Congrès 2005

XIe journées annuelles
Milan 2005

Écriture et mémoire dans les carnets du laboratoire médico-biologique (XVIIe-XIXe siècles)
Colloque préliminaire – Milan, printemps 2005

L’historiographie récente a étudié de plusieurs façons le "carnet de laboratoire" en tant que forme particulière de l’écriture scientifique. Elle en a analysé les rapports avec des produits différents de la communication, ainsi que les problèmes spécifiques que son édition entraîne. Aujourd’hui on accepte largement le fait de considérer les journaux d’observations et d’expériences comme des instruments importants pour une compréhension des parcours intellectuels, de la stratification des théories, de la méthode et de tout ce qui a rapport à la dimension opérationnelle et active de la science moderne. L’ambition de ces journées d’étude est en particulier d’attirer l’attention sur les carnets de sciences de la vie, pour en souligner les spécificités ou les convergences éventuelles avec d’autres secteurs de recherche. Naturellement, il n’est pas question de considérer d’une façon naïve le carnet comme un ‘point zéro’ en mesure de fournir aux historiens les matériaux ‘intacts’ et déformés ensuite par les productions successives. Une modélisation y existe déjà et elle suppose préalablement un accord parmi les scientifiques sur les opérations et les jugements.

La position du carnet, qui apparaît comme la première étape dans la chronologie de l’écriture scientifique, révèle en fait une différence de degré dans la conquête de la généralisation qui transforme les gestes en expérience. La transformation de la contingence des événements particuliers en la nécessité des soi-disant processus naturels (que l’on construit de fait en laboratoire), commence dans le contexte de l’expérience individuelle et se poursuit au niveau de l’expérience partagée, où généralisation, argumentation et critique sont requises. C’est durant cet itinéraire que la fantasmagorie des phénomènes concrets se transforme en collection de faits conformes à la règle, désormais séparables de l’artifice dont en réalité ils dérivent, c’est-à-dire qu’ils ne sont plus causés par le scientifique, mais (et grâce à l’évanouissement du parcours véritable) par la nature elle-même.

Depuis longtemps on a vaincu la tentation banale d’étudier les notes pour ‘prendre en faute’ le scientifique, et ‘l’épier’ quand il n’organise pas son texte d’après l’ordre des ‘faits’, mais qu’il agence variablement ses protocoles et en fait des procédures logiques soutenables, en tant que détachées de la première activité en laboratoire. Puisqu’il est évident que le professionnel ne copie pas ses notes dans les mémoires rédigés pour l’impression, il s’agit de comprendre comment l’écriture ‘publique’ accomplit cette œuvre de purification de la contingence. La conception même des protocoles et des procédures est déjà construction au sens baconien du mot, c’est-à-dire de la logique en action. Les opérations que l’on note dans les carnets de laboratoire peuvent être elles-mêmes des stratégies pour convaincre et se convaincre, avec lesquelles l’écriture entretient à tout niveau des relations de clarification et de projet. Le scientifique écrit pendant le travail, son compte-rendu l’oblige à la modélisation du parcours de ses expériences et l’écriture guide ou même rend possible un certain développement de l’enquête, puisqu’elle définit et redéfinit objectifs, limites et signification de la recherche. Il n’existe certainement pas de ‘virginité’ de l’observation que les raisons de la narration corrompent ensuite: cela pourrait être soutenu seulement en s’imaginant que la science ‘vraie’ est dans l’esprit (ou dans l’activité) du scientifique avant qu’il commence à la ‘traduire’ sur le papier et par le langage.

Il faut donc concevoir l’écriture comme passé et comme présent, à savoir comme la mémoire de la recherche (ce qui est naturellement plus banal), mais aussi (et peut-être surtout) comme sa partie intégrante. Si dans la première situation elle est programme et choix, à plus forte raison en tant que véhicule pour la communication des idées et des pratiques elle n’est jamais sténographie, mais formalisation de la méthode et des procédures. Qu’elle soit employée pour communiquer à autrui ou à nous-mêmes, l’écriture ‘touche’ l’auteur et le modifie autant que sa pratique concrète.

