : M. le Pr Patrice Tran Ba Huy
Michel Portmann
Les travaux scientifiques préliminaires à la première opération du sac endolymphatique par Georges Portmann en 1926
Après la guerre de 14-18, Georges Portmann entreprend des travaux scientifiques sur le sac endolymphatique, dès 1920 dans notre laboratoire de recherches et dans le laboratoire des Sciences marines d’Arcachon. Elles aboutiront en janvier 1926 à la première intervention pour vertiges. Ses travaux comprennent trois parties : morphologie, physiologie et application sur l’homme.
Morphologie. Plus de 30 000 coupes histologiques sont réalisées sur de nombreuses espèces depuis les plus primitives, les élastobranches, jusqu’à l’homme. Elles montrent l’évolution des transformations structurelles du labyrinthe et du sac endolymphatique. Chez les animaux marins les plus primitifs, le canal endolymphatique est ouvert sur le milieu aquatique ambiant par un orifice sur le dos de la tête de l’animal. Sur les poissons tels que la carpe ou la truite, la structure est intériorisée et le labyrinthe se trouve près des zones arachnoïdiennes. Chez les oiseaux, le labyrinthe s’organise de façon précise avec un canal endolymphatique terminé dans l’oreille interne par le saccule et dans la paroi méningée par le sac. Chez les mammifères (chien, cobaye, etc.), les structures labyrinthiques sont similaires à celles de l’homme, c’est-à-dire que le sac est compris dans un espace délimité par des parois méningées contre l’espace arachnoïdien situé en arrière du rocher.
Physiologie. Georges Portmann pratique sur un animal primitif aquatique une expérimentation : il électrocoagule l’extrémité du canal endolymphatique pour l’oblitérer. Il étudie ensuite dans un aquarium le syndrome labyrinthique vertigineux obtenu par les mouvements de l’animal. Il contrôle ensuite par l’histologie que l’oblitération a bien été complète et que les structures labyrinthiques sont intactes mais gonflées par hypertension. Il émet alors l’hypothèse que les vertiges de Menière sont dus à une hydropisie du labyrinthe membraneux.
Application pour l’homme. Il en conclut que la maladie de Menière est une sorte de « glaucome » de l’oreille interne et propose l’ouverture du sac pour supprimer les symptômes vertigineux. Il étudie très sérieusement les voies possibles pour atteindre le sac et choisit l’approche transmastoïdienne. La première opération est réalisée en janvier 1926 sur un télégraphiste ayant une maladie de Menière. Le succès est immédiat. Personnellement, j’ai eu à suivre ce malade dans les années 50 ; il avait repris toutes ses activités et n’a plus eu de nouvelle crise.
Claude-H. Chouard
Histoire de l’implant cochléaire
Autrefois, la surdité totale ou sub-totale du jeune enfant entraînait inévitablement une surdi-mutité. Cette double infirmité l’empêchait d’apprendre à parler normalement, quels qu’aient pu être les artifices, les substituts et les efforts les plus dévoués des rééducateurs. C’est pourquoi ce double handicap entraînait souvent une ségrégation socioprofessionnelle de ces enfants, quand ils parvenaient à l’âge adulte.
Dans la quasi-totalité des cas, l’implant cochléaire a bouleversé ce pronostic. Une très grande majorité des enfants sourds profonds peuvent en bénéficier ; les meilleurs résultats sont obtenus quand la mise en place chirurgicale du système implanté a pu être effectuée dans les douze à dix-huit premiers mois de la vie. Actuellement, environ un tiers des enfants sourds profonds implantés précocement parle et entend de manière suffisamment bonne pour avoir une scolarité normale. Et ceci en 40 ans à peine, grâce aux progrès continus de l’électronique, conjugués à l’inventivité des milieux ORL internationaux, parmi lesquels la France, les États-Unis, l’Autriche et l’Australie ont joué un rôle essentiel.
Car la quasi-totalité de ces surdités est due, non pas, comme on le croyait autrefois, à une affection destructrice du nerf acoustique, mais avant tout à une atteinte de l’organe de Corti : cet organe, tel un microphone, transforme dans l’oreille interne les vibrations sonores mécaniques en signaux électriques, qui sont les seuls que le système nerveux soit capable de traiter. On s’est en effet aperçu, au début de l’implant cochléaire, que contrairement aux apparences, la conservation d’un contingent plus ou moins important des fibres du nerf auditif rendait cette stimulation possible.
