Livre II
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tous les muscles du larynx, les muscles moteurs des paupières et ceux des ailes du nez. D'autres s'insèrent dans la peau, comme les muscles des lèvres, d'autres sur tout autre chose, par exemple les muscles des yeux sont insérés sur la dure tunique de l'œil, les quatre muscles du pénis sur les corps du pénis et sur le méat urinaire, enfin le muscle du testicule s'insère sur le vaisseau transportant la semence vers le haut en-dehors des testicules [vaisseau spermatique déférent]. En outre, nous voyons que les muscles intrinsèques de l'intestin droit [rectum] s'implantent et s'insèrent sur sa tunique externe, et que le muscle circulaire du col de la vessie s’insère sur le corps du méat urinaire. Par ailleurs, on peut également différencier les muscles par l'insertion de la manière suivante. Certains muscles, originaires de plusieurs parties ne s'insèrent que sur une seule partie, par exemple le muscle portant le bras sur la poitrine [m. grand pectoral] et celui qui élève le bras [m.deltoïde], tous deux originaires de plusieurs parties, s'insèrent sur l'humérus seul. De la même manière, celuiff O dans planche X qui porte le bras en arrière est originaire des épines de plusieurs vertèbres mais se termine cependant sur le seul os du bras [humérus]. De la même manière, chacun de tous les muscles moteurs de la scapula est originaire de plusieurs os mais s'insère uniquement sur la scapula. D'autres, issus d'un seul os, s'insèrent sur plusieurs os. Par exemple, le muscle qui est issu de la base de la scapula et qui sert à la respiration [m. grand dentelé]gg L dans planche VII s'insère sur les huit côtes thoraciques supérieures. À la même catégorie appartiennent aussi les quatre muscles extenseurs des doigts et des orteilshh Θ dans planche V ; Ξ dans planche VI ; Θ et Ξ dans planche XIV
i F dans planche III
et ceux qui mettent en mouvement les ailes du nez en même temps que la lèvre supérieurei et qui s'insèrent sur la peau et sur le cartilage, tout comme le muscle du septum transverse qui s'insère en partie sur de l’os, en partie sur du cartilage. D'autres encore, originaires de plusieurs os, s'insèrent sur plusieurs os également, par exemple le musclekk F dans planche XI originaire des épines des vertèbres cervicales qui s'implante sur quelques côtes thoraciques supérieures et qui sera compté comme le troisième muscle moteur du thorax chez l'homme. Quasiment tous les muscles moteurs du rachis entrent dans cette catégorie.[Différenciation] par la partie qui est mise en mouvement, De même, on s'accorde sur les différences que l'on pourrait remarquer selon la partie que le muscle met en mouvement, puisque tous les muscles sont responsables du mouvement volontaire de la partie sur laquelle ils s’insèrent. Une autre différence existe, si on considère ensemble l'insertion et l'origine : certains muscles sont en effet issus d'un os adjacent et joint à celui que les muscles doivent mouvoir et sur lequel ils s’insèrent également, par exemple les trois musclesll Π dans planche IX ; Σ dans planches X et XI issus de l'ilium et insérés sur le fémur, ou le septièmemm Λ dans planche V
n Π dans planche V
et le huitièmen muscles moteurs de la jambe [m. vaste latéral et m. vaste intermédiaire], qui sont issus du fémur et qui s'insèrent sur la jambe. D'autres sont originaires d'un os placé plus haut et qui n'est pas adjacent à celui sur lequel ils s'insèrent, par exemple les muscles servant aux mouvements de la jambe qui tirent leur origine des grands os articulés avec le sacrum, au nombre desquels sont tous les muscles moteurs de la jambe, excepté le septième et le huitième. Les muscles qui avancent le long de l'avant-bras ou du tibia et qui étendent les doigts et les orteils ressemblent aux précédents.[Différenciation] par la forme, Les muscles présentent une grande variété de formes. On peut en comparer certains avec une souris ou un lézard (du moins si on les imagine sans leurs pieds), un poisson particulier[159]et beaucoup d'autres poissons : ainsi la tête du muscle est comparable à celle du lézard, du poisson ou de la souris, son ventre au tronc de leur corps, le tendon à leur queue. Appartient à cette catégorie le muscle, issu du tubercule interne [épicondyle médial] de l'humérus et inséré sur la base de l'os du métacarpe[160]qui soutient l'index et quioo Λ dans planche III sert à la flexion du poignet. Tel est aussi le muscle [m. tibial antérieur] que l'on trouve à l'avant de la jambe et qui s'insère sur l'os du métatarse avec lequel l'hallux est articulé : ilpp z dans planche I sert à relever le pied. Un grand nombre de muscles entrent dans cette catégorie, mais aucun ne ressemble autant à une souris que les deux mentionnés ci-dessus. Ceux qui écartent le plus le