Les exposés de ces journées d’étude analyseront les carnets et les problèmes qu’ils posent du point de vue de l’histoire et de la philosophie. La compréhension historique et épistémologique sera la base de réflexion critique pour aborder la mise au point de modèles d’édition. La tâche de l’éditeur est en effet de ‘renverser’ l’itinéraire du scientifique. L’éditeur établit la forme dernière et définitive du texte, mais il visualise aussi la stratification de l’écriture et donc de la recherche. Il rend visible ce que l’auteur a caché et réalise cette récupération de visibilité de façon adéquate par rapport aux raisons et aux formes de l’invisibilité que l’auteur a choisies et pratiquées. Le programme du colloque donnera un tableau significatif de projets d’édition qui partagent variablement ces idées et sont consacrés à des auteurs ou des sujets appartenant au domaine des sciences de la vie. On essayera de discuter si et pourquoi les critères d’édition du texte scientifique n’adhèrent pas à des modèles préfabriqués et comment, au contraire, ils sont requis par le texte lui-même, c’est-à-dire par l’interaction de raisons d’opportunité, de méthode et de théorie, agissant de l’intérieur en se nouant et se renforçant sous l’effet des subtilités de la rhétorique.

Maria Teresa Monti
(ISPF – CNR, Milano)

Programme provisoire

Colloque – Milan, 17-18 mars 2005

Dipartimento di Biologia (Università degli Studi di Milano)
Edizione Nazionale delle Opere di Antonio Vallisneri (Milano)
Istituto per la Storia del Pensiero Filosofico e Scientifico Moderno  (CNR – Milano)
Société d’Histoire et Épistémologie des Sciences de la Vie

Écriture et mémoire dans les carnets du laboratoire médico-biologique (XVIIe-XIXe siècles)

Università degli Studi
Dipartimento di Biologia Orto Botanico
"Cascina Rosa"
via Golgi
20133 Milano

avec le patronage de :

  • Dipartimento di Biologia (Università degli Studi di Milano)
  • Dipartimento di Filosofia (Università degli Studi di Milano)
  • Edizione Nazionale delle Opere di Antonio Vallisneri (Milano)
17 mars 2005 - 9h30

Marino Buscaglia
(Université de Genève)

Le journal d’expérience aujourd’hui

Dario Generali
(Université de Trento)

Scrittura, narrazione e memoria scientifica nei Quaderni e nei Giornali di Antonio Vallisneri
Hubert Steinke
(Université de Berne)
Experiment and theory in Haller’s laboratory notebooks on irritability and sensibility (1751-1752)
17 mars 2005 - 14h30
Maria Ferrucci
(Université de Florence)
“La mano ristette...”: strategie del candore nei giornali delle infusioni di Spallanzani
Marc J. Ratcliff
(Université de Genève)
Microgenèses de la découverte dans les cahiers de laboratoire de Horace-Bénédict de Saussure
Maria Teresa Monti
(ISPF – CNR, Milan)
Espaces d’écriture et plan de recherche chez Bonaventura Corti. Le cas du ‘Giornale degli animaluzzi’
Céline Cherici
(Paris VII REHSEIS)
Le rôle fondateur des carnets d’observations sur la pensée médicale de Vincenzo Malacarne
18 mars 2005 - 9h30
Marco Piccolino
(Université de Ferrara)
“The taming of the ray” and the “purloined manuscript”: electric fish research in the Enlightenment from John Walsh to Alessandro Volta
Marco Bresadola
(Université de Ferrara)
Note di laboratorio e percorsi investigativi: il caso di Luigi Galvani
Ohad Parnes
(Max Plank Gesellschaft, Berlin)
Taking notes of life : Theodor Schwann (1810-1882) and Peter Medawar (1915-1987)
 
