Livre II
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sur le côté supérieur et extérieur du triangle qu'ils forment dans la paume. Donc le premier muscle a un début oblique et large issu de l'os du métacarpe, sur lequel le médius s'appuie, un peu en avant de la petite tête qui entre dans la fossette de la première phalange du doigt. D'abord charnu, il devient plus étroit en progressant et s'insère par un tendon membraneux sur le côté interne de la deuxième phalange du pouce, face à l'index, légèrement en-dedans. Le deuxième muscle, contigu au précédent sur son côté supérieur, est originaire du milieu de l'os du métacarpe placé devant le médius ; il est cependant un peu contigu à l'os qui supporte l'annulaire. Son origine est également fine et large, il apparaît immédiatement charnu et le reste jusqu'à son insertion qu'il réalise au milieu de la partie interne de la deuxième phalange du pouce. Le troisième muscle est contigu au précédent sur son côté inférieur ; il prend une origine également large de l'os du métacarpe qui soutient la base de l'annulaire articulée avec le carpe ; se dirigeant obliquement vers le pouce, il s'implante sur le côté interne de la deuxième articulation du pouce, légèrement en-dedans. Quand ces trois muscles sont en extension, ils fléchissent très fort la deuxième articulation du pouce ; lorsque seul le premier est actif, le pouce est dirigé vers l'extrémité de l'index ; lorsque le deuxième seul se contracte, le pouce fléchit vers les doigts du milieu, et lorsque le muscle inférieur se rétracte vers son début, la flexion du pouce a lieu vers le bas et plus en direction du petit doigt. Galien a non seulement ignoré ces trois muscles, même si on peut les observer chez les singes caudés, mais il en donne une explication fausse dans le premier livre de l' Utilité des parties, et si quelqu'un d'encore inexpérimenté les avait étudiés, il ne pourrait même pas essayer de les trouver.Galien a ignoré les trois muscles fléchisseurs de la deuxième phalange du pouce Il est vraisemblable qu'au moment où Galien écrivait le deuxième livre des Procédures anatomiques ces muscles lui étaient encore inconnus, puisqu'il ne les décrit nulle part, ce qu'ont fait les Arabes, qui, pour autant que je présume, connaissaient ces trois muscles mais ont négligé les deux muscles [muscles court et long fléchisseurs du pouce] préposés à la flexion de la première phalange du pouce. En effet ils ont compté onze muscles dans la main, construits pour fléchir les doigts : huit pour les quatre doigts, mais trois pour le pouce ; je me demande cependant s'ils n'ont pas écrit par hasard « onze » au lieu des « dix » de Galien, puisqu'ils ne font que compter les muscles, à la manière d'Oribase[431], sans les décrire. Bien plus, dans le premier livre des Procédures anatomiques de Galien, tous les codices que j'ai vus jusqu'à présent[432]ont trois erreurs de nombres : en effet nous lisons « huit » au lieu de « deux » dans les descriptions des muscles de la main au service des mouvements obliques du pouce, et aussi à la fin du livre, dans la liste des muscles moteurs de l'avant-bras, où un « trois » est écrit à la place de « deux », et un « deux » là où il fallait écrire « trois » ; tout comme on lit les mots « l'utilité du premier [ligament]» mis à tort pour « l'utilité du deuxième », dans le passage dans le même livre où Galien mentionne l'utilité des ligaments. J'ai corrigé, autant que je le pouvais, ces passages et beaucoup d'autres dans Galien, dont les ouvrages viennent d'être restaurés dans un ordre parfait, pour le plus grand bénéfice des étudiants en notre art, par GIOVANNI BATTISTA DA MONTE[433], éminent professeur de médecine dans le Gymnasium[434]de Padoue, un homme d'un génie immense et presque divin, à cause de sa connaissance unique de la médecine et des autres sciences, qui ne cède le pas à aucun des médecins de notre époque ; par la qualité extraordinaire des travaux qu'il a publiés, et par son zèle indéfectible et infatigable dans l'enseignement, il mérite le meilleur[435]de tous les étudiants. Puisse un Dieu lui tirer l'oreille[436]sur le champ pour l'encourager à publier ses autres réflexions si belles et mûries depuis si longtemps, et à ne pas en priver la postérité, sans craindre les calomnies de ceux qui désirent seulement s'ériger en juges des autres et sont incapables de jamais produire quelque chose par eux-mêmes.Le dix-septième muscle moteur des doigts Donc, j'ai mentionné jusqu'à présent seize muscles