N° 16 - Mai 1998

Le Bicentenaire de la naissance d'Auguste Comte

Bicentenaire de la naissance d'Auguste Comte (1798-1857), colloque international organisé par l'Association pour le Bicentenaire d'Auguste Comte avec, entre autres, le soutien honoraire de la SFHSH, Montpellier-Paris, 11-16 mai 1998.

La commémoration du bicentenaire de la naissance d'Auguste Comte a été récemment l'occasion d'un important colloque international. Il s'est tenu d'abord à Montpellier, la ville qui a vu naître et grandir le futur philosophe, du lundi 11 au mercredi 13 mai ; puis du jeudi 14 au samedi 16 mai, à Paris, sa ville d d'adoption. Ainsi, pendant toute une semaine, tous ceux qui s'intéressent à l'oeuvre d'une des plus grandes figures de la philosophie française ont pu en approfondir et réactualiser la connaissance.

De nombreux soutiens ont été donnés à ces manifestations, initiées au sein de l'Association internationale de la Maison d'Auguste Comte et par l'Université de Montpellier III. Une Association du Bicentenaire d'Auguste Comte ayant alors été constituée, divers organismes, et des plus prestigieux, ont apporté leur aide ? Bibliothèque nationale, Maison des sciences de l'homme, École des hautes études en sciences sociales, Société des amis de la bibliothèque de l'École polytechnique ?, instances nationales ? ministères de la culture, de l'éducation, des affaires étrangères, ? et locales ? ville de Montpellier, département de l'Hérault, région Languedoc-Roussillon. D'autres sociétés, telles que la Société française de philosophie, l'Association des sociétés de philosophie de langue française et la Société pour l'histoire des sciences de l'homme ont accordé leur soutien honoraire.

Lors de ces rencontres, il s'agissait non seulement de faire le point, avec les meilleurs spécialistes, sur les travaux consacrés à l'?uvre de Comte, mais aussi d'inviter à la repenser en fonction du monde dans lequel elle s'est développée, et de s'interroger sur l'intérêt qu'elle peut encore avoir aujourd'hui. Les approches et les débats étaient donc très ouverts, et la variété d'origine, disciplinaire et géographique, des conférenciers y a beaucoup contribué. Historiens, philosophes, littéraires et sociologues ont ainsi confronté et enrichi leurs approches ; et les chercheurs européens, venus d'Italie (3), d'Allemagne (2), de Grande-Bretagne (2), de Belgique, du Pays-Bas... ont retrouvé leurs homologues lointains des USA (2), du Brésil (2), du Japon...

A Montpellier, le colloque a eu lieu au Palais des Congrès, le « Corum » ? c?ur et forum de la ville. Le thème choisi, Le temps d'Auguste Comte, était décidément multidisciplinaire. Le portrait d'époque de Montpellier et du Languedoc a été illustré de témoignages littéraires savoureux. Quant au monde intellectuel qui, en ces temps post-révolutionnaires était en pleine effervescence, les analyses conjuguées de plusieurs conférenciers sont parvenues à en ordonner les grands traits : foisonnement des philosophies, héritages complexes des Lumières, de l'Idéologie, de la philosophie allemande aussitôt repensée, efforts de renouveau du spiritualisme traditionnel, essais de « socialismes » aux filiations entremêlées... ; côté sciences et techniques, révolutions, promesses d'avenir radieux, militantisme vulgarisateur ; essor aussi des sciences de l'homme, qui repensent l'anthropologie aux frontières de la biologie, de la sociologie, de l'histoire, etc. ; engouement pour l'histoire, celle dont on hérite et qu'on veut clarifier, celle que l'on veut écrire et dont on repense les modalités et les exigences, et celle que l'on prétend faire et qui guide les engagements politiques ; enfin, le public montpellierain a eu le plaisir de découvrir dans la littérature des formes inattendues de thèmes comtiens ou positivistes, dont certaines ?uvres de Balzac et d'Hugo usent abondamment.

La seconde partie du colloque, Auguste Comte, science et politique s'est déroulée à Paris, à la Bibliothèque nationale. Celle-ci abrite maintenant tous les manuscrits de Comte : leur histoire, leur classement, leurs richesses ? et quelques manques ? ont été judicieusement rappelés. Le premier ensemble de communications a renoué les différents fils et scandé les étapes de l'?uvre comtienne : une ?uvre plongée dans l'histoire, et qui a une histoire aux aspects inégalement connus. Il a beaucoup été question alors des sens multiples donnés aux termes « positif », « positivisme », et de leurs très étonnants réinvestissements. Est apparue clairement la nécessité de repérer tant d'équivoques accumulées, et de s'interroger sur les cheminements qui ont parfois abouti à employer les mots inventés par Comte pour désigner le contraire même de ce qu'il défendait. Par ailleurs, les complexités propres à l'?uvre comtienne ont été relevées et précisées en différents domaines : tant dans les sciences de la nature que dans les sciences de la vie, mais encore dans les propos méthodologiques ? rôle de l'observation, des hypothèses, place de l'empirisme, conception de la rationalité, etc. L'analyse des postérités concurrentes ainsi que des débats et controverses épistémologiques suscités, a permis de souligner combien l'?uvre comtienne a été féconde, stimulant les discussions. Le colloque parisien a également offert un vaste tour d'horizon sur l'exportation du positivisme dans quelques pays d'Europe et d'Amérique latine : l'étude comparée des réceptions et applications a bien montré l'importance des enjeux politiques imbriqués aux allégeances scientifiques. Les conceptions du rôle social de la science et de la sociologie ont été aussi abordées dans la diachronie : des saint-simoniens à la sociologie durkheimienne.

Le public de ce double Colloque du Bicentenaire a été nombreux. Et ce, malgré la concurrence des commémorations : celles de 68 ont obligé les participants de Montpellier à se résoudre au pont aérien entre les deux colloques, et d'autres anniversaires révolutionnaires étaient célébrés à Paris. De plus, le public ne fut pas seulement présent, mais intervenant, manifestant ainsi pour l'?uvre de Comte et ses suites un intérêt instruit et renouvelé.

Les échanges ont été fructueux, et la nouvelle visibilité donnée ainsi à l'occasion du Bicentenaire de la naissance d'Auguste Comte, aux réflexions sur la philosophie et sur le ou plutôt les positivismes, appelle à d'autres rencontres et confrontations.

Annie Petit