Congrès de la Société d’Histoire et d’Epistémologie des Sciences de la vie
Vendredi 1
8 mars 2005
14h00 Armelle Debru (Université Paris V) Aux origines de la pensée du mouvement
14h30 Cristina Dessi (Université de Cagliari) Jean Riolan et la défense de la "methodus medendi" de Galien
15h00 Fiorella Lopiccoli (Université de Bari) Nicolas de Blegny (1652-1722), chirurgien du roi : l’usage du quinquina dans le traitement des fièvres au XVIIe siècle
15h30 Pause
15h45 Claude Debru (ENS, Rue d’Ulm, Paris) Structure, fonction, évolution : sur les variations fonctionnelles des hémoglobines
16h15 Christian et Renée Bange (Université Lyon I) Les archives scientifiques de Raphaël Dubois
16h45 Jean-Louis Fischer (Centre Koyré, Paris) Les cahiers de laboratoire des années 1935-1937 d'Etienne Wolff - Tératologie et sexualité
17h15 Pause
17h30 Assemblée générale
Samedi 19 mars 2005
9h00 Daniel Becquemont (Université Lille III) Charles Darwin et Samuel Butler : controverses et divergences
9h30 Thierry Hocquet (Université Paris X) Faits et instruments selon l’Introduction à la médecine expérimentale de Claude Bernard
10h00 Laurent Loison (Université de Nantes) Le transformisme expérimental de Julien Costantin
10h30 Pause
10h45 Sylvène Renoud (Université de Nantes) La Renaissance des images naturalistes
11h15 Stéphane Tirard (Université de Nantes) L’observation de la vie suspendue chez les animaux sans vertèbres au XVIIIème siècle
12h15 Fin des travaux
Résumés des interventions
Christian et Renée Bange
Les archives scientifiques de Raphaël Dubois

Raphaël Dubois (1848-1929), médecin et pharmacien, fit ses premières armes comme préparateur de Paul Bert. Tout en aidant son maître dans ses recherches sur l'anesthésie, Dubois entreprit une recherche très originale sur la production de lumière chez les insectes lumineux et démontra en 1885 que ceci est dû à la réaction de deux substances, d'une part la luciférine, qui sert de substrat, et d'autre part la luciférase, de nature enzymatique. Cette réaction est aujourd'hui employée dans tous les laboratoires du monde pour le dosage de l'acide adénosine-triphosphorique (ATP). Nommé à Lyon en 1886 dans la chaire de Physiologie, il réussit à créer, grâce à la générosité de Michel Pacha, un laboratoire universitaire de Biologie marine à Tamaris sur Mer près de Toulon (département du Var), ce qui lui permit de poursuivre activement ses recherches sur la biophotogenèse, principalement chez les animaux marins. S'il consacra à ce thème de recherches plus de 300 publications, il ne négligea pas pour autant d'autres domaines de la physiologie générale, tels que l'anesthésie, la thermogénèse, et bien d'autres encore, réussissant à poursuivre, littéralement jusqu'à la veille de sa mort, des recherches expérimentales sur les sujets les plus variés. Les papiers de Raphaël Dubois actuellement conservés à l’Institut Michel Pacha à Tamaris-sur-Mer, laboratoire maritime de physiologie dont il fut le créateur et le premier directeur de 1892 à 1924, sont à peu près exclusivement de nature scientifique. Ils se rapportent aux recherches, à l’enseignement, aux activités de vulgarisation scientifique du savant, ainsi qu’à ses responsabilités administratives, à l’exclusion de tout document domestique ou privé. Contenus dans quarante-cinq boites d'archives, ils sont constitués par des dossiers confectionnés par Raphaël Dubois sur les thèmes qui l’ont intéressé tout au long de sa longue et fructueuse carrière (Dubois publia 6 ouvrages et plus de 500 notes, mémoires et articles) : la bioluminescence, la thermogenèse, mais aussi le comportement animal, la production de la soie, celle de la nacre et des perles par les organismes marins, l’influence exercée par les facteurs du milieu ambiant sur les êtres vivants ; ce dernier thème l’entraînera à étudier la guerre comme un phénomène relevant d’un déterminisme de type biologique susceptible de donner lieu à des travaux expérimentaux. Dans ces dossiers, qui ne nous sont pas parvenus au complet ni sous leur forme initiale, Dubois a réuni des listes bibliographiques, des tirés à part d’articles scientifiques aussi bien que des coupures de presse, des traductions, des plans d’ouvrages, des brouillons et des manuscrits d’articles ou de conférences, des extraits de cahiers d’observations et d’expériences, des enregistrements graphiques, des photographies, aquarelles et dessins originaux, et parfois de la correspondance. On y trouve également des notes de cours et des fiches utilisées pour des conférences. Bien que l'étude de ces documents ne fasse apparaître que très exceptionnellement des données scientifiques qui seraient demeurées inédites, elle n'en éclaire pas moins quelques aspects mal connus du personnage. Ainsi, certaines lettres échappées au naufrage presque total de sa correspondance montrent Dubois soucieux de faire reconnaître l'antériorité de ses recherches relatives aux mitochondries, qu'il avait dénommées vacuolides et dont il avait caractérisé quelques unes de leurs fonctions au sein de la cellule. Les brouillons manuscrits d'un ouvrage demeuré inédit confirment le désir lancinant du savant d'élaborer une explication biologique de la guerre, en vue de la prévenir. Enfin, divers textes permettent de mieux situer la pensée presque vitaliste de Dubois, alors même que, parfaitement agnostique, il cherchait à réduire à leurs éléments biochimiques et à reproduire in vitro des phénomènes physiologiques particulièrement complexes.