pouce et le petit doigt des autres doigts, aussi bien dans le pied que dans la main, présentent très bien aussi la forme que nous venons de décrire. Voilà pourquoi, à mon avis, parmi tous les muscles du corps (comme s'il n'y en avait pas d'autres), les Bruxellois et quelques autres nations appellent ceux qui se trouvent à la première articulation du pouceqq i dans planche I des muys («souris»)[161], alors que d'autres appellent ainsi le muscle fléchisseur antérieur de l'avant-brasrr Q dans planche I [m. biceps brachial]. Par ailleurs, les Italiens imaginent qu'il y a un « petit poisson »[162], je ne sais lequel, dans certaines parties du corps ; ils signifient ainsi que les muscles sont charnus comme un poisson.L'origine du nom de muscle Donc, c'est à partir de ce genre de ressemblance avec des souris, des moules ou des lézards que les Grecs et les Latins ont nommé chaque muscle, même si la majorité des muscles ne ressemble nullement à ces animaux. D'autres muscles présentent une figure triangulaire, par exemple celui qui élève le brasss voir fig. insérée dans la légende, planche XI [m. deltoïde], celui qui amène la scapula vers la poitrine [m. petit pectoral], et celui qui mène le bras en oblique en bas et en arrière [m. grand rond]. D'autres ont quatre angles, par exemple le muscle tirant la scapula en arrière [m. grand rhomboïde et m. petit rhomboïde]tt Γ dans planche X et celui près du poignet qui met le radius en pronationuu X dans planche VII [m. carré pronateur] : tous deux sont plus ou moins carrés, comme aussi le large musclexx Γ dans planche III sous cutané du cou et des joues, qui est constitué d'une membrane charnue [m. platysma]. D'autres encore ont cinq angles, par exemple celuiyy Δ dans planches III et IV qui met le bras en adduction sur la poitrine, bien que certains, qui n'avaient pas suffisamment bien examiné ses côtés, aient affirmé qu'il était triangulaire. Le muscle issu de la base de la scapula [m. grand dentelé ou serratus anterieur]aa L dans planche VII et inséré sur les huit côtes [thoraciques] supérieures apparaîtra rectangulaire si on y prête une attention superficielle, mais si on examine attentivement ses insertions sur les côtes, on voit qu'il s'insère par des digitations correspondant au nombre de ses angles[163]. L'origine des muscles obliquesbb Θ et 6, 7, 8 dans planche III descendant de l'abdomen présente la même figure de même que l'insertion de certains muscles moteurs du thorax. Mais on attribue encore plus d'angles au muscle produisant le large tendon sous cutané de la main, et à tous ceux qui se terminent par plusieurs tendons. Mais laissons ces angles au second plan et admirons la forme du musclecc Δ dans planche XII qui étend ses tendons à chaque base des côtes : vous pourrez la comparer à juste titre avec une racine d'aloës ou avec un palmier[164].

×L'interprétation du passage est difficile. Celse, De medicina III, 6, avait comparé le muscle à une petite souris (musculus), par analogie de forme. Pline, Historia naturalis XI, 35, avait évoqué un « poisson pilote » précédant la baleine, musculus marinus qui balaenam antecedit, image et fonction reprises par Erasme dans le Colloque Amicitia (musculus piscis exiguus), dans Colloquia cum notis selectis variorum, Lugduni Batavorum, 1729, p. 713-714. Il pourrait s'agir en fait d'une erreur de traduction, attribuée à Gaza, du terme mysticetus (μυστικετός) désignant une baleine, devenue un « petit poisson », selon l'apparat critique dressé par M. Camus, Notes sur l'Histoire des animaux d'Aristote, Paris, Veuve Desaint, 1783, p. 540-541.
×Garrison et Hast, op. cit. II, p. 460, traduisent par l'os du carpe : le renvoi à lettre Λ dans la troisième planche confirme qu'il s'agit bien du métacarpe.
×Vésale écrit mus, traduisant en latin un terme flamand populaire emprunté à sa langue natale, muys (souris ou ratte) ; voir Matthias Martenez, Tetraglotton, Amsterdam, 1687. Selon Maurits Biesbrouck, le terme de « muse » est toujours utilisé pour l'animal aussi bien que pour ce muscle du pouce dans le dialecte de la Flandre occidentale contemporaine.
×Il s'agit d'une dénomination imagée, dont on trouve des traces dans le livre V du De re anatomica libri XV de Realdo Colombo : Alii pisci similem magis musculum autumant ; propterea pisciculum vocant, éd. et trad. italienne par Gianluigi Baldo, Paris, Les Belles Lettres, 2014, p. 331. Il est possible qu'il y ait là une confusion avec le musculus piscis de Pline (voir note 159).
×Vésale utilise l'image de doigts, encore présente dans la dénomination moderne de « digitation ».
×Vésale décrit les muscles spinaux ou érecteurs du rachis constituant le plan profond des muscles postérieurs du tronc ; il s'agit ici du muscle profond de la nuque et du dos composé de sept faisceaux qui se recouvrent.