Livre III
258 [358]

ce pouvoir diffère de celui par lequel le cœur, l'estomac, la vessie et l'utérus prennent et retiennent la nourriture qui leur est utile individuellement. Donc les mouvements propres à une partie et qui ne servent pas à d'autres parties, se font seulement par un pouvoir inné dans cette partie et absolument sans l'aide de fibres. Mais les parties qui doivent produire l'attraction, la rétention ou l'expulsion au profit d'autres parties ou pour le corps entier, ont des fibres au moyen desquelles elles accomplissent leur fonction.Les espèces de fibres. Leur fonction Et de même qu'il y a trois mouvements différents, il y a trois espèces de fibres construites par la Nature, des fibres verticales, des fibres obliques et des fibres transversales. Les fibres verticales produisent l'attraction, les fibres obliques la rétention, les fibres transversales l'expulsion.

Dans ce grossier schéma représentant des fibres, A indique les fibres transversales, B et C deux variantes de fibres obliques, D les fibres verticales. E montre plus ou moins l'entrelacement des trois espèces de fibres, que l'on verra plus précisément dans l'image de la veine placée ci-dessous.

[Illustration]

Les fibres verticales sont celles qui s'étendent longitudinalement dans l'organe. Les fibres obliques s'étendent obliquement [en diagonale]. Elles sont circulaires : mais comme elles proviennent de deux origines différentes, elles se rencontrent et se croisent en formant une sorte de X, ou plus exactement comme si c’était un point où deux cercles s'imbriquent et se coupent en formant un X ; elles retiennent ainsi facilement le contenu de la cavité de l'organe. Les fibres transversales sont placées exactement transversalement [horizontalement] en suivant la largeur du corps, et elles entourent le corps comme les fibres obliques, mais seules les fibres transversales sont dites « circulaires » ou « orbiculaires ». On peut apprendre la nature de ces fibres (du moins si l'on considère qu'il est trop pénible d'examiner un cadavre humain seulement pour cela) toutes les fois qu'on dépose sur la table[6] l'estomac ou les intestins d'un animal quelconque, si on veut bien prendre la peine de séparer les unes des autres les fibres de l'estomac et des intestins avec les ongles, et de considérer que ces corps ne sont constitués que de fibres entrelacées entre elles dans une disposition utile à l'organe. On verra la même chose en examinant une vessie de bœuf ou un gésier d'oie qui ont été insufflés : une vessie distendue fait clairement voir les trois espèces différentes de fibres. Au contraire, si on prend en main une membrane quelconque, comme celle qui recouvre les côtes ou le péritoine, on se rendra compte immédiatement que c'est un corps simple et similaire dans toutes ses parties et qu'il n'est pas composé de fibres de ce genre.Utilité de la composition de la veine Donc (pour revenir au propos d'où je m'étais éloigné), la veine est un organe instrumental[7], servant utilement à distribuer le sang dans le corps tout entier. La nature a fabriqué ce corps membraneux et creux comme un tuyau en entrelaçant certaines espèces de fibres, non pas au hasard, mais parce qu'elle connaissait celles qui seraient utiles à la distribution du sang.

Portion de la veine cave [supérieure] ascendante depuis la cavité droite du cœur à la gorge ; nous avons soigneusement dessiné la nature des fibres dans le corps de la veine pour qu'on puisse les étudier. Si vous voulez cependant chercher l'explication des branches qui ont été séparées ici du tronc, comparez cette portion de veine avec le dessin de la veine complète à la fin du cinquième chapitre, aux lettres D, F, G, H, I, K, N, S, T et α .

[Illustration]

Aussi, puisque la Nature savait que la veine devait nécessairement contenir du sang, elle lui a donné des fibres verticales au moyen desquelles la veine attirerait le sang dans sa partie creuse. Ensuite parce que le sang devait être porté à la portion suivante de la veine comme à travers un canal, elle lui a aussi donné des fibres transversales. Mais pour éviter que tout le sang ne soit trop rapidement pris ou chassé en avant d'une portion de la veine à la suivante, elle a également entrelacé des fibres obliques dans le corps de la veine. Voilà pourquoi le corps de la veine est formé de trois espèces de fibres ; il ressemble à une tunique blanche et membraneuse ou nerveuse, capable de se distendre et ensuite de se contracter à nouveau (pour s'adapter exactement à la matière contenue)[8].Tunique supplémentaire, qui n'est pas propre à la veine Outre cette tunique intrinsèque, la veine s'adjoint quelquefois une autre tunique, qui est commune à la plupart des parties du corps. Lorsque les veines cheminent sur une longue distance, qu'elles s'appuient sur un os ou un corps dur, ou qu'elles soient suspendues à quelque autre partie, elles s'adjoignent une membrane qui s'étend comme une deuxième tunique individuelle [fascia]. Les veines sont enveloppées par cette tunique dans tout le corps toutes les fois où elles sont en relief par rapport à des viscères ou au corps d'un muscle et qu'elles ne sont pas mêlées au tissu du viscère ou du muscle. Dans ce cas, cette autre fine tunique, toujours issue des membranes adjacentes, les entoure, pour guider plus sûrement leur trajet et pour les attacher plus fermement aux parties adjacentes. Mais les veines qui s'insèrent sur certains corps et qui cheminent en eux n'ont jamais besoin de tunique de ce genre, parce qu'elles sont suffisamment attachées à ces corps, et que cette tunique constituerait un obstacle à l'exsudation rapide du sang hors des veines et empêcherait le sang collecté dans les veines de supporter l'action de la substance d'un autre viscère. Et c'est principalement pour cette raison que dans aucune autre partie du corps les veines n'ont de tunique individuelle plus fine et ne se distribuent en branches plus nombreuses que dans la substance du foie, destinée à transformer l'humeur[9]contenue dans les veines en sang, et à le purger de ses excréments.Fonctions des veines Le Créateur de toutes choses a fabriqué les veines d'abord pour qu'elles portent le sang à chacune des parties du corps ; toutefois, des branches de certaines d'entre elles, comme celles de la veine portecc Fig. du chap. 5

×Le terme latin mensa désigne toute espèce de table, table pour repas au cours desquels des observations anatomiques occasionnelles sont possibles sur les viandes animales servies, table d'examen servant à des expérimentations ou support pour les instruments nécessaires à la dissection (cf. Fabrique II, p. 237 [235]).
×Redondance du texte latin : organum (traduction du grec organon) et instrumentum étant synonymes.
×Rappel : les parenthèses sont le fait de Vésale. Nos interventions sont placées entre crochets droits.
×Succus = jus, humidité ici humeur (humor est masculin), voir la description de la veine porte, page 267 [367].