L'image pédagogique, innovation
de la dermatologie au XIXe siècle

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A la même époque, à Saint-Louis, Alibert (1768-1837) simplifie le langage de la dermatologie en comparant les maladies avec des objets, animaux et végétaux facilitant ainsi la mémorisation des descriptions. Il comprend toutefois lui-aussi que le texte ne suffit pas. Il faut non seulement décrire la maladie et raconter l’histoire du malade, mais aussi montrer la maladie et le malade en tant qu'individu avec des expressions du visage, parfois des vêtements :

Erysipèle simple. Alibert JL, Monographie des dermatoses ou précis théorique et pratique des maladies de la peau, Paris, Daynac, 1832, p 34-36.

« Les dégoûts, les nausées, l'amertume de la langue, des anxiétés, des inquiétudes vagues, des céphalalgies, un penchant à la somnolence, souvent une toux nerveuse et convulsive, une chaleur intérieure et qui accable le malade, un pouls fréquent dur et élevé, le vertige, et quelquefois un léger délire, etc, se déclarent. (…) La partie affectée prend la couleur d'un rouge citronnée. La peau est lisse et luisante ; si on la comprime avec le doigt, on fait disparaître la rougeur qui ne tarde à se montrer de nouveau. Les malades éprouvent une sensation cuisante qu'ils comparent à celle d'une vive brûlure ; mais après quelque temps, cette sensation se change en un prurit, qui annonce de déclin de l'érysipèle. (…) Dans tous les temps on a proclamé les érysipèles qui surviennent à la tête comme plus graves et plus dangereux parce qu'ils peuvent se transmettre et se propager jusqu'aux enveloppes de l'organe encéphalique.»

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Varicelle pustuleuse. Alibert JL, Monographie des dermatoses ou précis théorique et pratique des maladies de la peau, Paris, Daynac, 1832, p 213-214.

«Voici comment elle se dessine : elle débute par de légers points rouges épars ça et là sur le tégument, lesquels se changent en élevures vésiculeuses contenant un fluide séreux qui est d'abord blanc puis d'un jaune paille. Quand ces vésicules sont dans leur plein état, elles sont entourées d'une aréole légèrement enflammée ; le quatrième jour, elles se vident et se rident ; la lymphe a acquis de l'opacité et , le cinquième, on aperçoit la croûte qui s'est formée au centre des vésicules. Le sixième jour, cette croûte est devenue d'un brun foncé, par le contact de l'air atmosphérique. Le septième jour la desquamation s'opère ; on voit se détacher de la peau de petites écailles d'un gris noirâtre : la peau reste maculée pendant quelques semaines. (…) Les enfans (sic) conservent, pour la plupart, leur gaieté et leur appétit. (…) La varicelle pustuleuse entraîne des symptômes plus graves (…) attaque parfois les adultes. (…) L'éruption est très considérable surtout à la région dorsale. (…) Quelques-unes de ces pustules laissent, rarement, à la vérité, des cicatrices indélébiles sur le tégument. »

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Rougeole normale. Alibert JL, Monographie des dermatoses ou précis théorique et pratique des maladies de la peau, Paris, Daynac, 1832, p 226-227.

«La rougeole s’annonce comme les autres exanthèmes aigus, par des frissons légers qui alternent avec des bouffées de chaleur. (…) les yeux rouges et larmoyants sont affectés d'un sentiment d'ardeur. (…) L'éruption éclate du troisième au quatrième jour. (…) On aperçoit d'abord plusieurs points ou petites taches rouges (…) Les yeux, les bords du nez, le pourtour des lèvres sont premièrement envahis. L'exanthème continue de propager le long du cou. (…) Les auteurs ont parfaitement décrit ces taches dont la plupart sont figurées comme de petits croissans (sic).»

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Scarlatine normale. Alibert JL, Monographie des dermatoses ou précis théorique et pratique des maladies de la peau, Paris, Daynac, 1832, p 235-237.