Daniel Becquemont
Charles Darwin et Samuel Butler : controverses et divergences

Le critique le plus percutant de L’Origine des Espèces de Charles Darwin fut sans doute l’essayiste catholique St George Mivart, qui, dans son ouvrage The Genesis of Species, sut jouer fort habilement des contradictions accumulées au fil des diverses éditions de L’Origine des espèces, de 1859 à 1872 en particulier sur la nature et la cause des variations et l’importance même accordée par Darwin à la sélection naturelle. L’écrivain Samuel Butler, à la lecture de cet ouvrage, renonça à son adhésion à la théorie de Darwin pour se retourner vers des théories plus générales de l’évolution, Lamarck, Erasmus Darwin, et même Buffon. L’essentiel de son hostilité se dirigea alors contre la théorie darwinienne, qu’il estimait non orientée, livrée au hasard, dépourvue de finalité. Il avança alors une théorie de l’évolution finalisée, basée sur une sorte d’élan vital portant les espèces vers un progrès continu, une évolution finalisée où n’entrait pas le moindre hasard, évolution rendue possible par l’hérédité des caractères acquis, l’hérédité étant conçue sur le modèle de Hering comme une forme de mémoire. Il consacra quatre ouvrages (1879-86) à développer ses théories et à se justifier. Il tenta de confronter ses théories avec celles de Charles Darwin, mais la publication par ce dernier d’une biographie de son grand père Erasmus Darwin – lui-même évolutionniste convaincu – provoqua entre les deux hommes un malentendu profond, et une suite de polémiques où l’agressivité de Butler envers Darwin ne fit que croître jusqu’au décès de ce dernier

Armelle Debru
Aux origines de la pensée du mouvement

La notion de mouvement se présente dans l’Antiquité dans deux traditions, qui se rejoindront dans les recherches physiologiques des Alexandrins et de Galien. L’une est la description du mouvement : guerriers en action dans l’Iliade, courses etc. Efficace, valorisé et beau : la sculpture apprend peu à peu à le saisir. L’autre tradition, plus large, est philosophique : l’âme est mouvement, toute passion est un mouvement etc. Aristote cherche dans le corps le moteur immobile du mouvement, l’inscrit dans une finalité, esquisse ses moyens. A partir de là, nous suivrons quelques uns des apports de la physiologie antique pour unifier ce champ, élucider les instruments du mouvement et résoudre plus généralement la question de la motricité.

Claude Debru
Structure, fonction, évolution : sur les variations fonctionnelles des hémoglobines

Les hémoglobines sont très largement répandues dans la nature, chez les unicellulaires, les plantes et les animaux. Pendant environ un siècle, du milieu du dix-neuvième au milieu du vingtième siècle, de la biochimie à la biologie moléculaire, les hémoglobines ont constitué le modèle principal pour l’établissement de la structure des protéines et ont donné lieu à la célèbre conceptualisation allostérique. Les études plus récentes, la découverte de la capacité de fixation du monoxyde d’azote, les études comparées des séquences protéiques, celles des génomes, ont apporté dans la discussion des relations structure-fonction des hémoglobines des données qui renouvellent profondément le tableau. La multiplicité des fonctions qui ont été portées par ces structures est inattendue : protection contre des effets toxiques, facilitation du métabolisme azoté, sonde à oxygène, fonctions enzymatiques diverses, accepteur d’électrons dans la chaîne respiratoire, etc. Un même modèle structural peut être ainsi le porteur de fonctions très diverses, ce qui montre la pertinence de l’idée de bricolage évolutif proposée par François Jacob. Cf Henri Wajcman et Laurent Kiger, C.R. Biologies, 325 (2002) 1159-1174.

