Livre II
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A 1, 2Surface antérieure de l'œil [globe oculaire], où se trouve l'iris.
B 1, 2Nerf optique, réséqué en travers à l'endroit où il sort du crâne pour entrer dans la région de l'œil [région orbitale].
C,D,E 1Trois muscles sont visibles sur cette face ; aucun muscle n'a encore été libéré de son emplacement.
F,G 1Deux des interstices, remplis de graisse, entre les six premiers muscles sont visibles sur cette image.
H,I,K,L,M,NLes six premiers muscles de l'œil. H indique le muscle qui meut l'œil vers le haut [m. droit supérieur], I celui qui le meut vers le bas [m. droit inférieur], M et N ceux qui lui donnent un mouvement de rotation [m. obliques supérieur et inférieur], K celui qui dirige l'œil vers le grand angle [m. droit médial], L celui qui le meut vers le petit angle [m. droit latéral].
OSeptième muscle de l'œil, encore attaché de toute part au nerf optique mais complètement découvert de la graisse qui habituellement le recouvre[235].

Le mouvement de l'œil doit être un mouvement volontaire Puisque la vision ne se fait ni à partir des côtés de l’œil, ni par ses régions postérieures, supérieures ou inférieures, mais seulement dans l'axe de la pupille, nous verrions très peu de choses, si les yeux étaient complètement immobiles. C'est pour cette raison que le Créateur de notre corps a créé les yeux de telle sorte qu'ils puissent se tourner dans tous les sens, et en plus de cela, il a donné au cou une grande mobilité, et il a fait deux yeux, séparés par un espace considérable. Mais puisque leur mouvement devait être un mouvement volontaire, il était également nécessaire de leur octroyer des muscles.Les mouvements des yeux Les yeux ont trois mouvements. Le premier les amène en adduction vers le nez et en abduction vers le petit angle ; le deuxième les lève en direction des sourcils et les baisse en direction des joues ; le troisième leur donne un léger mouvement de rotation. Pour ces trois mouvements, un nombre égal de muscles, artisans des mouvements, devait être fabriqué, et pour chacun des mouvements, que l’on pourrait distinguer en mouvements jumeaux, il fallait donc une paire de muscles.Les six premiers muscles Il s'ensuit que les muscles devaient être placés à différents endroits : deux latéralement, c'est à dire un à chacun des deux anglesaa L'un est marqué K, l'autre L dans la fig. 2
b L'un est marqué I, l'autre H dans la fig. 2
c M et N dans la fig. 2
d Voir α et γ dans la fig. 17, chap. 14, livre VII
[canthus], deuxb autres, respectivement un en bas et un en haut, le cinquièmec et le sixièmed pour commander les mouvements de rotation [m. obliques supérieur et inférieur][236]. Par ailleurs, comme les quatre premiers de ces six muscles commandent des mouvements rectilignes de l'œil, ils ont également une direction rectiligne, et se ressemblent en tout point. Leurs têtes sont originaires de la dure membrane du cerveau recouvrant le nerf optique [anneau tendineux commun] et d'un des nerfs de la seconde paire de nerfs crâniens** K dans les fig. 1 et 2, chap. 2, livre IV [nerf oculo-moteur], immédiatement à la sortie du nerf optique hors du crâne. Leur ventre est plus large que profond, cependant il apparaît quasiment rond ; il repose sur la région postérieure de l'œil et sur le nerf optique le long de sa direction du crâne à la racine de l'œil. À l'endroit où le ventre atteint la moitié de l'œil (là où il est le plus large), il devient une large et membraneuse « énervation » et se termine en tendon[237]. Cette terminaisonff Fig. 16 et 17, chap. 14, livre VII se fait au-delà de la moitié de l'œil, et s'insère, comme elle le ferait pour mouvoir un os, sur la dure tunique de l'œil [tunique sclérotique] par une ligne droite (mais sur toute la largeur du corps), à proximité de l'irisgg x dans les mêmes fig. ou plus grand cercle de l'œil[238], visible à l'avant de l'œil, et séparant (pour ainsi dire) le noir [pupille] du blanc. En outre les muscles artisans de la rotation de l'œil [m. obliques, supérieur et