Livre II
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ne pourrait pas entraîner le reste. C'est pourquoi le Créateur, dans sa prévoyance, a attaché à la paupière ce tarse qui est dur et cartilagineux, afin que les terminaisons des deux muscles pussent s'y insérer. Si vous saisissez par un des bouts un bâton courbe et tordu et si vous le soulevez, le bâton tout entier suivra le mouvement ; de même le tarse tout entier suivra le mouvement donné par chacun des muscles[230]. Le fait que ces mouvements de la paupière s'accomplissent de la même manière que tout autre mouvement du corps dû à des muscles opposés, doit être évident pour tout le monde : quand un des deux muscles se contracte, l'autre reste au repos par rapport à sa propre fonction, s'allonge et se relâche. Car si les deux muscles se contractaient ensemble, et si chacun d'eux tirait à soi la partie du tarse qui lui est adjacente, celle en regard du grand angle serait tirée vers le haut, celle voisine du petit angle vers le bas, et ainsi l'œil ne s'ouvrirait pas plus qu'il ne se fermerait, et la paupière apparaîtrait comme « retournée », comme l'a dit Hippocrate dans les Livres des Présages[231].Étudier les muscles moteurs des paupières est difficile À cause de cet oracle je souhaiterais que les étudiants n’observent pas ces muscles à la va-vite, car leur examen, comme celui de tous les mouvements de la face, n'est pas facile. Même Galien en donne un exemple précis, lui qui, dans les Livres sur la reconnaissance des lieux affectés[232]a recensé trois muscles de la paupière, un nombre différent de celui qu'il donne dans d’autres passages. Il soutient en effet qu'il y a deux muscles, ceux que je viens d'énumérer, pour abaisser la paupière et il en propose un troisième, originaire du front, comme étant l'auteur du mouvement de la paupière vers le haut. Mais le mouvement de la paupière ne mérite pas autant d'émerveillement que celui de la petite membrane que nous voyons chez les oiseaux et chez un grand nombre d'animaux. Cette pellicule, qui est issue du grand angle de l'œil et recouvre entièrement l'œil quand ce dernier est fermé, et qui se rassemble dans le grand angle lorsque l'œil s'ouvre à nouveau, ressemble à notre caronculeff λ dans la fig. 19, chap. 14, livre VII dans le grand angle[233]. En voilà assez en ce qui concerne le mouvement de la paupière supérieure, celle du bas étant, pour d'excellentes raisons, plus petite et immobile.La dissection des muscles des paupières La dissection des muscles des paupières ressemble beaucoup à celle que nous avons décrite dans le chapitre précédent, cependant vous travaillerez mieux avec de petits couteaux, comme ceux que nous utilisons pour couper les calames, et avec de petits crochets. En effet, il faut très soigneusement séparer la peau de la membrane charnue jusqu'au tarse dans les deux paupières, regarder avec attention la connexion de la peau avec la membrane charnue, et observer ici l'absence de graisse, ce qui rend cette partie plus légère et lui permet de mieux accompagner le muscle ; cette connaissance vous sera utile dans les affections que les Grecs nomment hydatôdeis[234]et dans d'autres fluxions qui affectent souvent les paupières.

Chapitre XI. Les muscles des yeux

[Illustrations]

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Première et deuxième figures des muscles des yeux.
Index des figures placées ci-dessus et de leurs caractères typographiques

Puisqu'il n'était pas possible de représenter les muscles de l'œil dans les planches intégrales des muscles, et que l'œil lui-même devait être enlevé du crâne pour montrer les muscles, nous avons placé ici un dessin. Sur la première figure, l'œil a été dessiné avec ses muscles encore à leur emplacement individuel. La seconde figure montre les six premiers muscles de l'œil encore attachés à leur insertion et étalés sur le sol, le septième étant encore maintenu autour du nerf optique. L'Index sera proposé sur la page suivante.

×Cf. Galien, Utilité des parties X, 9.
×On ignore à quel écrit hippocratique précis se réfère ici Vésale qui regroupe sous un seul titre plusieurs ouvrages possibles traitant des pronostics. Le terme grec illosis est traduit par « roulement d'yeux » par Bailly, et par « distorsion of the eyes » (forme de strabisme) dans James Robert, A medicinal Dictionary II, Londres, J. Roberts, 1745, p.521.
×Cf. Galien, Les lieux affectés, VIII.
×Il s’agit d’une analogie formelle avec la caroncule lacrymale.
×L'adjectif grec ὑδατώδης signifie « plein d'eau ». Allusion possible à l'hydropisie.