On ne peut détailler ici les progrès successifs qui ont abouti à l’appareil actuellement utilisé. De nos jours, celui-ci, quel que soit son fabricant, est constitué par une partie externe, l’émetteur, presque invisible parce qu’il est caché dans les cheveux derrière le pavillon, et une partie implantée, qui apporte à l’oreille interne les stimulations électriques propres à chaque fréquence, des graves aux aiguës, qui forment le spectre sonore de la musique, de la parole ou des bruits. On ne peut non plus développer, dans ce résumé, l’historique des retombées de la technologie de l’implant cochléaire sur celles employées jusque là pour les prothèses auditives extérieures : leur numérisation et leur miniaturisation furent les fruits essentiels de ce transfert de technologie. Mais ce résumé peut se conclure en évoquant les progrès espérés pour demain : le plus spectaculaire et le plus attendu par les patients sera sans doute l’implantation totale du système. Ainsi, sans qu’ils redeviennent sourds, en abandonnant transitoirement l’émetteur externe de leur actuel implant, la plupart des sports seront permis aux sourds profonds. Mais pour cela il faudra que soient résolus tous les problèmes liés à la transmission des sons à travers la peau jusqu’au microphone, et la recharge de l’énergie embarquée dans des batteries fiables et presque pérennes.
Guy Dupuy
Jean-Marc Gaspard Itard : entre autisme et surdi-mutité
Le médecin Jean Marc Gaspard Itard (1774-1838) est repéré aux fondements tout à la fois de l’ORL, de la pédopsychiatrie et de l’éducation spécialisée. Il est très étonnant de remarquer que les praticiens contemporains en ORL situent Itard à la faveur de sa sonde gutturale surtout, mais également de son Traité des maladies de l’oreille et de l’audition considéré comme le premier ouvrage clinique et nosographique moderne d’otologie (1821), tandis qu’ils méconnaissent la dimension morale (au sens de l’époque, c’est-à-dire psychologique) de l’œuvre centrée sur l’éducation de l’enfant sauvage de l’Aveyron. Parallèlement, les praticiens de pédopsychiatrie, s’ils ont en tête l’histoire principielle de Victor, enfant dit sauvage, objet d’une éducation médico-philosophique méthodique et resté à la postérité comme figure mythique du premier enfant autiste traité, ils ignorent absolument tout de l’activité médicale prolifique d’Itard en otologie, notamment dans le domaine de la surdimutité. Il existe un clivage manifeste au sein des représentations actuelles attachées à Itard : élaboration nosographique et technique relative à l’oreille d’une part, conception éducative et psychopathologique dans l’autisme avant l’heure d’autre part. Dans le cadre d’une thèse d’épistémologie et d’histoire des sciences, nous avons exploré l’ensemble de l’œuvre d’Itard, puisant à trois sources archivistiques : écrits manuscrits et imprimés (Institut National des Jeunes Sourds, Bibliothèque Inter-Universitaire de Médecine, dossiers médicaux (fonds familial dit Charpin) et inventaire après-décès (Minutier de France, mis à jour par Thierry Gineste). Nous nous attacherons, dans notre intervention, à la présentation des 130 pièces écrites par Itard selon les critères suivants : année de rédaction, thématiques, types de documents, rédacteurs associés, organes de publication écrite et orale, niveau de connaissance ultérieure des documents. Se dévoilent ainsi des préoccupations hétérogènes attestant de la complexité de l’œuvre : surdimutité (37%), otologie (31%), médecine/hygiène (10%), épanchements (9%), sauvage de l’Aveyron (6%), aliénation mentale (2%), pathologie de la parole (1%). Quatre périodes successives sont définies : 1799-1806 période de l’enfant sauvage et de l’aliénation mentale ; 1807-1821 période anatomoclinique autour des épanchements, des maladies de l’oreille et de l’audition ; 1822-1827 : période des sourds-muets incomplets et de l’affaire Deleau ; 1828-1837 : période des commissions à l’Académie de Médecine et des textes fondamentaux sur la parole et le cerveau. L’œuvre d’Itard fait pont entre la médecine hippocratique et le développement du modèle anatomoclinique de l’école de Paris, et pose les bases d’une réflexion médico-anthropologique toujours d’actualité (valence entre fonctions et organisme, statut de la pensée dans le développement).