« Une douleur de la tête plus ou moins intense, le pouls fébrile, la coloration vive du derme qu'on a justement comparée à celle d'une écrevisse bouillie ; une gêne particulière dans l'exercice de la déglutition, une furfuration épidermique plus ou moins abondante, voilà les phénomènes spéciaux de la scarlatine ordinaire. (…) Le médecin qui a longuement exercé ses sens pour la perfection de son diagnostic ne saurait s'approcher d'un scarlatineux sans avoir l'odorat frappé d'une exhalaison aigre et fétide qui rappelle celle de certains fromages arrivés à leur premier degré de corruption.»

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Erysipèle simple. Varicelle pustuleuse. Rougeole normale. Scarlatine normale.

Varus goutte-rose (couperose). Alibert JL, Monographie des dermatoses ou précis théorique et pratique des maladies de la peau, Paris, Daynac, 1832, p 374

« Cette espèce est ainsi désignée par les auteurs à cause de la couleur rosée qu'elle imprime constamment à la peau de la face ; elle attaque principalement les joues, les pommettes, le nez, le front etc. Comme elle n'entraîne à sa suite ni grand danger ni grandes souffrances, il est des personnes qui, par habitude, par incurie ou par paresse, consente à garder toute leur vie cette dégoûtante infirmité, sans jamais s'inquiéter de la guérir. Elle se compose de pustules remarquables par l'aréole rouge qui les entoure.»

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Mycosis fongoïde. Alibert JL, Monographie des dermatoses ou précis théorique et pratique des maladies de la peau, Paris, Daynac, 1832, p 274

« Nous avons vu à Paris, le nommé Lucas, âgé de cinquante-six ans. (…) Il se développa sur différentes parties du corps de petits tubercules. (…) Ces tubercules ressemblaient d'une manière parfaite à des morilles ou aux champignons désignés sous le nom d'agarics ; ils se multipliaient à un tel point que nous en comptâmes quatorze sur le visage. (…) La plupart de ces tumeurs finissaient par se crever et s'affaisser sur elles-mêmes ; elles laissaient à leur place une peau flétrie et inerte que la fille de Lucas coupait patiemment avec des ciseaux. (…) Lucas fut malade cinq ans et languit sept mois dans son lit. Il éprouvait des douleurs lancinantes dans les ulcères formés par la décomposition des tubercules ; il devint d'une extrême maigreur (…) il s'éteignit enfin dans les langueurs de la fièvre hectique. »

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Favus urcéolé. Alibert JL, Clinique de l'hôpital Saint-Louis ou traité complet des maladies de la peau, Paris, Cormon et Blanc, 1833, pp 310-311

« un jeune berger (…) fut abandonné dès son enfance par ses parens (sic)  Pendant trois années, il parcourut les campagnes de la Picardie. (...) Un jour qu'il se servait de son peigne pour se nettoyer la tête, il sentit trois tubercules croûteux à la partie moyenne et supérieure du crâne ; il prit le parti de les arracher ; mais ces tubercules reparurent quelques jours après ; bientôt ils se multiplièrent d'une manière effrayante. Tout son corps était semé de croûtes jaunes, excavées à leur centre et relevées par leurs bords. Quelques-unes de ces croûtes étaient déchirées par les mouvements réitérés du pauvre malade et n'offraient plus que des tubercules informes. Son corps exhalait une odeur de souris insupportable ; il était exténué de maigreur et avait un appétit dévorant.»

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Varus goutte-rose
(couperose).
Mycosis fongoïde. Favus urcéolé.
« pour imprimer un plus grand sceau d'authenticité à ce que j'ai écrit, pour ajouter à l'énergie et à la puissance de mes discours (…) j'ai cru devoir recourir à l'artifice ingénieux du pinceau et du burin. J'ai voulu fortifier les impressions par l'image physique des objets que je désirais offrir à la contemplation du pathologiste ; j'ai voulu enfin, par les couleurs effrayantes du peintre, instruire, pour ainsi dire, la vue par la vue, faire ressortir et contraster davantage les caractères des maladies de la peau, fixer leurs moindres nuances, frapper, en un mot, les sens de mes lecteurs, et reproduire vivans (sic), devant eux, les divers phénomènes qui avaient étonné mes regards.»