Dans les premières années du XIXe siècle la philosophie écossaise du sens commun connaît un succès considérable. Pierre Royer-Collard l’introduit officiellement dans l’université en 1811, et elle devient une des références majeures de la philosophie spiritualiste, pour Victor Cousin et Théodore Jouffroy notamment. Dans cette perspective, le sens commun est d'abord un instrument pour lutter contre le sensationnisme des idéologues, et plus généralement contre les conséquences sceptiques de "l'idéalisme" cartésien.
Mais la réception du sens commun ne saurait se limiter à cet accueil officiel et orthodoxe. Les enjeux philosophiques et politiques du XIXe siècle vont engendrer un ensemble d’usages ou de traditions qui sera ici pris en compte – notamment avec la constitution des sciences humaines.
Au XXème siècle, le « sens commun » ne s’inscrit plus nécessairement dans une tradition philosophique, mais est plutôt considéré tantôt comme un concept opératoire, limité ou non, tantôt comme une forme d’obstacle épistémologique. La philosophie de la perception, la sociologie, la théorie de la praxis vont alors tour à tour convoquer le sens commun pour renouveler une pensée de l’homme et de la science.
Pourquoi Spencer, dans tous les aspects de son œuvre, fut-il si immensément populaire dans le monde entier entre 1860 et 1890, et pourquoi ce déclin soudain de cette popularité ? Si, comme on le dit, Spencer est l’un des premiers à utiliser le mot ‘évolution’ dans son sens moderne, et à en proposer une théorie. Il ne faut pas le considérer comme l'ombre de Darwin, mais mesurer l'impact de l'ensemble de son système philosophique qu'il s'agisse de la biologie, de la psychologie, de sa réflexion sur la "force" ou encore de sa théorie de l'éducation.
Selon la célèbre « loi des trois états » d’Auguste Comte, l’humanité serait passée par trois stades : théologique, métaphysique et positif. Le règne des sciences (l’âge « positif ») prendrait donc naissance au moment où l’humanité sortirait de la phase religieuse de son existence morale, via la transition que constitue sa phase « métaphysique ». Et, pour le fondateur du positivisme, cette loi ne s’applique pas qu’aux sciences de la nature, mais aussi à la science de l’Humanité, couronnement du savoir positif : la « sociologie ». Pourtant, c’est le même Comte qui organisa le cercle de ses disciples en une église, dont il définit soigneusement le dogme, les rites, en une fascination non dissimulée pour le catholicisme. Ce raccourci sans doute simplificateur fait surgir toute la complexité des rapports entretenus par les sciences de l’homme avec la pensée religieuse. L’objectif de ce colloque est de tenter d’ordonner ces questions, de faire un bilan de la réflexion actuelle, voire de s’interroger sur certaines évidences admises.
Journée d'études réalisée dans le cadre du programme Histoire des savoirs (CNRS), en collaboration avec le Centre Alexandre Koyré et sous le patronage de la Société française de l'histoire des sciences de l'homme et du soutien de l'Ecole normale Supérieure.
L'interrogation provient d'un double constat : d'une part l'histoire de la psychiatrie tient un rôle modeste au sein des sciences humaines et sociales et les travaux des historiens demeurent dans leur grande majorité éloignés des problématiques de ce champ de recherche. D'autre part, les praticiens ont durablement investi l'histoire de cette spécialité médicale développant des représentations de leur passé dominées par les récits commémoratifs et construisant des discours de légitimation. Dans cette perspective, l'Histoire est utilisée pour construire une mémoire et une identité communes à cette communauté professionnelle. Parallèlement depuis les années 1960, les travaux existants ont souvent donné lieu à des discussions tranchées et apparemment irréconciliables. Les débats sur la nature et le sens profond de la psychiatrie suite au geste foucaldien ont largement retenu l'attention mais ont créé en France particulièrement une situation paradoxale : l'épistémologie de la psychiatrie a en quelque sorte marginalisé l'approche plus strictement historienne.
