Livre III
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que la rate est fermement attachée à l'estomac de la même manière que les deux veineszz X, Z que nous avons décrites précédemment proviennent des veines se dirigeant à la rate. Et il convient d'observer attentivement ici que les veines qui sont issues de celles allant à la rate et qui sont distribuées dans l'estomac, ne diffèrent des autres veines courant dans l'estomac ni par la forme de leur distribution, ni par leur couleur, ni par l'aspect de leur implantation.Distribution du tronc droit issu de la souche de la veine porte À l'endroit où il joint le mésentère, c'est-à-dire à l'endroit où il provient du rachis, le tronc droit [veine mésentérique supérieure]aa G ; et aussi t dans la fig. 4, livre V et K dans la fig. 12 de la veine porte (tronc qui se propage essentiellement dans les intestins, comme je l'ai décrit auparavant) se scinde en trois branchesbb b,b,b ; voyez aussi les fig. 10, 11, 13, 14, livre V principales : celles-ci se divisent à leur tour en d'innombrables ramifications veineuses et s'avancent entre les deux membranes du mésentère, entourant la partie inférieure ou postérieure des intestins qui est reliée au mésentère et que les professeurs d'anatomie ont voulu nommer « partie concave » [des intestins] ; elles se terminent dans le jéjunum, l'ileum, « l'intestin aveugle » [caecum] et la partie droite du côlon, contiguë au rein droit et au foie. Mais en combien de ramifications elles se scindent, il est difficile de le dire, car celles-ci sont innombrables ; ensuite elles ne sont pas toutes disposées de la même manière dans leur distribution, même si leurs branches courent vers les intestins (comme nous l'avons dit). De la troisième branche issue du tronc droit de la veine porte, qui se distribue essentiellement dans la partie gauche du milieu du mésentère, sort une très grande veinecc c, c et aussi n dans la fig. 12, livre V
d R, S, T dans la fig. 11, livre V
 : elle chemine vers le mésentère gauchedqui relie le côlon au rachis depuis la rate jusqu'au rectum. Tout comme les veines mentionnées précédemment, elle se propage dans les intestins au moyen d'un grand nombre de branches et se dirige vers la région du côlon qui s'étend depuis la partie gauche de l'estomac jusqu'au rectum. Parmi toutes les branches de la veine du mésentère gauche, l'une d'elles, particulièrement grande [veine rectale supérieure]ee d,d et aussi k,k, dans la fig. 9, livre V s'insère entre les deux membranes de son mésentère (comme toutes les autres branches) et s'avance vers le bas le long de la terminaison du côlon, par dessous le rectum, envoyant un grand nombre de petites veines depuis sa partie supérieure ou antérieure à la région de l'intestin qu'elle longe. Quand cette branche atteint l'extrémité de l'intestin droit, elle ne prolonge pas son trajet dessous l'intestin, mais elle se divise en un grand nombre de fins rameaux qui entourent la terminaison du rectumff e,e [plexus veineux du rectum]. De plus, bien que les ramifications des trois branches du tronc droit de la veine porte qui viennent d'être décrits soient très nombreuses, chacun peut se rendre compte par la dissection qu'elles sont plus nombreuses dans les intestins grêles que dans les gros intestins. En effet plus les intestins sont proches de la base de l'estomac, plus ils sont parcourus de rameaux veineux, puisqu'ils doivent absorber plus d'humeur que les intestins adjacents à l'anus. J'ai dit auparavant que des corps glanduleux et constitués uniquement de chair [pancréas]gg η,η dans les fig. 4 et 5, livre V ; i dans la fig. 12 longeaient et entouraient des branches de la veine porte ; de même, aux intersections des branches qui se dispersent dans les intestins à travers le mésentère, on trouve des glandes,hh L, M dans la fig. 10, livre V et G, F dans la fig. 14 de dimensions proportionnées à ces branches. En effet, il y a de grandes glandes là où de grandes branches se divisent (par exemple lors de la première division du tronc droit de la veine porte en trois branches), mais elles sont plus petites et moins vigoureuses dans les divisions suivantes. Les glandes de ce genre reçoivent aussi de petites veines, aussi fines que des cheveux [vaisseaux lymphatiques], émises par les veines entre lesquelles elles sont placées.Explication de la distribution de la veine porte On considère que toutes les branches distribuées par la veine porte servent à nourrir, à purger une espèce d'excrément ou à conduire l'aliment « cuit » [digéré], depuis l'estomac aux portes du foie. J'ai déjà dit que cellesii C,C qui courent dans la vésicule bilaire sont destinées à lui procurer sa nourriture. Les brancheskk q,r,x,γ,δ dans la fig. 4, livre V qui sont dispersées en grand nombre dans l'omentum seulement pour le nourrir et pour l'imprégner de graisse sont également