Cristina Dessi (Université de Cagliari, Italie)
Jean Riolan et la défense de la "methodus medendi" de Galien

Dans ses Curieuses Recherches sur les Escholes en Medecine de Paris et de Montpelier(1651), l’anatomiste Jean Riolan saisit l’occasion pour présenter l’organisation des études, les lignes directrices de l’usage clinique et des modalités dans la thérapeutique de la Faculté de Médecine de Paris. Dans le livre, publié pour rejeter les privilèges que le médecin de Montpellier Théophraste Renaudot avait obtenus dans la capitale, Jean Riolan raconte l’histoire de la Faculté parisienne, et soulignant mérites et privilèges des rois et des papes, il revendique pour son école la primauté dans les études médicales en France. Il fait une défense passionnée de la tradition de l’enseignement de l’école de Paris en réponse aux critiques que plusieurs formulaient contre les pratiques des soins les plus courantes utilisées par les médecins de la Faculté. Jean Riolan, adversaire infatigable de Harvey, n’acceptait qu’en partie la thèse de la circulation du sang ; il ne l’acceptait qu’à condition qu’une telle thèse ne puisse pas changer la methodus medendi de Galien, c’est-à-dire l’administration des purgatifs et des saignées, mais il combattait aussi contre l’usage de remèdes chimiques, surtout le vin émetique ou antimoine. Les idées de Riolan peuvent bien stigmatiser les obstacles d’un des galenistes les plus représentatifs au succès des nouvelles doctrines et des nouvelles pratiques thérapeutiques en médecine au dix-septième siècle.

Jean-Louis Fischer
Les cahiers de laboratoire des années 1935-1937 d'Etienne Wolff - Tératologie et sexualité

Nous devons à Etienne Wolff, pendant ces années 1935-1937, deux ouvertures fondamentales dans l'exploitations des méthodes en embryologie et tératologie expérimentales : celle de la mise en place d'une tératogenèse qui conduit vers une explication de l'embryogenèse des principales formes tératologiques par l'application d'une méthode expérimentale directe sur l'embryon de poulet ; et celle de la découverte du pouvoir morphogène des hormones sexuelles par la technique des micros injections également chez l'embryon de poulet. Présentation de ses cahiers de laboratoire concernant cette période et réflexions sur leur contenu et une extrapolation à l'embryologie humaine.

Thierry Hocquet
Faits et instruments selon l’Introduction à la médecine expérimentale de Claude Bernard

L’idée que les faits ont à être fabriqués, qu’ils sont dépendants de nos instruments, que le scientifique lui-même approche l’observation avec une idée préconçue, la succession historique des théories scientifiques— tous ces points semblent constituer un bréviaire de scepticisme et insinuer le relativisme le plus radical sur la nature de la science. Pourtant, ces points ne suffisent pas à saper les fondements de la science. Ils sont d’ailleurs entièrement développés et intégrés dans la méthodologie de Claude Bernard. Celui-ci conserve la foi en la science et en son progrès, en dépit de tous les caractères relatifs qui caractérisent les théories scientifiques. La position de Claude Bernard dans l’Introduction à la médecine expérimentale est la suivante : que les théories passent mais le principe fondamental du déterminisme reste. C’est ce déterminisme qui est pour lui l’objet principal de la recherche scientifique—le principe même que le scientifique ne doit jamais lâcher dans son enquête.

