Livre II
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Chapitre XIV. Dissection des muscles moteurs des joues, des lèvres et des ailes du nez

Dissection du premier et du deuxième muscles dans la série de douze La meilleure méthode consiste à commencer la dissection de ces muscles par celle des larges musclesaa Γ , planche III constitués de la membrane charnue [platysma]. D'abord, avec un rasoir effilé, faites une incision verticale dans la peau depuis la pointe du menton et du milieu de la région de la lèvre inférieure (à l'endroit où la peau devient rouge)[253]jusqu'au thorax, sur toute la longueur du cou, et faites cela avec grand soin, de telle manière que seule la peau soit coupée, et pas le muscle sous jacent ni la membrane charnue. Ensuite faites une autre incision à l'extrémité de chaque lèvre, en longeant la bordure rouge, de telle sorte que toute la bouche soit entourée d'une ligne circulaire[254]. Ensuite faites encore une incision le long du nez, et si vous avez examiné au préalable la structure des muscles du front et des muscles des paupières, vous n'aurez pas à faire d'autre incision sur la face (sauf une sous l'oreille jusqu'au milieu de l'occiput). Dans le cas contraire, vous devriez faire une incision transversale en partant du sommet du nez, en passant sous la paupière inférieure et l'oreille, jusqu’à l'occiput. Ensuite, depuis la fin de l'incision qui a été faite jusqu'à l'os de la poitrine [sternum], il faudra faire une incision transversale sous les clavicules, l'acromion et l'épine de la scapula jusqu'au rachis. Vous pourrez y ajouter une incision transversale depuis la gorge, ou depuis la région de la gorge, jusqu'à l'épine. Ces incisions étant faites, soulevez la peau avec un crochet, et, avec un rasoir très effilé, détachez très soigneusement la peau du muscle membraneux sous jacent, sur un des côtés. C'est la chose la plus difficile à faire lorsqu'il y a eu strangulation par un lacet[255], car alors la peau se trouve étroitement jointe au muscle membraneux et elle devient dure comme du cuir à cet endroit, au point que le rasoir ne peut l'entamer.Le cadavre convenant le mieux à une dissection des muscles Le cadavre qui conviendra le mieux à une dissection des muscles est celui dont les veines ont été coupées au préalable et dont tout le sang a été répandu dans de l'eau chaude[256], car tant que les veines n'ont pas été totalement vidées de leur sang, elles nécessitent d'être ligaturées et épongées constamment pendant la séparation des muscles. Sur un des côtés du cadavre, enlevez le muscle large et mince [platysma] en même temps que la peau (ce qui est très facile à faire) et observez sur les deux côtés la nature du muscle, ses fibres nerveuses et son action (à condition d'avoir enlevé les parties que nous avons énumérées auparavant). En effet, la disposition des fibres de ce muscle doit être regardée avec la plus grande attention dans toute la région inférieure de la mandibule, sauf si vous avez déjà soigneusement examiné ces fibres auparavant dans le cas de strumae ou « scrofules », comme nous disons vulgairement, afin que dans ce genre d'abcès, lorsque la nécessité l'exigera, vous puissiez enlever les petites glandes tuméfiées avec adresse et succès[257]. Car dans cette affection, une incision faite en-dehors de la direction des fibres tend ou plisse la peau du cou ici et là, de manière affreuse. Lorsque vous aurez soigneusement observé cela, retournez au côté sur lequel vous avez ôté la peau mais où vous avez laissé le muscle attaché aux corps sous jacents ; enlevez-le complètement et dirigez votre attention sur la dissection des muscles intrinsèques des lèvres : ils apparaissent à la vue dès que vous aurez enlevé la graisse qui les recouvre principalement dans la région des joues et qui est mêlée avec eux et avec le large muscle constitué par la membrane charnue [platysma].Dissection des muscles 5, 6, 7, 8 Détachez donc de la mandibule le premierbb N, planche IV des deux muscles qui présentent des têtes à la lèvre inférieure en tractant ces têtes progressivement vers les insertions, afin d'examiner leurs fibres.La substance spongieuse des lèvres Vous trouverez à cet endroit les lèvres jointes à l’os de la mâchoire au moyen d'une substance spongieusecc G, planche V qui est utile aux lèvres toutes les fois où elles se séparent et deviennent fines, et toutes les fois où elles sont serrées, en devenant plus épaisses et plus plissées. Une substance de ce genre se vide et se remplit facilement : quand elle est vide, elle s'affaisse, mais quand elle est remplie, elle augmente de taille. En plus de cette substance, deux nerfs [nerfs mentonniers]dd Sur les côtés de G, planche V se présenteront : ce sont des rameaux de la plus grande des racines de la troisième paire de nerfs crâniens ; originaires de la mandibule, ils se mêlent aux muscles que vous disséquez présentement[258]. Ensuite, après avoir détaché les muscles inférieurs, détachez aussi des joues les deux muscles supérieursee De G à H, planche III en les coupant, et suivez leur direction en descendant jusqu'à la lèvre supérieure, puis examinez les actions de ces quatre muscles, en tractant leurs têtes ici et là.Dissection des muscles 9 et 10 Enfin, après avoir rasé des joues le muscle communff F, planche III à l'aile du nez et à la lèvre supérieure, et après avoir suivi sa direction vers l'aile du nez et vers la lèvre, regardez également son action. Ici je passe délibérément sous silence un nerf [nerf infra orbitaire]gg I, planche IV provenant de la plus petite ou plus fine racine de la troisième paire de nerfs crâniens [branche du nerf trijumeau], issu du maxillaire et communiquant avec les muscles susdits. Ceci parce que j'exposerai très précisément dans le quatrième Livre la disposition de tous les nerfs que l'on rencontrera. Et pour la même raison, je ne mentionne aucune veine ni artère, même si la veine jugulaire externehh T, V dans la fig. du chap. 6, livre III est supportée par le large muscle [platysma], puisque le troisième Livre sera consacré aux veines et aux artères. Vous pouvez aussi considérer les ligaments membraneux qui unissent les ailes des narines aux cartilages du nez, et ensuite la connexion mutuelle de ces cartilages, puisque la tunique des fosses nasalesii P inférieur dans la fig. 2, chap. 2, livre IV sera également décrite dans la distribution des nerfs. Pour le moment, il suffit de dire que cette tunique

×Aujourd'hui appelée le vermillon.
×Il est étonnant qu'avec cette technique Vésale n'ait pas découvert le muscle orbiculaire.
×La strangulation ou la pendaison détruit la structure des tissus.
×Cf. Tacite, Annales XV : mort de Sénèque qui se trancha les veines dans une baignoire d'eau chaude pour accélérer l'hémorragie.
×Il s'agit des glandes parotides.
×Le nerf mentonnier est fourni par le nerf alvéolaire inférieur issu du tronc postérieur du nerf mandibulaire.