Didier Portmann
Emile Moure, pionnier de l’ORL moderne dès 1880
S’il existe quelques exemples de diagnostics et de traitements des maladies de la tête et du cou depuis la plus haute antiquité, il faut attendre le XIXe siècle pour voir se préciser le concept d’une spécialité centrée sur les trois organes, nez, gorge et oreilles. Au début du XIXe pour ces trois entités anatomiques, deux spécialités sont déjà bien individualisées, l’otologie avec les auristes et la laryngologie avec les laryngologistes. La rhinologie n’est pas encore spécifiquement reconnue. Elle constitue une sorte de « no man’s land ». Mais il paraissait logique à certains esprits de la relier d’une part à l’otologie car l’infection de l’oreille si importante à cette époque vient presque toujours des voies aériennes supérieures, et, d’autre part, de l’intégrer tout naturellement dans l’ensemble respiratoire dont fait partie la laryngologie. Après quelques pionniers précurseurs, trois spécialistes de l’époque concrétisent cette entité nouvelle de façon définitive : Körner de Rostock, Steine de Moscou, et Moure de Bordeaux. C’est à la suite d’un grand voyage de formation qui le conduira dans les grands centres d’otologie et de laryngologie de l’époque en Europe de l’est (Berlin, Vienne, Varsovie, Moscou entre autres), qu’il crée en 1880 la Revue de Laryngologie d’Otologie et en plus petit caractères en-dessous de Rhinologie affirmant ainsi ce nouveau concept sur lequel nous vivons encore au XXIème siècle.
La même année, il fonde à Bordeaux la Clinique d’enseignement libre d’O.R.L. Avec d’autres européens, il est l’un des pionniers du concept moderne de cette spécialité. Sa clinique d’enseignement d’abord libre sera officiellement consacrée en 1890 par une charge de cours à la Faculté puis plus tard par la première Chaire de Clinique de cette spécialité en France, 10 ans avant que la deuxième ne voie le jour à Paris. Il est ainsi une des personnalités à l’origine de la Société Française d’ORL et de Pathologie Cervivo-faciale dont il fut le quatrième président en 1895. Il participera à de très nombreux congrès nationaux ou internationaux de la spécialité. Il aura à côté de ses consultations hospitalière et privée, une consultation pour les patients indigents. Par ailleurs, durant les mois d’été il tenait une consultation à San Sebastian au Pays Basque espagnol où le roi Alphonse XIII et sa coure prenaient leurs quartiers d’été.
Émile Moure décrira de nombreuses techniques opératoires avec les instruments adaptées pour chacune d’elles. De même, à côté de la « Revue » qui servira de vecteur à ses travaux, il publiera de nombreux traités. Certains seront traduits en anglais et en espagnol. Il restera connu pour ses prises en charges des malades atteints de tumeurs des sinus. Durant la guerre de 14-18 il sera un des chirurgiens prenant en charge les « Gueules Cassées ». Un grand prix de Rome, Jean Dupas, lui sera adjoint pour rapporter par ses croquis, peintures, masques de cire et même photographies le traitement de ces grands blessés. Le musée du Val-de-Grâce conserve d’ailleurs certains de ces témoignages. Émile Moure fut un grand nom de la médecine internationale. Son gendre Georges Portmann lui succédera à la tête de la Chaire Universitaire en 1923. Lui-même restera directeur de la Revue de Laryngologie jusqu’en 1931. La Revue de Laryngologie, Otologie, Rhinologie , encore appelée European Review of E.N.T., est ainsi la plus ancienne publication internationale de notre spécialité encore en activité. Elle contribue, par la qualité de ses auteurs et l’extrême diversité des sujets traités, au développement prodigieux de l’O.R.L. et de la chirurgie tête et cou depuis 1880. Ceci fut le fait du travail d’équipes de haut niveau sous l’impulsion de directeurs et rédacteurs successifs. Émile Moure est certainement l’élément originel de l’excellence de l’ORL à Bordeaux, que ses successeurs, qu’ils soient ou non membres de sa descendance, ont toujours maintenue au niveau qui a fait sa réputation bien au delà des frontières.
