Livre II
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Pendant que vous considérez ces ligaments, prenez grand soin de ne pas être abusé incidemment par le cartilage d'un agneau, d'un chevreau ou d'un veau nouveau-né qui se trouve entre l'appendice du corps de la vertèbre et son corps lui-même, en estimant que ce cartilage est celui dont nous parlons actuellement. Mais soyez plutôt attentifs à trois dispositions de cartilages (pour ainsi dire) séparés par deux os entre deux vertèbres. Et après avoir examiné les trois dispositions, observez la nature de ces cartilages et vous allez souscrire plus fermement à l'enseignement des Anciens. Vous verrez en effet que les deux cartilages placés entre les corps de deux vertèbres et leurs appendices sont des cartilages au sens propre, ne différant en rien de ceux qui interviennent entre les appendices et les corps de toutes les autres vertèbres. Mais (sauf si par égard pour Galien, vous avez trop peu confiance en vos yeux) vous direz que le cartilage du milieu entre les appendices [disque intervertébral] n'est rien d'autre que le ligament que les familles des Asclépiades qui enseignaient à leurs enfants l'art de la dissection des cadavres avec un si grand soin ont appelé neurochondrode syndesma, vous direz aussi que les corps des vertèbres sont attachés ensemble par ce cartilage, et pas par la troisième tunique de la moelle spinale, et qu'aucune membrane n'intervient à cet endroit. C'est pourquoi, si vous approuvez les Anciens, vous compterez ces cartilages vertébraux parmi les ligaments qui équivalent à la nature d'un cartilage. Par ailleurs les corps des vertèbres sont encore joints par d'autres ligaments : sur toute la longueur du rachis des ligaments très solides recouvrent toute la superficie externe des corps vertébraux, et même s'ils sont partout épais, denses et robustes, ils sont remplis à l'intérieur d'une humeur muqueuse. Ils sont plus apparents de chaque côté sur la face antérieure du corps, à cause de leur épaisseur. Donc, ces ligaments, ou si vous préférez les rassembler sous un seul nom, ce ligament qui est dur et solide, et qui recouvre toutes les vertèbres de manière égale, fait assurément obstacle à une trop grande extension ou courbure du rachis dans l'extension. En effet si le rachis s'incurvait trop en arrière, cela ferait grand tort à l'œsophage, à la grande artère [aorte] et à la veine cave, qui risqueraient de se rompre en étant trop étendues, et si la Nature avait créé ces organes trop laxes et facilement extensibles, ils se replieraient sur eux-mêmes dans la flexion du rachis. Donc, ce ligament, dont la dureté est modérée, et qui est imprégné de cette humeur [synoviale], comme le disait Hippocrate, permet au rachis de s'étendre autant qu'il est utile pour l'homme ; il joint ensemble les vertèbres en toute sécurité et forme une épine dorsale composée avec tant d'os comme si c'était un corps unique.Les ligaments placés à d'autres endroits qu'entre les corps vertébraux En outre, un ligament membraneux s'étend dans tout l'interstice entre un processus transverse et le suivant. De même dans les interstices entre les épines, des ligaments membraneux [ligaments inter épineux] s'étendent d'une épine à l'autre, reliant les épines entre elles, comme dans les interstices entre les muscles. Mais à l'apex des vertèbres, ces membranes deviennent si épaisses que lorsqu'elles se rassemblent, elles semblent constituer un seul ligament pour toute l'épine dorsale, participant également à la nature du cartilage. Ensuite, à l'endroit où les processus ascendants des vertèbres s'articulent avec les processus descendants, des ligaments également membraneux (mais extrêmement robustes) entourent l'articulation de toutes parts [ligaments vertébraux longitudinaux ventral et dorsal]. Mais il existe encore une sorte de ligament jaunâtre entre les vertèbres, qui, s'il n'est pas plus robuste que tous les autres ligaments du corps, n'est en fin de compte pas plus faible. Il sort de la surface interne du foramen vertébral creusé pour la moelle spinale à la racine ou processus postérieur de la vertèbre, entre les deux processus ascendants ou descendants, et s'insère toujours sur la surface interne de la vertèbre suivante. Je pense qu'il est clair pour tout le monde qu'il n'y a aucune différence si je dis que ce ligament provient de la vertèbre supérieure et s'insère sur la vertèbre inférieure ou le contraire ; car même si j'ai dit qu'il provient de l'une et s'insère sur l'autre, personne, à mon avis, ne met en doute que chacun des os ou chacun des lieux, dont il est question, ne contribue à part égale à la génération du ligament.Les ligaments spécifiques des chiens Chez les chiens et d'autres animaux qui peuvent facilement tourner la gueule vers leur échine, dont les articulations entre les vertèbres cervicales sont relâchées, et qui ont des vertèbres cervicales plus longues que l'homme, nous observons un ligament dont je décrirai volontiers la nature par égard pour Galien. Donc dès que vous aurez disséqué la deuxième paire de muscles moteurs de la tête chez les chiens, vous trouverez dans la nuque un ligament d'une texture peu dense, qui ne correspond à aucun autre dans tout le corps, sinon peut-être à ces ligaments vertébraux que nous venons de recenser : il est en effet plus dur que tous les autres, de couleur jaune, et peut se disperser en nombreuses fibres. Il sort des côtés de l'apex de l'épine de la septième vertèbre cervicale, est ascendant, n'est attaché à aucune vertèbre, jusqu'à ce qu'il atteigne la deuxième vertèbre cervicale et s'insère sur les côtés de son épine, à son sommet. Ce ligament est enveloppé d'une membrane individuelle, et apparaît double, à cause de la ligne qui le longe. On pourra apprendre la nature de ce ligament toutes les fois où l'on porte à table un collier de veau, de porcelet, de chevreau ou même celui d'un bœuf plus âgé. Ce ligament est en effet ce corps jaune, détaché des chairs, que nous donnons habituellement aux chiens, car parmi tous les autres ligaments, c'est le seul qui soit rejeté comme impropre à la consommation. Les Bruxellois l'appellent vuas (pour uva ou « raisin ») et disent que les jeunes filles le mangent pour se procurer une chevelure plus abondante ; mais je pense que c'est une plaisanterie entre elles, dû au fait que parmi toutes les parties du corps ce ligament peut se séparer comme des cheveux et qu'en outre il a une couleur jaune pâle[407]. Il sert principalement à éviter que les vertèbres cervicales

×Garrison et Hast, op. cit., p. 595, considèrent qu'il y a une erreur pour vast (éd. 1555) qu'ils interprètent comme un terme flamand (vet) pour désigner la graisse. Cela pourrait aussi être utilisé comme un cosmétique « magique » par analogie..Les Flamandes étaient réputées pour la blondeur de leurs cheveux. Le passage reste obscur de toute façon, y compris dans l'attaque contre Galien, s'il s'agit en fait du ligament jaune.