Livre II
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Index des caractères typographiques de la première planche des muscles

Cette planche représente un corps annoté essentiellement sur la face antérieure [en vue frontale] ; j'en ai réséqué la peau[5]avec la graisse, et la membrane charnue avec tous les nerfs, veines et artères superficiels qui pourraient s'y trouver. Je m'étais proposé de laisser cette planche, ainsi que la suivante, libre de tout caractère typographique, afin qu'elle apparût à la vue moins surchargée. Puisque la troisième planche est en fait la première que nous ayons préparée en vue de l'enseignement, celle-ci (comme aussi la suivante) ne montre rien que nous ne voyons représenté tous les jours par des peintres érudits et des sculpteurs, surtout dans des hommes musculeux et pour ainsi dire « moyens»[6]. En effet, les membranes apparentes de face et de dos sur la troisième planche, ainsi que les fibres musculaires perturbent plutôt le peintre, le sculpteur ou le statuaire (mon but est d'être également utile à leurs travaux). Cependant, s'en tenir seulement aux muscles superficiels ne leur suffirait pas ; en plus d’une connaissance parfaite des os, ils doivent examiner avec le plus grand soin la fonction de chacun des muscles afin de savoir quand ils doivent représenter un muscle raccourci ou allongé, saillant ou affaissé, en ayant toujours devant les yeux cet axiome que lorsqu'un muscle meut un os et l’attire (pour ainsi dire) vers son ventre[7], il devient plus court et beaucoup plus saillant et se contracte vers le milieu du ventre, alors qu'au contraire lorsque un muscle laisse aller un os et que ce dernier est tiré dans la direction opposée à celle où l'attirait ce muscle, le ventre du muscle (c'est la partie à laquelle les artistes prêtent la plus grande attention) s'allonge, s'affaisse et n'est plus saillante. Par ailleurs puisque je vais suffisamment aborder ces points dans les descriptions des muscles, je vais maintenant commencer l'index des caractères typographiques de la présente figure, dans laquelle je ne vais représenter aucun muscle à titre individuel, mais j'écrirai un seul caractère sur un seul côté [du corps], sur chacun des muscles que l'on peut voir ici superficiellement. Donc, aucun des muscles de la face ne sera visible ici, parce qu'ils sont très fins et membraneux, et quand la peau a été enlevée, ils ne sont pas plus apparents qu'ils le sont ici[8].

AIndique un très grand nombre de petites glandes, situées à l’arrière de la mandibule, et occupant la cavité à la base des oreilles ; elles sont chargées d'assurer la distribution des vaisseaux[9]. Elles sont souvent affectées d'un influx d'humeurs chez les enfants, et sont parfois affectées par des scrofules[10](les Grecs les nomment choirai). Dans la région où sont situées ces glandes, il est très facile d'observer le foramen de l'oreille qui a été coupée ici, même sans qu'il y ait besoin de lettres[11].
BMuscle sur le côté gauche, provenant de la mandibule, inséré sur l'os hyoïde [ventre antérieur du m. digastrique].
CMuscle originaire de l'os de la poitrine [sternum] s'insérant avec son symétrique sur l'os hyoïde [m. sterno-hyoïdien].
DMuscle très grêle, provenant du bord supérieur de la scapula et inséré sur l'os hyoïde, indexé V et V dans la quatrième planche des muscles, R et S dans la cinquième [m. omo-hyoïdien]. La région que l'on voit sur les deux côtés marquée d'un D est une dépression qui contient les nerfs de la sixième paire de nerfs crâniens, avec les veines jugulaires internes et les artères soporales [artères carotides internes][12].
FMuscle provenant du sternum et de la clavicule [m. sterno-cleido-mastoïdien], implanté par une insertion charnue sur le processus mastoïde de l'os occipital.
GC'est une portion du deuxième muscle moteur de la scapula [m. trapèze], dont lesmoines se sont inspirés pour la forme de leurs capuchons Il n'y a rien d'autre à voir ici sinon que ce muscle s'insère sur la clavicule et sur la région du haut de l'épaule [acromion] articulée avec la clavicule, mais le muscle apparaît tout entier sur la neuvième figure, marqué d'un Γ et d'un Δ.
HLes veines jugulaires externes passent par cette région, qui apparaît concave chez les vivants seulement, sans qu'on ne puisse distinguer de muscle. Mais lorsqu'on a réséqué la veine et enlevé de petites membranes mucilagineuses, le muscle que j'ai marqué d'un D apparaît [m. omo-hyoïdien] avec celui provenant de la première côte thoracique et s'insérant sur la partie antérieure des processus transverses des vertèbres cervicales, il est marqué d'un C dans la huitième planche des muscles [m. scalène].
IPartie antérieure de la clavicule, non recouverte de chair.
KMuscle se portant au bras [m. deltoïde] ; il prend son origine de la clavicule, de l'acromion et de l'épine de la scapula ; on voit ici la portion de ce muscle sortant de la clavicule et de l'acromion.
LMuscle adducteur du bras sur la poitrine [m. grand pectoral].
MSternum non recouvert de chair, en effet le muscle adducteur du bras sur la poitrine commence par être charnu sur le côté de cet os,
×Cutis au lieu de cutim. L’erreur subsiste dans l’éd de 1555, et ne sera corrigée qu’en 1725 dans l'édition des Opera omnia anatomica et chirurgica, cura Hermanni Bœrhaave,... et Bernhardi Siegfried Albini. Tomus primus Lugduni Batavorum : apud J. Du Vivie et J. et H. Verbeek, 1725, p. 145.
×Vésale défend ici une conception classique des proportions du corps humain, dans la filiation de Celse (homo quadratus) et prend position dans un débat qui divise les artistes à la Renaissance. Voir à ce sujet Jacqueline Vons, «  Variations anatomiques et philologiques chez André Vésale « , Histoire des Sciences médicales, 2012, 46 (4), p. 425-434 ; Maurice Brock, « Nu musculeux et nu délicat dans le Dialogue sur la peinture de Lodovico Dolce (1557) », Les carnets d'histoire de la médecine n° 1, Tours, Faculté de médecine, 2022, p. 38-55.  La syntaxe de la phrase sera simplifiée dans l'édition de 1555 (« Cette planche a l'avantage de montrer ce que les peintres et les sculpeurs considèrent comme la seule chose importante dans le système des muscles » c'est-à-dire les modifications dues au mouvement ou au repos.
×Sur le sens de « ventre », voir chapitre III de ce livre.
×Ce sont en effet des muscles superficiels et attachés à la peau.
×Il s’agit des vaisseaux lymphatiques.
×Struma en latin désigne la scrofule, l'écrouelle cf. Celse, De medicina V, 28, 7. Il s’agit des glandes parotides.
×Il s’agit du méat acoustique externe de nature cartilagineuse.
×Vésale considère comme Galien que la 6e paire de nerfs crâniens inclut la 9e paire, la 10e paire et la 11e paire de nerfs crâniens modernes. La dépression dont il est question contient le nerf vague (10e paire), la veine jugulaire interne et l’artère carotide commun. Voir Fabrique IV et VII.