moteurs des doigts et je vais maintenant décrire le dix-septième muscle [m. extenseur commun des doigts]dd Z planche IX ; V planche II ; ∫ planche X qui sera le premier des muscles extenseurs des doigts ; dans cette description, afin de comprendre Galien, que l'on veuille bien me permettre d'affirmer qu'il se divise en quatre tendons, et d'ajouter que les musclesee L'un est marqué Θ planche IX, l'autre p planche X progressant depuis l'avant-bras et considérés comme des muscles abducteurs des quatre doigts par rapport au pouce, sont divisés en deux tendons, et font leur insertion décrite par Galien sur les phalanges des doigts. Je souhaiterais aussi que cela me soit permis jusqu'à ce que j'aie terminé mon exposé sur l'ensemble des trois muscles ; alors seulement je pourrai décrire la forme variée des connexions et des réunions de leurs tendons, et enfin leur fonction. Cependant, dans le reste de la description des présents muscles, dans leur origine, leur progression, leur substance, leur forme et tout le reste, je ne m'égarerai pas plus que je ne voudrais décrire les tendons dans un ordre faux si je les avais toujours vus se présenter dans le même ordre, et si l'autorité incontestable de Galien était quelque chose que l'on eût pu tenir pour négligeable[437]. Allons ! Mettons-nous au travail en décrivant ce muscle comme il se présente. Le débutff a planche IX du dix-septième muscle [m. extenseur commun des doigts] naît d'un mélange de chair et de substance nerveuse et est très large ; il naît de la partie supérieure du tubercule externe [épicondyle latéral] de l'humérusgg P dans la fig. 2, chap. 23, livre I et progresse le long du milieu de l'avant-bras en étant grand et charnu, et presque rond ; il n'est attaché à aucun autre muscle et ne prend d'autre origine que celle de son début sur l'humérus. Quand il est arrivé près de l'extrémitéhh b planche IX du radius, avec laquelle le carpe est articulé, il devient plus étroit et se scinde en quatre courtes petites parties charnues, qui se séparent rapidement dans la substance du muscle. Ces petites parties sont recouvertes de la membrane commune

×Oribase (médecin grec du IV s. de notre ère), compilateur des textes de Galien, auteur d'une vaste Collection médicale (synogôgai), dont la traduction latine était utilisée dans l'enseignement de la médecine et de la chirurgie, notamment à Paris.
×Vésale avait participé à la correction de trois traités, De neruorum dissectione, De uenarum arteriarumque dissectione, De anatomicis administrationibus, pour l'édition des Opera omnia de Galien préparée par Tommaso Giunta et publiée en 1541-1542.
×Giovanni Battista da Monte (1489-1551), professeur de médecine pratique puis théorique à Padoue, avait également travaillé à l'édition des Opera omnia de Galien parue chez les Guntia à Venise en 1541-1542. Presque toute son œuvre fut publiée à titre posthume ; ses consultations (Consilia) ont été transmises par des compilations dès la fin du XVIe siècle, et ont fait l'objet d'un article récent de Monica Panetto sur le site de l'Université de Padoue, Medicina a Padova nei secoli: Giovanni Battista Da Monte e l'insegnamento clinico, 25 juillet 2019, https://ilbolive.unipd.it/it/news/medicina-padova-nei-secoli-giovanni-battista-monte Sur le plan théorique, il a participé aux débats médico-philosophiques autour des Parva naturalia d'Aristote, parmi ceux qui essayaient d'harmoniser philosophie naturelle et médecine galénique ; voir à ce sujet Roberto Lo Presti, « Entre aristotélisme médical et médecine aristotélisante : le rapport entre médecine et philosophie dans les commentaires italiens du XVIe siècle au De sensu d'Aristote », dans Claire Crignon et David Lefèbvre (dir.), Médecins et philosophes. Une histoire, Paris, CNRS éditions, 2019, p. 197-224, en particulier l'excursus p. 213-216.
×Le terme latin gymnasium est utilisé essentiellement dans les pays de l'empire germanique, pour studium.
×Optime meritus est (formule cicéronienne) qu'on peut interpréter : « il mérite toute la gratitude ».
×Aurem vellicare. L'expression imagée est traduite dans Nico, Thresor de la langue françoyse, 1606, p. 446, 2e col. avec le sens que nous lui attribuons ici : tirer l'oreille pour faire rappeler quelque chose à quelqu'un.
×L'expression dans ce passage est très recherché et le sens peu évident : il semble que Vésale accepte momentanément la présentation du muscle faite par Galien tout en avertissant le lecteur qu'il décrira en fait ses propres observations.