Livre II
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En effet, les fibres sont beaucoup plus abondantes dès le début de l'origine de tels muscles que dans le reste du muscle, puisque dans ces muscles, et principalement dans ceux qui sont préposés aux mouvements de la cuisse, les fibres ne se divisent pas et leur nombre n'augmente pas à partir de leur origine, mais au fur et à mesure qu'elles progressent vers leur insertion [de terminaison], elles se rassemblent, donnant ainsi aux muscles une forme triangulaire. Il est donc évident que si cette division et fusion d’un nerf et d’un ligament dans les muscles, telles que les proposent les Anatomistes, avaient lieu, il faudrait qu'un petit nerf soit mêlé à chaque fibre à l'origine, ce qui n'arrive jamais comme le montre l'enchaînement des nerfs même.Un nerf n'a pas été mêlé à certains muscles, comme d'autres professeurs d'anatomie l'ont cru En fait, dans la plupart des muscles, vous verrez que seul un petit nerf fin, qui ne se divise pas plus qu'une veine, s'étend à la manière d'une veine ou d'une artère le long de la surface interne ou externe du muscle, qu'il adhère à la membrane du muscle, mais qu'il ne se diffuse nullement dans les fibres à travers la substance du muscle. Un grand nombre de muscles du corps nous enseignent cela, mais principalement ceux qui vont de l'ilium au fémurmm Π dans planche IX, Σ dans planche X, Σ dans planche XI ; vous trouverez aussi des muscles dont la surface n'est parcourue ni même touchée ni par un nerf, ni par une veine ou artère. Vous observerez cela non seulement ici, mais aussi dans le muscle carré [m. carré pronateur]nn X dans planche VII qui met le radius en pronation, vers lequel je n'ai jamais vu s'étendre de nerf, de veine ou d'artère, sauf les nerfs, veines et artères qui progressent vers la main en même temps que les tendons fléchisseurs des doigts, mais qui n’entrent pas en contact avec ce muscle, bien qu’ils n'en soient guère distants[149]. En outre, on n’observe aucun petit nerf inséré sur les muscles finsoo ζ dans planche VI, d dans planche VII qui inclinent les quatre doigts en direction du pouce, ni sur ceuxpp Δ dans planche VIII qui sont préposés à la flexion de la première phalange des quatre doigts[150]. Outre les précédents, les muscles de l'abdomenqq voir dans l'ordre dans région de l'abdomen dans planches III, IV, V, VI (qu'il aurait fallu mentionner plus tôt, car ce sont ceux que tout le monde connaît le mieux) montrent qu'il n'y a rapport proportionnel entre le nerf et le ligament, puisque aucun nerf ne s'implante séparément sur les débuts des muscles qui envoient leurs fibres obliquement et transversalement, et que leur tendon ou « énervation » est beaucoup plus large que leur origine. Aucun muscle n'est donc à mi-chemin entre le ligament et le nerf par nature, et le mélange du nerf et du ligament imaginé par certains n'existe pas. En effet, même si vous allez observer un nerf inséré sur la tête d'un muscle quelconque, vous ne trouverez jamais de rameaux nerveux s'étendant comme des fibres ligamentaires vers le début du tendon ni s'unir et se mélanger de quelque façon que ce soit à ces fibres ligamentaires. Vous ne pourrez mieux observer cela dans aucun autre muscle que dans ceux originaires du tubercule interne [épicondyle médial]rr Π , Λ dans planche III , q; dans planche IX de l'humérus ; en effet leurs têtes sont effilées et les insertions des nerfs se font dans leur substance, et pas seulement à leur surface. Vous remarquerez aussi cela dans le muscle qui est originaire de l'appendice supérieur de la fibula et qui s'avance vers le piedss Φ dans planche VI
t Φ , Ψ , ω dans planche XII
comme dans ceuxt qui s'étendent des racines inférieures des têtes fémorales au talon.Des nerfs ne s'insèrent pas ou ne s'étendent pas sur les têtes de tous les muscles, même si un nerf peut s'insérer n'importe où dans la substance de ce muscle Même si un nerf peut s’étendre dans leur substance, tous les muscles ne reçoivent pas d'implantation de nerfs à l'origine de leur tête ; souvent cette implantation a lieu beaucoup plus bas que la tête, plus ou moins à mi-chemin de sa direction, comme le montre le muscle antérieur fléchisseur de l'avant-bras [muscle biceps brachial]uu Θ dans planche VI