Lucien Moatti
L’image du sourd-muet dans l’histoire
L’image du « sourd-muet » est faussée depuis l’Antiquité par des apriorismes difficiles à combattre. Les sourds furent considérés comme des être « inférieurs » par Aristote et Platon, privés de droits civiques jusqu’au code Napoléon, déconsidérés par certains textes religieux leur attribuant la responsabilité ou l’image de fautes, de péchés, ou l’incapacité à entrer dans la communauté. Aujourd’hui encore, même dans des milieux dits de progrès, il est rejeté ou déprécié par certains, marqués par ces réminiscences du passé, ou parce que son contact est gênant pour établir le dialogue sans effort. À l’opposé il est parfois encensé par d’autres découvrant sa Langue des Signes, esthétiquement séduisant, sans réfléchir aux limites sociales de ce mode de communication. Depuis le XVIe siècle, l’éducation des sourds, souvent entre les mains du monde religieux, a balancé entre la tendance à « enseigner à parler aux muets », et celle de développer la communication gestuelle.
Le monde médical ORL de notre pays, si l’on en croit les études sur l’Histoire de l’ORL, a mis longtemps avant de s’intéresser à ce problème, alors qu’audition et phonation sont deux domaines essentiels de notre spécialité. Malheureusement, le fameux congrès de Milan de 1880, congrès ORL réunissant des noms comme Politzer, Menière et autres, a abordé ce problème et rédigé une résolution proposant la méthode oraliste à titre d’expérience. Ce fut une occasion manquée de concilier les diverses manières de réhabilitation.
Depuis quelques décennies, de grands noms de l’ORL (Mounier-Kuhn, Portman, Pialoux, Lafon) ont œuvré à l’avènement d’un concept nouveau, « l’audiophonologie », qui place l’ORL au centre d’une vision pluridisciplinaire de ce problème, en vue d’œuvrer pour apporter aux sourds une meilleure intégration sociale.
C’est ce chemin, du rejet du sourd à la politique visant à lui donner sa place dans la société, qui sera tracé brièvement.
21 novembre 2009, après-midi
Président : M. le Pr Louis-Paul Fischer
Charles Dubois
Laennec et les maladies de l’ouïe et de l’appareil vocal dans les leçons du Collège de France
Nous proposons une analyse et un commentaire des quatre leçons que René Laennec a consacrées aux pathologies de l’oreille et du larynx en 1823 et 1824. Elles retiennent l’attention à plusieurs titres. Elles attestent l’étendue des connaissances historiques et cliniques de l’auteur, au-delà même des champs de la connaissance médicale où il a excellé. Elles illustrent sa lucidité et son courage au travers le soutien apporté à J. M. G. Itard et P. F. Bretonneau, dans une période où leurs thèses font encore l’objet de controverses et de critiques. L’intérêt particulier porté par René Laennec à l’otologie et à la laryngologie s’explique par son goût pour la musique, par les réflexions neuro-sensorielles qui ont sous-tendu une bonne partie de ses travaux sur l’auscultation, mais aussi par le fait que ces domaines sont parmi ceux qui lui ont permis de préciser sa conception de la méthode anatomo-clinique et de ses limites. C’est bien l’ensemble de la clinique qui passionnait ce grand médecin. Et cet engagement s’est trouvé renforcé par les responsabilités d’enseignement qu’il a prises, à partir des leçons au Collège de France initialisées en décembre 1822, puis de l’accession à la chaire de clinique médicale de l’Hôpital de la Charité en mars 1823.
