Livre II
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[Illustrations]

Troisième figure.
L’Index de tous les caractères typographiques ci-dessous se reporte à la troisième figure et aux deux qui la précèdent.

La première figure montre la langue, détachée du corps, avec ses muscles, sur le côté droit, représentant le mieux possible la nature et la position des muscles du côté droit.

La deuxième figure représente les mêmes organes que la première, mais nous avons récliné vers le haut le troisième et le septième muscles de la langue, de telle sorte que la nature du premier et du neuvième muscles soit plus visible ici que sur la première figure, le cinquième muscle étant appendu en-dehors de son insertion.

Sur la troisième figure les neuf muscles de la langue ont été enlevés, et on voit la langue divisée en deux sur toute sa longueur, son ligament a été détaché des deux côtés du corps de la langue, et la surface de ce corps qui est contiguë avec le ligament est ici visible. Bref, la structure de la langue humaine a été représentée aussi bien que nous avons pu le faire par des images[284].

A 1,2,3Portion de la langue visible dans la bouche ouverte, avant la dissection, encore recouverte de la tunique [tunique muqueuse] qui est commune à toute la bouche,l'œsophage etla trachée.
B, B 1Cette ligne indique une partie de la tunique susdite, qui a été détachée de la bouche le long des côtés de la mandibule. La portion de langue située au-dessus de cette ligne est encore revêtue de la tunique, celle que l'on voit en-dessous de la ligne n'est pas couverte par la tunique ici (pas plus qu’ailleurs).
C 2Portion de la tunique susdite, que nous avons détachée ici du fond du palais en même temps que la langue.
D, D 1,2Premier muscle de la langue.
E 1,2Troisième muscle de la langue.
F 1,2Cinquième muscle de la langue.
G 1,2Septième muscle de la langue.
H 1,2Neuvième muscle de la langue.
I 3Ligaments de la langue auxquels les fibres des corps de la langue sont contiguës.
K, K 3Représentation des fibres sur le côté droit du corps de la langue.
L, L 3Représentation des fibres sur le côté gauche du corps de la langue.

La taille de la langue est justifiée ; elle a besoin de muscles La taille de la langue convient exactement à la bouche et elle remplit exactement toute sa cavité ; si elle avait été plus petite, elle n'aurait pu le faire ; en revanche, elle n'est pas gênée par l'étroitesse de la bouche, ce qui arriverait très facilement si sa dimension était hors nature[285]. Mais parce qu'elle devait être facilement mue dans tous les sens par sa propre vigueur et selon notre libre volonté, le très grand Artisan du monde a voulu qu'elle fût musculeuse. Puisqu'elle devait être abaissée, poussée vers le palais, latéralement, et enfin en avant et en arrière, qu'elle devait revenir à son point de départ et se contracter, il était nécessaire de lui distribuer un grand nombre de muscles pour produire ces mouvements variés. Il n'échappe à personne que sa structure a été faite à bon escient : la langue est forte et grande à la base, pour être stable, mais fine à sa terminaison, ou à sa pointe, pour se mouvoir rapidement.Connaître les muscles de la langue est difficile Mais connaître la nature et le nombre de ses muscles moteurs est très difficile. Ils sont si unis l'un à l'autre et leurs fibres se réunissent de tant de manières différentes qu'avoir une exacte connaissance de leur nombre, de leur forme et de la variété des mouvements de la langue doit être regardé en effet comme difficile. De fait, je crains que la structure de la langue n’ait été encore examinée à fond par personne et que cela ne se fasse pas de si tôt, au point que nous sommes obligés d'avouer que notre Créateur en modelant Adam à partir de terre procéda avec un talent et un art tels que les hommes doivent rester dans l'ignorance de cette structure, en dépit des recherches faites par des hommes illustres pendant un long espace de temps. Jusqu'où Galien a discerné l’admirable adresse et talent de la Nature dans la structure de la langue n'est pas une chose évidente, car la partie des livres sur les Procédures anatomiques, dans laquelle il devait à coup sûr recenser les muscles de la langue, a disparu en même temps que les livres sur la Dissection des muscles, ou, plus exactement, elle a été supprimée chez des gens profondément hostiles à l'intérêt public, et alors qu’elle devrait enseigner l'art de la dissection, elle n'est plus d'aucune utilité à présent, cachée et destinée à être rongée et mise en pièces par des vers et des mites[286]. Certes, dans les livres de l' Utilité des parties, il mentionne quelquefois des mouvements de la langue, mais sans s’y attarder, les regardant pour ainsi dire à travers « les mailles d'un filet »[287], et

×La phrase semble indiquer que Vésale n’est pas satisfait du dessin. Est-ce à cause de la difficulté du dessin, ou parce qu’il n’a pas beaucoup disséqué de langues humaines et connait surtout la langue animale ? Cf. Fabrique VII, chap. XVI, p. 650 : ut verum fatear, lingua mihi minus cognita (« à dire vrai, je connais peu la langue »).www.biusante.parisdescartes.fr/vesale/?e=1&p1=07046&a1=f&v1=00302_1543x07&c1=17
×Paraphrase de Galien, Utilité des parties XI, 10. La Nature est ici la norme.
×Il y a visiblement un jeu de mots entre la dissection (sectio) et l’action des vers, mites, poissons d’argent, blattes, etc. qui mettent le livre en morceaux (secare). La présence inopportune de ces petits animaux dans les livres peut avoir été inspirée par la réalité, dont Vésale se plaint à plusieurs reprises, comme par la lecture d'Aristote, Histoire des animaux XXVI, 558a : Καὶ ἐν τοῖς βιβλίοις ἄλλα γίνεται, τὰ μὲν ὅμοια τοῖς ἐν τοῖς ἱματίοις, τὰ δὲ τοῖς σκορπίοις ἄνευ τῆς οὐρᾶς, μικρὰ πάμπαν (« Il se forme encore dans les livres des animalcules, dont les uns sont pareils à ceux qu'on trouve dans les vêtements, et les autres à de petits scorpions, qui n'ont pas de queue, et sont d'une extrême petitesse »).
×L'image des « mailles du filet » est fréquemment utilisée par Vésale, probablement déjà banalisée au sens de « sans entrer dans le détail».