N° 14 - Mai 1997

Faire l'histoire des sciences de l'homme

Un Colloque des dix ans pouvait se contenter de clore une décennie. Celui-ci en ouvre une nouvelle. Le parti était pris d'une approche transdisciplinaire organisée autour de cinq questions capables de mettre en tension notre pratique d'une histoire des sciences de l'homme:

« Pour situer les savoirs spécialisés, un colloque généraliste et des problématiques transversales. Pour appréhender le présent, des mises en perspective remontant en-deçà de la période d'institutionnalisation des sciences. Pour interroger l'unité et la variété des démarches, une confrontation des objets d?étude ou des trajectoires intellectuelles propres au divers pays européens. Pour repérer les enjeux, une enquête réflexive sur les savoirs, mais aussi sur le concept de science, sur les pratiques de ceux qui font l?histoire, et sur les conceptions de l?homme et de la société impliquées par les sciences et leur(s) histoire(s).

Quelle valeur attribuer aux périodisations et à l?idée même d?une unité de l?homme ou de leurs annales ? Quels sont les usages institutionnels et politiques de cette historiographie ? Selon quels critères examiner les tendances épistémologiques actuelles en sciences sociales ? Que penser des transformations de ces configurations par lesquelles on distingue - selon l?époque - les sciences de la religion, de la morale, de la politique ou de l? éthique » ? En quoi analyses et problèmes diffèrent-ils selon les traditions nationales ? », suivant les termes de Laurent Loty.

Chacune des demi-journées organisées autour de ces questions vives a réuni de cinquante à cent participants. Une organisation complexe proposait conférences et table rondes, soit, alternant avec la bonne vingtaine d?exposés programmés - présentation des enjeux, conférence, témoignage, étude de cas, bilan ou analyse -, les interventions des nombreux « invités » des tables rondes et les réactions des « discutants ».

Un ouvrage reprendra bientôt sinon les actes, du moins la substance et l?esprit de ce colloque dialogique. Nous en retiendrons ici le ton : ouverture du débat et exigence critique.

La vive circulation de la parole et des idées a signalé la cohésion d?un groupe forgé par une décennie de rencontres sporadiques et la cohérence d?une communauté de recherche orientée par l'horizon critique, non normatif, d?une histoire des sciences de l?homme. Quels que soient les intérêts propres des uns et des autres et les divisions imaginaires dans lesquelles ils se situent par rapport à leur discipline d'origine ou par rapport aux oppositions classiques - dedans/dehors ; histoire/épistémologie ou, posture longuement mise en scène durant les séances : story/history des sciences... - ce colloque a fait la preuve d'une identité : « tous des hybrides », selon des mots de conclusion de Claire Salomon-Bayet.

Après ce premier débat collectif de la SFHSH, « Faire l?histoire des sciences de l?homme » reste un défi, si l?on accepte ensemble la responsabilité d?un discours situé en marge des disciplines institutionnalisées et la conscience de la problématique unité de ce qui pourrait par ailleurs - mais est-ce souhaitable ? - se cristalliser en un champ disciplinaire.

Marie-Claire Robic