Livre II
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sans décrire aucun muscle en particulier.Les parties peu denses dans les muscles de la langue Au point actuel de mes recherches, j'observe que la langue a une substance rare[288]qui lui est particulière et que les autres muscles n'ont pas ; à sa racine, elle produit des muscles qui lui appartiennent en propre, et qui diffèrent entre eux par leurs fibres. Certains d'entre eux semblent se terminer à l'endroit où la langue commence à s'allonger, formant une sorte d'angle avec sa racine. Cet endroitaa L dans la fg. 2, chap. 21 est celui où se trouve le corps qui ferme le larynx [cartilage épiglottique] pendant l’ingestion de la nourriture. Les autres muscles ne s'arrêtent pas à cet endroit, mais se mêlent entre eux et forment la partie rare du corps de la langue, qui est pour ainsi dire la réunion de deux longs muscles qui reçoivent dans leur milieu un ligament extrêmement fin, membraneux[289]dont la largeur égale l'épaisseur de la langue.La partie de la langue visible avant la dissection est constituée de petites parties Ainsi, tout le corps de la langue[290], tel que nous le voyons avant de le disséquer, est formé de ces deux corps musculeux, de ce ligament, de veines, d'artères et de nerfs qui y accourent, et d’une membrane double qui recouvre tout cela[sans appel de note] La 3e figure présente ces parties dans l'ordre, aux lettres K,K, L,L, I,I  : sa partie interne est commune à tous les muscles, l'autre doit être comptée comme une partie de la tunique [tunique muqueuse] qui tapisse toute la cavité de la bouche et qui est identique à la tunique interne de la trachée et de l'œsophage avec laquelle elle est en continuité ; mais ce qui la différencie est la présence d'importantes partiesbb Y, Y dans la fig. 2, chap. 2, livre IV de la troisième paire de nerfs crâniens[291]qui s’y insèrent et au moyen desquelles la langue est l'organe du goût. La substance rare et propre aux deux corps musculeux, comme nous l'avons dit, se présente de la manière suivante. Alors que tous les autres muscles du corps ont une seule disposition de fibres, verticale ou oblique ou transversale, ces corps-ci me paraissent avoir des fibres obliques, transversales et verticales en même temps : elles se rassemblent et se mêlent de telle manière qu'il est pratiquement impossible de distinguer un genre de fibres particulier par la dissection ; en plus, dans la connexion de ces fibres diverses, les corps musculeux ont une structure qui n’est pas différente de la substance du cœurcc I, I dans la fig. 11, livreVI bien qu'elle ne soit pas aussi solide que celle du cœur. Mais chez les êtres vivants gras et déjà avancés en âge, les fibres charnues de la langue acquièrent de la graisse qui s'y est attachée, et elles sont plus dispersées dans la langue que dans la substance très dense du cœur. Et n’importe qui peut se rendre compte en mangeant combien la partie de la langue [animale] qui est considérée généralement comme un mets délicat, diffère dans sa nature, sa forme et son goût de la chair des muscles. Mais nous allons maintenant dire de quels muscles cette partie de la langue est formée, et d'où sont originaires les muscles que j'ai observés en disséquant.Les deux premiers muscles de la langue. Le troisième et le quatrième Les deux premiers musclesdd D, D dans les fig. 1 et 2 sont verticaux et très épais ; ils sont plus ou moins séparés l'un de l'autre à différents endroits, comme s'ils étaient plus nombreux que deux muscles ; leurs débuts, originaires du milieu et du hautee Figures du chap. 13, livre I, et surtout D dans la fig. 2 et C dans la fig. 1 de l'os hyoïde, sont charnus mais spongieux, ils s'étirent sur toute la longueur de la langue et s'insèrent directement au milieu de la langue ; en se contractant, ils poussent la langue en-dedans ou pour ainsi dire vers l’arrière[292]. Le troisième et le quatrième muscles [symétriques]ff E dans les fig. 1 et 2
g I, K dans les fig. 1 et 2, chap. 13, livre I
