Livre II
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Chapitre XXIII. Les muscles moteurs du bras

L'ordre de proximité des muscles diffère de celui de la dissection En suivant l'ordre de proximité des muscles[317]on se rendra compte que ceux qui mettent en mouvement la tête, le rachis et la scapula auraient dû être décrits avant les muscles moteurs du bras, du moins si on avait décidé de continuer par l’examen des parties proximales de celles déjà disséquées. Mais comme les muscles moteurs de la scapula ne peuvent être disséqués tant que ceux du bras sont intacts et que, tant que ceux-là n'ont pas été enlevés, il est impossible de disséquer ceux de la tête et du rachis, j'ai considéré que je ferais un meilleur travail de dissection si je commençais par les muscles du bras et de la scapula, avant les muscles moteurs de la tête. Mais si quelqu'un est d'un autre avis, il pourra facilement inverser les chapitres, comme je l'ai fait moi-même, dans l'Epitome de ces livres, où je n'ai pas suivi l'ordre de la dissection, mais plutôt celui de proximité, si bien que n'importe qui pourra commencer par un ou l'autre chapitre, selon l'ordre dans lequel il désire traiter les muscles.Le nombre de mouvements du bras Le bras est donc mis en mouvement en avant vers la poitrine, en arrière vers le rachis, en haut vers la nuque et la tête, et en bas vers les côtés latéraux du thorax ; en outre, il a un mouvement pour ainsi dire circulaire ou de rotation, comme si on tenait un bâton avec les deux mains, sans les fléchir, mais seulement en les posant l'une en face de l'autre sur la longueur du bâton, et comme si on le tournait en bougeant les mains alternativement vers l'avant et vers l'arrière. De même que par ce moyen vous pourrez diriger le bout du bâton vers le bas, vers le haut ou vers l'avant, de même le bras pourra toujours tourner, qu'il soit maintenu près de la poitrine, élevé vers le haut ou pendant vers le bas ; ainsi le bras est mû par trois espèces de mouvement.Le premier muscle moteur du bras Un seul muscle [m. grand pectoral]aa Δ dans les planches II, III, IV ; L dans la planche I est adducteur du bras sur la poitrine, il est originaire du milieu de la largeur du sternumbb de K à R, planche III et des cartilages insérés sur cet os, et aussi des cartilages de la septième et de la huitième côtescc De R vers S, planche III
d De K à L, planche III
et de la moitié de la claviculed là où elle est en regard du sternum. La partie de son début issu de la clavicule apparaît entièrement charnue, mais celle originaire du milieu du sternum à gauche et à droite, qui est contiguë avec le début du muscle symétrique, est plus nerveuse, plus membraneuse et moins épaisse. Par ailleurs, la partie originaire des côtés latéraux du sternum et des cartilages articulés avec lui est totalement charnue, alors que celle provenant des cartilages de la septième et de la huitième côtes, jouxtant le cartilage pointu [processus xiphoïde], apparaît à la vue comme une très fine membrane. Sortant de ces débuts, le muscle devient progressivement plus épais et plus charnu, puis peu à peu plus étroit jusqu’à se terminer en pointe là où il s'implante le long de l'humérus par un tendonee Q dans la planche III ; Q, T dans le bras, planche IV ample et nerveux, très robuste, mais court. En fait, l'insertion de ce tendon se fait sous le col de la têteff Sous f, e dans la fig. 1, chap. 23, livre I de l'humérus, dans sa partie interne, mais légèrement tournée vers l'avant. Les fibresgg Comparez ici le muscle Δ de la planche III avec le muscle Δ de la planche IV de ce muscle sont différentes les unes des autres : dans la partie encore charnue, juste avant de produire le tendon, mais aussi sur toute l'amplitude du tendon, elles s'entrecroisent comme la lettre X. En effet, les fibres originaires de la clavicule et de la partie du sternum proche de la clavicule s'avancent de haut en bas, en oblique et en-dehors[318], elles forment la partie supérieure du tendon dans toute son amplitude et restent charnues sur tout leur course, sauf à l'insertion du muscle sur l'humérus. Mais celles qui proviennent de la moitié inférieure du sternum et des cartilages de la septième et de la huitième côtes s'étendent obliquement vers le haut et constituent la partie inférieure du tendon, dans son amplitude ; elles perdent plus rapidement que les fibres supérieures leur substance charnue qui leur permet de s'implanter. En effet, la partie supérieure du muscle garde sa nature charnue jusqu'à son insertion, alors que la partie inférieure est visiblement livide[319]et nerveuse, bien avant son insertion ; cela est dû sans aucun doute à la brièveté du trajet des fibres supérieures. Nous avons dit qu'il est commun pour tous les muscles d'être dotés d'un tendon d'autant plus court que leur trajet est plus succinct en vue d'accomplir leur mouvement. Par ailleurs, j'appelle parties supérieures et inférieures du tendon, non pas les parties proximales de la tête de l'humérus, ni celles qui s'en écartent, mais je rapporte ici ces différences de position à l'insertion du tendon qui se fait dans sa largeur, comme si je disais que cette page est placée plus haut ou au-dessus de celle qui est en-dessous. Donc ce muscle a plus ou moins la forme d'un pentagone, mais avec des côtés d'inégale longueur. Le premier côtéhh Premier côté : K, L dans les planches III et IV ; deuxième côté de K à R ; troisième côté : Q, T dans la planche IV ; quatrième côté : de L à Q ; cinquième côté : de R à T va jusqu'à la moitié de la clavicule, le deuxième longe le sternum, le troisième suit la longueur de l'insertion, le quatrième part de la moitié de la clavicule jusqu'à la partie de l'insertion proche de la tête de l'humérus, et le cinquième va de la partie de l'insertion la plus éloignée de la tête de l'humérus au cartilage pointu du sternum [processus xiphoïde]. Ce cinquième côté est celui qui forme la partie avant de la cavité axillaire, alors que la partie arrière est constituée par le muscle [m. grand dorsal]ii V dans la planche III ; Θ dans la planche X qui porte le bras en arrière et en bas, comme vous l'apprendrez bientôt. Par ailleurs, comme le muscle portant le bras en adduction sur la poitrine a des fibres variées,

×Le début de ce chapitre définit et justifie la méthode que Vésale utilise pour la dissection dans la Fabrique, de la superficie aux muscles profonds, contrairement à leur description dans l'Epitome qui privilégie l'ordre de proximité. Voir à ce sujet l'Introduction au livre II.
×C’est-à-dire ici latéralement.
×Sur le sens de lividus voir Introduction.