Cette journée d'étude est donc destinée à repérer et à faire connaître les nouveaux travaux initiés ces dernières années parmi les historiens et elle espère présenter un panorama des axes de recherche à l'¦uvre au sein de ce champ spécifique de l'histoire des sciences de l'homme. Nous avons également fait le choix de porter notre attention sur le XXe siècle car il nous reste très largement ignoré. De surcroît, la réflexion sur le savoir psychiatrique s'est durablement concentrée jusqu'à présent sur la période de fondation et d'émergence laissant plus en retrait les développements ultérieurs.
Journée d’études organisée dans le cadre du séminaire « Histoire des sciences de l’homme et de la société » du Centre Alexandre Koyré (CNRS-EHESS-MNHN), sous l’égide de la Société Française pour l’Histoire des Sciences de L’Homme (SFHSH), et avec le soutien de l’action concertée incitative « De l’âme corps au corps esprit. Les concepts mis en pratiques et les pratiques mises en concepts. Histoire croisée de la psychologie, de la psychiatrie et de la psychanalyse » (programme Histoire des savoirs, CNRS).
Alfred Maury (1817-1892), sous-bibliothécaire à l’Institut en 1844, devient membre de l’Académie des inscriptions et belles lettres en 1857, puis bibliothécaire aux Tuileries en 1860, membre du Collège de France en 1862, directeur général des Archives nationales de 1868 à 1888. Il obtient une reconnaissance académique en tant qu’érudit, archéologue, historien (principalement des croyances, des légendes, des mythologies et des religions) et archiviste. Mais il participe aussi activement à des sociétés savantes telles que la Société médico-psychologique, qui réunit les aliénistes, ou la Société de géographie, et il mène des recherches en géographie, en anthropologie, et en psychiatrie. Il s’intéresse enfin pendant plus de trente ans au sommeil et aux rêves à partir de l’étude de ses propres rêves. Paradoxalement, ce sont des travaux qui peuvent nous sembler actuellement décentrés, voire excentrés, par rapport à sa consécration académique, La terre et l’homme ou aperçu historique de géologie, de géographie et d’ethnologie générales, et surtout Le sommeil et les rêves. Etudes psychologiques sur ces phénomènes et les divers états qui s’y rattachent, qui assurent son succès et qui le rendent célèbre en son siècle.
Il peut être intéressant de mettre en perspective plusieurs des facettes du personnage et de l’œuvre de Maury, et d’essayer de comprendre comment celles-ci sont liées ou non entre elles. Cette mise en perspective peut ainsi amener à mettre en question l’anachronisme des qualifications et des divisions disciplinaires que l’on pourrait être tenté d’appliquer à la carrière et aux travaux de Maury. On peut faire l’hypothèse que celui-ci était en quête d’un savoir sur l’homme divers et unitaire : il s’agira, dans cette journée d’études, d’en comprendre la singularité tout autant que les relations complexes avec les sciences humaines et sociales au sens que ces expressions ont de nos jours.
Comment travailler sur des sujets "difficiles" ; quelle attitude
peut-on adopter face à des fausses sciences, des théories discriminantes
ou des objets a priori rebutants. Comment organiser les recherches, comment
en rendre compte ? L'objectivité est-elle la solution ? Comment la définir
sur ces questions ? Quel regard la communauté savante porte-t-elle sur
ces objets.
Nous débattrons de ces questions après deux réflexions
préparées par nos collègues :
- Olivier Le Cour Grandmaison (Université d'Evry) : "
L'écriture dans la littérature mémoriale sur la déportation".
- Jean-Pierre Peter (EHESS) : "Items et tabous, terrains minés-comment
les dire ? De l'historien comme symptôme vigile"
Pour tout renseignement, contacter Claude Gautier (gac@wanadoo.fr) ou
Marc Renneville (renneville@soleil.org)
Certains de ces colloques ont fait l'objet d'une publication