dérivées de la veine porte. On présume que le Créateur du monde a fait en sorte que les branchesll T,T qui vont à la rate lui apportent de la nourriture en même temps qu'elles purgent en elle le sang bourbeux[30]ou le suc mélancolique qu'elles ont transporté depuis le foie. Puisque ces vaisseaux transportent dans la rate le résidu le plus épais de la sanguification, et qu'ils le dispersent dans son corps, ils doivent en même temps lui apporter sa nourriture ; aussi, n'est-ce pas sans hésiter[31]que j'écrirai dans le cinquième livre que la rate transforme cet excrément noir issu de la sanguification en sa nourriture personnelle, et qu'elle dégorge dans l'estomac – au moyen de veinesmm X,Y,Z dérivées de celles qu'elle insère dans l'estomac- ce qui reste en elle de ce sang bourbeux et qu'elle ne peut ni digérer ni transformer pour son propre usage. En fait, elle ne se diffuse pas dans l'orifice supérieur de l'estomac (comme les professeurs d'anatomie le pensent à tort), mais à sa base, là où une grande veine,nn Z dérivée de celles qui vont à la rate, se dirige vers l'estomac. Le Créateur du monde a amené des rameaux fins comme des cheveux [vaisseaux lymphatiques]oo M aux glandes pour qu'elles puissent collecter la nourriture des branches de la veine porte. Par ailleurs toutes les autres branchespp D,I,K,N,G de la veine porte qui sont dispersées dans l'estomac et dans les intestins ont une double fonction : leur procurer leur nourriture et absorber au moyen de leurs terminaisons et de leurs bouches béantes dans l'estomac et dans les intestins la nourriture cuite par l'estomac et par les intestins[32], et la transporter au foie qui est l'officine commun de la coction[33]pour l'ensemble du corps humain.Les noms de la veine porte Parmi les nombreux passages étroits que nous avons décrits, un seul conduit à cette région, c'est la souche [la racine]qq B de la veine porte : un de ceux qui, avant Hippocrate, connaissaient bien les œuvres de la Nature l'a appelée pulè [« la porte »], et le nom de « veine porte » nous est resté jusqu'à aujourd'hui ; certains l'appellent la « porte du foie » (comme en témoigne Galien),Livre 6 duDe placitis d'autres « la portière »[34]. Certains considèrent qu'il ne faut pas donner ce nom à toute la veine mais

×Vésale utilise plusieurs synonymes (bourbeux, boueux, plein de lie, séreux) pour qualifier la couleur foncée du sang attribuée aux déchets, ou bile noire ou suc mélancolique, dont il faut le purger. On distingue aujourd'hui le système porte transportant le sang issu du tube digestif riche en nutriment, le foie qui synthétise le glycogène, la veine cave. Le sang de la veine porte ne se distingue pas macroscopiquement du sang de la veine cave in vivo, mais la pendaison congestionne la veine cave gorgée de sang, contrairement à la veine porte.
×Vésale montrerait ici une forme de scepticisme par rapport aux théories humorales qui attribuent le tempérament mélancolique à un excès de bile noire formée dans la rate, mais il ne les remet pas en cause. Dans l'édition de la Fabrique de 1555, p. 448, il confirmera ses doutes, mais avec plus de prudence encore : non sine religione quadam et metu (quum de his impense dubitem).
×Vésale a vu les nombreuses anastomoses qui relient le système porte au système cave, mais ne semble pas avoir compris leur fonction.
×Galien, De usu partium IV, chap. 2 et 3. La théorie de la sanguification repose chez Galien sur quatre point. Après que l'estomac a opéré une première coction de la nourriture, le résidu est envoyé aux intestins qui l'amènent au foie par le système porte. Le foie se charge de la seconde purification et distribue le sang purifié en même temps que l'esprit naturel dans le corps entier. On comprend dès lors la nécessité pour Galien d'attribuer aux veines des « fibres » de nature différente, selon qu'elles doivent maintenir ou chasser leur contenu. La médecine arabe a repris la théorie galénique, voir Danielle Jacquart, « La nourriture et le corps au Moyen Âge », Cahiers de recherches médiévales [En ligne], 13 spécial | 2006, mis en ligne le 03 avril 2009, consulté le 27 mars 2020. URL : http://journals.openedition.org/crm/868 ; DOI :https://doi.org/10.4000/crm.868, p. 13.Voir un résumé des opinions controversées dans Les œuvres complètes d'André du Laurens traduites par Théophile Gelée, Livre VI, « Controverses anatomiques », Paris, 1661, p. 284.
×Vésale paraphrase ici Galien, De usu partium IV, chap. 2, mais ne reprend pas la métaphore filée, depuis le grenier à blé (l'estomac) jusquà la boulangerie (le foie). Le nom de « porte » dont l'auteur est inconnu, aussi bien pour Galien que pour Vésale, subit un changement de sens. Galien compare les veines allant au foie à des portefaix et compare cette activité de transport à l'administration d'une cité, Vésale transfère l'image sur le plan architectural.