x ϛ , ϛ dans fig. 2, chap. 11, livre IV
qui accepte une branche d'un nerfxà l'endroit où ses deux têtes se réunissent. On observe la même chose dans plusieurs des muscles enveloppant le fémur, dans les muscles de l'abdomen, dans la plupart des muscles du cou et dans presque tous ceux qui recouvrent les côtes. Mais, qu'ils s'insinuent dans la substance du muscle ou qu'ils s’étendent seulement à sa surface, la disposition de tous les nerfs et de leurs branches suit presque toujours la direction du muscle.Le tendon ressemble à un ligament, mais pas à un nerf Lorsqu'un tendon a été bouilli, il ne présente pas de différence de goût[151], de couleur ni de substance par rapport à un ligament, si ce n'est que l'on pourrait prétendre qu'il est peut-être plus souple, pas plus souple que tous les ligaments, mais seulement certains d’entre eux. Quoi qu'il en soit, le tendon n'est pas plus souple que la tête du muscle, bien que personne ne puisse dénier qu'à son origine la tête soit un pur ligament. Et il ne serait pas surprenant non plus que le tendon soit généralement plus souple et moins cartilagineux que le ligament qui relie des os, puisque l'explication de la dureté de ces derniers n'est pas la même. Ensuite, un tendon bouilli n'est pas comparable à un nerf ; en effet si on divise un nerf, bouilli ou cru, en travers, il apparaîtra comme s'il était formé de nombreux petits cordons, comme si vous aviez coupé en travers une corde très solide. Mais un tendon est plus résistant et, comme un ligament, plus uniforme et plus continu, surtout si vous vous appliquez à examiner un des épais tendons qui vont au pied, à la jambe ou à la main. La disposition des fibres est plus claire en effet dans des tendons larges et plus ou moins membraneux, c'est pourquoi on les distingue des véritables membranes au cours de la dissectionyy Comparez l'abdomen sur la planche 6 avec celui de la fig. 1, livre V. , comme on peut le voir en comparant le péritoine avec la finesse et la solidité de la substance des muscles obliques et transverses de l'abdomen. Et bien qu'il soit possible de voir cela dans n'importe quel animal au cours d'un repas, c'est dans la viande de bœuf qu'on le verra le mieux, lorsqu'on apporte à table une pièce de bœuf à travers laquelle passe un grand nerf, généralement accompagné d'une veine et d'une artère, entre des glandes. Lorsque le nerf aura été trouvé, il ne manquera jamais de tendon n'illustrant pas ce que je viens de dire.La tête décharnée d'un muscle n'est pas toujours plus fine que le tendon Certains prétendent prouver qu'un tendon est mêlé avec un nerf, ou avec un nerf et un ligament en proportions égales, ou encore qu’il est fait de nerfs et de ligaments mêlés en proportions plus ou moins variables, mais il aurait fallu d’abord considérer si la chose était telle qu'ils le disent avant d’avancer n’importe quelle assertion. Ils disent en effet qu’un tendon est plus épais que la tête d’un muscle, en alléguant que le tendon est formé non seulement de la même substance que la tête du muscle, mais aussi d’un nerf. C’est comme si l’on disait que les origines des muscles rassemblées dans le mollet

×La distribution des nerfs dans le muscle n'est pas clairement décrite, et Realdo Colombo lui reprochera une erreur d'observation, De re anatomica, éd. Baldo, Paris, Les Belles Lettres, 2014, p. 334. Toutefois, la remarque de Vésale ne concerne ici que les nerfs, veines et artères qui vont dans la main et non pas tous les nerfs du corps. S'il est vrai qu'il ne les a probablement pas tous vus (voir note suivante), il ne remet pas en cause leur existence dans le muscle, comme il l'affirme plus clairement dans l'Epitome (éd. Vons-Velut), Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. 24 : « Pour se contracter et mettre en mouvement la partie à bouger, le muscle, comme les organes des sens, a besoin des nerfs transportant l'esprit animal depuis le cerveau ».
×Vésale n’a probablement pas vu les nerfs insérés sur les muscles lombricaux qui demandent une dissection très fine.
×Il s'agit nécessairement d'un tendon d'un animal.