Laurent Loison
Le transformisme expérimental de Julien Costantin

Julien Costantin (1857-1936) fut un des botanistes français les plus en vue de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle. Ses travaux, notamment dans le domaine de la mycologie, furent unanimement reconnus (sa « flore » des champignons sera rééditée jusqu’à la fin des années 1960). Il fut aussi, en tant que néolamarckien, un des principaux protagonistes du débat qui agita la biologie entre 1859 et les années 1930, et qui portait sur les modalités de l’évolution organique. Sa position est tout à fait particulière en ce qu’elle trouve son origine et sa justification dans une étude expérimentale de la transformation des végétaux. A l’aide de la présentation de quelques unes de ces expérimentations, nous voulons souligner qu’une posture néolamarckienne pouvait aussi, au XIXème siècle, s’appuyer sur des résultats d’expérience.

Fiorella Lopiccoli
Nicolas de Blegny (1652-1722), chirurgien du roi : l’usage du quinquina dans le traitement des fièvres au XVIIe siècle.

Emportée du Pérou en Europe par les Jésuites, l’écorce du quinquina est utilisée au XVIIe siècle en médecine pour guérir les fièvres, surtout les intermittentes. Nicolas de Blegny, qui a été un des chirurgiens de la famille royale de 1678 jusqu'à l’année 1693, en étudiant ce nouveau médicament, publie Le remède anglois pour la guérison des fièvres. Dans cet ouvrage De Blegny décrit les caractéristiques naturelles du quinquina, et son efficacité thérapeutique, dont il veut rechercher les causes; en plus il mentionne aussi plusieurs auteurs de son époque, et en particulier l’anatomiste et physiologiste anglais Thomas Willis et le chimiste Nicolas Lémery. Il faut se rappeler encore que Nicolas de Blegny a été le fondateur du premier journal médical, "Les nouvelles descouvertes sur toutes les parties de la médecine ", et d’une Académie de savants, à imitation de celle de l’abbé Bourdelot (1610-1685), dont il a été un des amis. Bien que les biographies, autant de son époque que les contemporaines, visent à souligner son caractère d’aventurier, ce chirurgien a de toute façon écrit plusieurs ouvrages, qui se rapportent à l’exercice pratique de la médecine et de la chirurgie, et dont on peut par exemple citer: L’Art de guérir les maladies vénériennes (1673) ; L’Art de guérir les hernies (1676) ; La doctrine des rapports de chirurgie(1684), en plus de Le bon usage du thé, du café et du chocolat pour la préservation et la guérison des maladies (1687).

Sylvène Renoud
La Renaissance des images naturalistes

A la renaissance, avec l’apparition des ouvrages imprimés, les publications naturalistes sont d’abord des rééditions de textes de l’Antiquité, avant qu’ait lieu une véritable explosion de nouvelles publications, tant en botanique qu’en zoologie. Les images occupent une place importante dans ces nouveaux travaux naturalistes. Ces figures évoluent alors rapidement depuis les illustrations héritées des manuscrits jusqu’aux nouvelles images descriptives et innovantes. Par ailleurs, leur caractère reproductible influence aussi leur style et leur fonction. Comment les naturalistes de la Renaissance investissent-ils ce nouveau média mis à leur disposition par l’imprimerie ? Comment les images deviennent-elles indispensables ? C’est toute la relation entre l’image et le texte naturaliste qui prend naissance à la Renaissance, et ne cessera de se développer par la suite.

Stéphane Tirard
L’observation de la vie suspendue chez les animaux sans vertèbres au XVIIIème siècle

Au XVIIIème siècle, la vie suspendue de certains animaux sans vertèbres, tels que les rotifères, les tardigrades et les « anguilles », fit l’objet d’une étude approfondie de la part de Spallanzani, dans ses « Observations et expériences sur quelques animaux surprenans que l’observateur peut à son gré faire passer de la mort à la vie », in Opuscules de physique animale et végétale (1787). Loin d’être considérées comme de simples curiosités zoologiques les particularités de ces animaux suscitèrent de nombreuses réflexions et alimentèrent un débat auquel prirent part, notamment, Bonnet et Needham. Cette intervention se propose donc, après une présentation des faits zoologiques tels qu’ils furent envisagés par Spallanzani au travers de ses observations et expérimentations, d’analyser les termes de ce débat qui prit en compte cette notion de vie latente et au cours duquel les auteurs se sont attachés à discerner sa signification au regard des problématiques les plus fondamentales concernant le vivant.