inférieur][239]ressemblent aux précédents par la forme et par l'origine, mais ils sont plus petits et diffèrent par leur direction et leur insertion. Le premier d'entre eux est originaire de la dure membrane du cerveau qui entoure le nerf optique, il provient de la région du petit angle [canthus latéral] et insère un tendon fin et nerveux sur la partie inférieure de l'œil au moyen d'une ligne oblique à proximité de l'iris, comme les quatre précédents. L'autre est issu de la membrane du nerf optique, il provient de la région du grand angle et insère un tendon fin et nerveux, selon une ligne plus oblique, sur la dure tunique de l'œil, dans la partie supérieure de l'œil. Il s'ensuit donc que la différence entre ces six muscles de l'œil n'est due qu'à leur emplacement et à leur insertion dans la dure tunique de l'œil, et que cette différence est petite. En effet, les quatre premiers, qui sont des muscles droits, s'insèrent selon une ligne droite ; les deux autres, qui ont une direction plus oblique, s'insèrent selon une ligne oblique, car même s'ils commandent la rotation de l’œil, ils lui donnent aussi un mouvement vers le haut et vers le bas. La direction [ductus] de tous les tendons fins et nerveux se trouve entre la dure tunique de l'œil [sclérotique] et la tuniquehh [ η ], [ η ] dans la fig. 18, chap. 14, livre VII ; ou G, M, Q dans la fig. 1 qui adhère à l'œil [conjonctive]. Tous les muscles ensemble, tant qu'ils conservent leur emplacement intrinsèque, forment une figure côniqueii Toute la fig. 1 dont le sommet est leur origine, et la base leur insertion [de terminaison].La graisse placée entre les muscles des yeux Ces six muscles sont unis au nerf optique sur un très court trajet, et dans l'espace formé entre eux est contenue une grande quantité dekk F, G dans la fig. 1 graisse[240], assez dure et très blanche, qui à son tour enveloppe un autre muscle.Le septième muscle de l'œil En plus des six muscles mentionnés, il existe encore un grand musclell O dans la fig. 2 [m. rétracteur du globe oculaire][241], entouré de toutes parts par les précédents et par la graisse dont nous avons parlé, formant à lui seul la même figure [conique] que tous les autres muscles ensemble. Ce muscle est aussi issu de la dure membrane enveloppant le nerf optique, mais un peu plus en avant que les six précédents, dont l'origine est plus éloignée du corps de l'œil que celle

×Ce muscle commun chez des ruminants (qui pouvait être facilement observé sur un œil de vache ou de mouton lors des séances de dissection) est absent chez l’homme.
×On ignore si l'action complexe de ces deux muscles obliques résulte d'observations animales in vivo ou de tractions opérées chez un cadavre humain frais, nécessairement avant la rétraction du globe oculaire ; voir Epitome, éd. Vons-Velut, Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. 120-21 (note 35). Voir infra.
×Sur le sens d’énervation voir Introduction.
×Il faut entendre ici « cornée ».
×Realdo Colombo affirme être le premier à avoir vu et décrit le muscle oblique inférieur, De re anatomica V, 9, éd. Baldo, Paris, Les Belles Lettres, 2014, p. 347-348.
×La graisse orbitaire ou coussinet adipeux de l’orbite remplit les espaces intra et périmusculaires. Elle est formée de lobules adipeux séparés les uns des autres par de minces cloisons conjonctives.
×Realdo Colombo est un des premiers anatomistes à signaler l'erreur de Galien (Utilité des parties X, 8) reprise par Vésale dans la description de ce muscle rétracteur du globe oculaire qui n'est présent que chez les ruminants, De re anatomica, éd. Baldo, Paris, Les belles Lettres, 2014, p. 347. Dans la Lettre sur la racine de Chine, Vésale critique l'inconstance de Galien dans le compte des muscles de l'oeil et justifie sa pratique anatomique de l'oeil bovin, ainsi que la représentation qui en est donnée dans la Fabrique, par le manque d'yeux humains frais à sa disposition et par la petitesse de ces derniers (Epistola rationem modumque propinandi Chynæ decocti, Basileæ, ex officina Ioannis Oporini, 1546, p. 157).