Philippe Albou
Le traitement de l’enrouement au XVIIe siècle, d’après Lazare Rivière et Nicolas Boileau
Le traitement de l’enrouement, ou enroüeure, au XVIIe siècle, sera présenté à partir des observations cliniques que l’on trouve :
- dans plusieurs « Observations de Médecine » du médecin montpelliérain Lazare Rivière (1589-1655), notamment dans celles où il décrit ses propres accès d’enroüeures, survenus en octobre 1643 et en novembre 1644 dans le cadre de « catarrhes tombant sur la poitrine » ;
- et avec le témoignage de l’écrivain Nicolas Boileau (1636-1711) sur la prise en charge de l’extinction de voix dont il fut atteint en 1687, avec notamment les traitements administrés durant sa cure à Bourbon-l’Archambault, dont il décrit, à sa manière, les péripéties dans sa correspondance avec son ami Jean Racine.
Ces deux témoignages permettront donc d’évoquer sous une forme « vivante » et « imagée » le traitement de l’enrouement à cette époque, aussi bien dans sa forme aigue, pour Lazare Rivière, que chronique, pour Nicolas Boileau.
Louis-Paul Fischer et Christian Martin
Henri André Martin, l’otologiste, le peintre
Henri André Martin (1918-2004) : la vie de ce Lyonnais fut partagée entre médecine et peinture. Dès 1946, il s’orienta vers l’otologie. Esprit original et inventif, on lui doit notamment la mise au point de techniques chirurgicales innovantes dont la platinotomie calibrée (plus tard appelée « stapedotomie »), décrite dès 1963, la « chirurgie de renforcement du tympan », la « platinodécompressive »… Il donnait, lors de la réalisation des gestes les plus délicats, une impression de facilité ayant impressionné tous ses nombreux élèves. Nommé professeur de clinique ORL à la faculté de Lyon en 1971, il dirigea la clinique universitaire (pavillon U HEH) jusqu’en 1986. La parution de son livre en 1994 sur la maladie de Van Gogh, Le mystère d’une fin tragique, illustre bien son intérêt pour la médecine et sa passion pour la peinture. L’amour de la peinture et de l’art en général auront conduit sa vie. Il fut peut- être plus peintre que médecin, et mécène plus que collectionneur. Ami de très nombreux artistes, leur compagnie était pour lui essentielle. Lauréat de prix importants, il était, entre autres, membre correspondant de l’Institut de France. Il a exposé dans de nombreuses galeries françaises et étrangères (New-York, Francfort, Genève, Caracas). En plus d’une œuvre picturale dense (huiles, gouaches, sérigraphies, lithographies…), il fut à l’ origine d’ouvrages picturaux dont L’Olivier, et assura également l’architecture et l’édition de livres de haute bibliophilie. Délicatesse et pudeur s’exprimeront constamment dans l’œuvre de ce grand coloriste.
Claude Renner
Histoire illustrée des cornets acoustiques
On passera en revue leurs multiples formes inspirées des instruments de musique : trompe, cor, bugle, trombone, cloche…. L’idée d’inverser leur fonction pour en faire des récepteurs obéit à l’empirisme. Puis leurs matières, d’abord précieuses et réservées à l’élite ; puis Bonnafont s’intéresse aux vertus comparées des matériaux choisis. À la fin du XIXe siècle, l’arrivée des matières plastiques décuple la production.
Quant aux tubes de conversation, ce sont de véritables cordons ombilicaux reliant le sourd à son interlocuteur et s’inspirant du téléphone au début du 20ème siècle.
Divers procédé participent à la bonne performance du matériel : le tube télescopique, l’allongement du tube auditif participent à une meilleure audition. Le tube recourbé en U amène le son au sommet de la cloche, lieu présumé de la concentration des sons.
Les casques, dont l’invention est attribuée à Larrey selon Gaudot, fait appel aux deux oreilles. Les cornets « banjo » issus de Politzer. La miniaturisation : des cornets miniature et des intra conques. La dissimulation du matériel principalement à l’usage des femmes : canne acoustique, face à main, chignon acoustique, accessoire de bureau….. L’ « otophone » de Maloney : une inspiration directe du combiné téléphonique.
Les cornets étaient-ils efficaces ? Goldstein, médecin ORL de Saint Louis et collectionneur, répond par l’affirmative en testant son matériel pour constater que les cornets les plus performants font gagner 20 décibels. L’expérience conduite en 1826 par le physicien genevois Colladon est curieuse : à l’aide d’un cornet acoustique de sa conception, il mesure la vitesse du son dans l’eau dans le lac Léman. Le son est émis par une cloche et capté par le cornet.