proviennent des deux osseletsg supérieurs de l'os hyoïde qui sont symétriques et qui se terminent sur les processus styloïdes de la tête[293], comme nous l'avons dit. Cependant ces muscles sont quelquefois originaires des côtés latérauxhh E, F dans les mêmes fig. inférieurs de l'os hyoïde articulés avec les processus supérieurs du cartilage thyroïde ; cela arrive lorsque les côtés supérieurs de l'os hyoïde ne sont pas complètement osseux, mais ont un point en commun avec la nature du ligament, ce qui s'observe fréquemment et principalement chez les femmes. Donc, à partie de leur origine et s'avançant plus ou moins obliquement, ces muscles s'insèrent sur les bords latéraux de la langue. Si l'un d'eux est tendu alors que l'autre reste relâché, la langue, surtout à sa racine, est portée latéralement et en bas, mais si les deux travaillent en même temps, la langue n'est tirée vers aucun des côtés mais elle a un mouvement vers le bas et en-dedans.Le cinquième et le sixième muscles Le cinquième et le sixièmeii F dans les fig. 1 et 2 muscles[294], semblablement charnus et épais, s'opposent aux deux précédents ; issus des processus styloïdeskk i dans les fig. 3, 4, 5, chap. 6, livre I des os temporaux, ils s'attachent à la terminaison des deux musclesll E dans les fig. 1 et 2 précédents. Chaque fois que les deux muscles sont mus ensemble, ils mènent la langue en haut et en-dedans, mais si seulement l'un d'eux se contracte, la langue est tirée en haut sur un côté.Le septième et le huitième muscles Il existe deux autres muscles[295]qui tirent la langue en bas et la tournent sur le côté ; ilsmm G dans les fig. 1 et 2 sont issus des deux côtés de la mandibule, par un début ressemblant à une muqueuse, à l'intérieur de la région où se trouvent les racines des dents molaires, et ils s'insèrent sur la langue sur toute sa longueur jusqu'à la fin du ligament qui la relie à la gorge, pas exactement au milieu de la langue, mais sur les bords des deux musclesnn D, D dans les fig. 1 et 2 que nous avons énumérés en premier. Si l'un d'eux contracte ses fibres, la partie de la langue visible avant dissection s'incline du côté du muscle contracté, mais si les deux travaillent, la langue est fortement tirée en arrière vers la gorge.Le neuvième muscle En plus de ces muscles, une sorte de masse charnueoo H dans les fig. 1 et 2
p H dans la fig. 2, chap. 10, livre I
est également originaire de l'intérieurp de la mandibule, provenant de la région du menton, et principalement des petits processus et de leurs bords qui forment des reliefs irréguliers à l'intérieur de la mandibule dans le voisinage de la pointe du menton. Cette masse se dirige vers le haut puis revient en arrière vers la gorge, et s'implante sur la racine de la langue par une ample insertion, de même que son origine se fait au moyen d'un large début. Cette masse semble tirer la langue vers le menton, tantôt exactement vers le milieu des lèvres, tantôt latéralement, en fonction de la tension ou du relâchement des fibres d'un côté ou de l'autre ; ses fibres droites sont visibles sur toute sa longueur,

×Rarus au sens de « peu dense ». L'adjectif est repris par Realdo Colombo, éd. Baldo, De re anatomica libri XV, Paris, Les Belles Lettres, 2014, p. 357, qui assimile la substance rare de la langue à celle d'une éponge.
×Frein lingual.
×Du moins la langue au sens commun, contenue dans la cavité buccale.
×Il s’agit du nerf trijumeau, du nerf mandibulaire (terminale la plus volumineuse du V) et du nerf lingual.
×La description des muscles de la langue est également très détaillée dans l'Epitome, éd. Vons-Velut, Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. 28-29. Les deux premiers muscles peuvent être identifiés comme le faisceau ventral, 1 et 2, du muscle hyo-glosse.
×Cf. Fabrique I, chap. XIII. Ces osselets décrits par Vésale sont des osselets canins. Les muscles énumérés ici constituent le faisceau dorsal, 3 et 4, du muscle hyo-glosse.
×Muscles styloglosses droit et gauche.
×Il s'agit probablement des muscles mylo-hyoïdiens appartenant au plancher buccal.