Livre III
259 [359]

ont pour fonction d'attirer la nourriture élaborée dans l'estomac vers les portes du foie, d'autres (comme cellesdd θ dans la fig. du chap. 6 ; m,n dans fig. 22, livre V. qui portent le sang dans chacun des reins) de purger le sang de ses excréments. Nous les mentionnerons toutes à leur place appropriée. Même si tous les experts en anatomie ont écrit que le Créateur a donné aux veines le pouvoir de fabriquer le sang (pour empêcher le sang de fluer inutilement dans les veines, s'il n'était pas élaboré dans le corps de la veine)[10], je ne suis pas disposé à l'affirmer aussi vite,Livre 4 de l' Utilité des parties car si les veines avaient cette faculté, le sang produit ne serait pas rouge, mais blanc comme le corps de la veine : puisque dans tout ce qui relève de la coction naturelle dans les parties de notre corps, ce qui est cuit prend nécessairement la couleur de ce qui permet de cuire. Mais il convient maintenant de poursuivre par l'artère et les parties qui la composent.

Chapitre II. La nature de l'artère, sa substance et ses fonctions

Nature de l'artère L'artère comme la veine est un vaisseau membraneux, sphérique et creux comme une fistuleaa fig. du chap. 12 , qui répand dans le corps entier l'esprit vital et du sang clair, rougeâtre[11]et chaud, au moyen desquels la chaleur innée et l'esprit vital de toutes les parties du corps sont maintenus, comme ils le sont aussi par le mouvement de l'artère elle-même (par un mouvement de dilatation et de contraction). Ensuite, au temps d'Hippocrate, de Platon et d'Aristote, on appelait « artère »[12]le canal [trachée]bb Fig. 1, chap. 38, livre I par lequel, en inspirant par le nez et par la bouche, nous attirons l'air dans les poumons, et par lequel nous le chassons de nouveau hors de nos poumons en expirant. Mais ce que nous nommons « artères », eux l'appelaient « veines » : il y avait cependant quelques médecins à cette époque qui distinguaient les artères des veines, en disant que les artères avaient des pouls et les veines pas.Livre 2 des Épidémies Ainsi Hippocrate appelle « veine » l'artère dont on découvre le mouvement rapide, ample et vigoureux chez un nouveau-né, et assure que sa vigueur et sa chaleur ardente constituent la faculté irascible dans le cœur. Par ailleurs, d'autres nommaient « artères » des veines qui distribuent au corps entier le sang rougeâtre, contenant l'esprit [spiritus] diffusant par son impulsion à travers le corps une substance claire et subtile. De même Platon a trouvé bon d'appeler des artères « des veines » quand il affirme dans le Timée que le cœur est à la fois l'origine des veines et celle du sang qui est entraîné avec force à travers tout le corps. « En effet (dit Galien), puisque les vaisseaux qui ont un pouls n'étaient pas encore appelés 'artères' comme aujourd'hui, et que les Anciens appelaient seulement 'artère' le vaisseau provenant de la bouche et qui se divise dans les poumons [trachée], c'est à juste titre, selon lui, que Platon a utilisé l'expression ' le sang porté à travers les poumons par impulsion ', pour le distinguer du sang des veines qui a pour origine le coeur[13] ».Quant à Aristote, il étend l'usage du nom « veines » aux artères dans Parties des animaux et dans Histoire des animaux. Par exemple, pour ne citer qu'un passage, en comparant la grande artère [aorte] à la veine cave dans le troisième livre d'Histoire des animaux, il l'appelle fréquemment la « petite veine ». Mais au fil du temps, les Anciens ont commencé à appeler le vaisseau qui s'étend de la bouche aux poumons « la dure artère » [trachée] et ont nommé « artères lisses » les vaisseaux qui ont un pouls, restaurant la chaleur naturelle. Aujourd'hui seule l'artère qui va de la bouche aux poumons a gardé son nom et est appelée « trachée ».

Portion de l'aorte qui sort du cœur, nous l'avons dessinée disséquée et ouverte, de sorte que les tuniques de l'artère soient visibles : A indique l'endroit où on rencontre le plus souvent la tunique que nous comparons à une toile d'araignée. B et B marquent la tunique interne de l'artère ; les numéros 1, 2 et 3 signalent les 3 membranes placées à l'orifice de la grande artère, et annotées B, C, D dans la dixième figure du sixième livre. E et D ici montrent l'origine des deux artères coronaires. Les foramina visibles sur le tronc de l'artère descendant en direction des vertèbres à droite sont les orifices de ses dérivations qui se dirigent vers les côtes, ensuite vers le septum puis vers d'autres organes jusqu'aux reins. Mais tout cela sera plus clair en son temps : pour le moment nous nous sommes contentés d'annoter rapidement les tuniques de l'artère par cette figure.

[Illustration]

Le corps de l'artère et ses deux tuniques intrinsèques Donc comme les veines, les artères sont constituées d'un corps membraneux, capable de se contracter et de se rassembler sur lui-même puis de se dilater de nouveau, mais qui est beaucoup plus solide, plus dur et constitué de plus de tuniques [que le corps de la veine]. L'artère a en effet deux tuniques intrinsèques ; la tunique externe correspond entièrement à la tunique qui caractérise les veines par sa couleur rouge et son épaisseur, mais la tunique intime a une épaisseur au moins quintuple, selon l'opinion de la plupart des experts en anatomie : et on estime que tout le corps de l'artère comparé à celui de la veine est six fois plus épais que celui de la veine. Certains ont appelé cette tunique chondrodes ou « tunique cartilagineuse » parce qu'elle plus dure et plus épaisse que tout autre tunique. De là vient peut-être le nom de « nerf pulsant » que les Arabes ont donné à l'artère.Les tuniques de l'artère, comme celles de la veine, sont constituées de fibres, mais la tunique interne est formée uniquement de fibres transversales, tandis que la tunique externe est formée de fibres verticales, certaines étant légèrement obliques, mais sans aucune fibre transversale. La tunique intime de l'artère contient une sorte de peau comme la surface interne des intestins et de l'estomac ; elle ressemble de toute évidence à une vaste toile d'araignée continue,

×Comme dans bien d'autres passages du livre III, Vésale fait preuve de scepticisme par rapport à la vision finaliste de la médecine ancienne et critique implicitement l'influence exercée par le De usu partium de Galien.
×L'adjectif flauus est utilisé pour qualifier une couleur jaune rougeâtre. Vésale oppose ici le sang artériel plus clair que le sang veineux, qu'il qualifie fréquemment de « boueux » ou « bourbeux » car il transporte des excréments de nutriments qui n'ont pas encore été « cuits » ou purifiés par la rate (entre autres l'humeur « mélancholique » ou noire). Sur la coction opérée par la rate, cf. Aristote , Parties des animaux III, 670b.
×Le sens étymologique de arteria = canal.
×Phrase complexe, avec une citation, inexacte d'ailleurs, empruntée au De placitis VI, 8, 49. Cette opinion de Galien disparaît dans l'édition de 1555.