Livre III
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seulement à la première partie, quand elle quitte la substance du foie. On l'appelle aussi « souche ou base du tronc » ; mais il semble que Galien attribue quelquefois ce nom à la veine caverr B et ζ dans la fig. du chap. 6 à l'endroit où elle est adjacente au foie, et aussi à la grande artère [aorte] là où elle sort du cœur. D'autres appellent la veine porte « la main du foie », parce que le foie l'utilise comme une main pour attirer à lui la nourriture digérée dans l'estomac. D'autres l'appellent « veine couleur de lait », parce que l'humeur qu'elle porte au foie depuis les intestins est de la couleur du lait[35].La veine porte ne fabrique pas le sang Mais je ne saurais pas accepter l'idée que la veine porte, comme le foie, « cuise » l'humeur qu'elle tire de l'estomac et surtout des intestins et qu'elle mène au foie, ni qu'elle précuise cette humeur pour le foie ou qu'elle la transforme en un sang grossier, en dépit de ce que Galien affirme avec sérieux dans le quatrième livre de l' Utilité des parties . En effet je ne peux assigner aucun pouvoir de sanguification au corps membraneux de la veine qui est aussi dur que du cuir, car s'il avait ce pouvoir, il produirait assurément du sang blanc, de même que ce qui a été digéré par l'estomac a la couleur du lait, comme la substance blanche de l'estomac[36], et nous voyons clairement que cette substance n'est pas rouge comme l'est le sang du foie lorsqu'il est figé. Et j'aurais réfuté plus longuement cette opinion que Galien répète plus d'une fois, si lui-même n'avait changé d'avis dans le sixième livre des Doctrines d'Hippocrate et de Platon, quand il oublie son propos pour combattre Aristote avec plus de vigueur.La veine porte purge l'humeur mélancolique Nous avons décrit la branchess d,d de la veine porte qui descend sous le rectum et qui est supportée par le mésentère ; à mon avis, elle est d'une grande utilité pour purger le sang bourbeux à travers les petites veines de l'anus qui parfois dégouttent de sang. Quand, à cause d'une obstruction ou d'une autre affection, la rate ne peut pas absorber tous les sédiments du sang, ou aucun d'eux, ou qu'elle ne peut pas le dégorger dans l'estomac, je crois que cette branche aide à l'expulsion du sang par l'anus à des intervalles réguliers, comme les purgations des menstrues des femmes. En effet, il nous paraît peu vraisemblable que chez les gens souffrant des hémorroïdes ce sang bourbeux puisse s'écouler de tout le corps dans les fines branches de la veine cave qui s'étendent vers l'anus, lorsque nous avons sous les yeux la véritable distribution de la veine porte. À partir de là nous pouvons très facilement conjecturer comment ce sang qui n'a pas été attiré par la rate ou qui n'y a pas été admis à cause de l'obstruction des canaux, reflue vers l'endroit d'où il venait et descend par son propre poids à travers la branche qui se dirige vers le rectum où il stagne quelque peu et est conservé, jusqu'à ce que les veines deviennent turgescentes, s'ouvrent et le laissent s'écouler par l'anus. Mon opinion est grandement fortifiée par la dissection que nous avons faite d'un homme qui souffrait d'un tel écoulement sanguin par intervalles ; sa rate était petite, mais dure, et la veine courant sous le rectum était plus épaisse que le pouce ; elle était gonflée de sang, comme nous voyons que les veines entourant l'utérus chez des animaux femelles qui vont mettre bas sont volumineuses et distendues. Mais j'ai traité ces points un peu plus longuement dans la Lettre dans laquelle j'ai enseigné qu'il fallait ouvrir la veine axillaire droite en cas de douleur latérale (car c'est important de savoir s'il faut couper la veine droite ou la veine gauche). Il faut maintenant aborder la disposition de la veine cave ; en effet j'ai décidé de reporter la façon de disséquer la veine porte à la fin du cinquième livre, dans lequel j'exposerai la dissection de tous les organes de la nutrition et de la génération en même temps.

Index des caractères typographiques du dessin de toute la veine cave sur la page suivante

La figure que nous placerons sur la page suivante est commune à la série des quatre chapitres suivants ; ses proportions correspondent à celles de la représentation intégrale de la grande artère [aorte] placée au début du douzième chapitre de ce livre, et à celles des figures précédant le onzième chapitre du quatrième livre où je montrerai la distribution des nerfs spinaux ; le dessin de ces figures (comme cette figure-ci de la veine cave et les planches intégrales des muscles et des os) est proportionné au format de la figure masculine qui, selon moi, est le plus adapté au format du papier (que l'on appelle vulgairement « format royal ou papier royal »)[37]. Mais ensuite si quelqu'un veut agrandir les schémas des veines, des artères et des nerfs, pour les rendre plus lisibles (comme cela a été fait dans mon Epitome ) ou bien les réduire pour les adapter à un format de page plus petit, je l'engage et le prie de ne pas ajouter de forme humaine autour de ces schémas au risque d'en faire une figure différente ; c'est ce qu'ont fait récemment des plagiaires sur mes Planches anatomiques qu'ils ont imprimées à Strasbourg, à partir de la disposition des veines que j'avais très correctement établie par la dissection[38]. Car si un tel entourage[39]abîme le travail pour de multiples raisons, il doit aussi être rejeté parce qu'il pourrait faire croire que toutes les veines représentées sur cette figure ne sont distribuées que sur une face du corps seulement, et seulement sur la face antérieure. Alors qu’aucun de ceux qui étudient avec soin les mystères de la Nature n'est si ignorant qu'il ne puisse voir dans un dessin en perspective quelle partie de la surface du corps tout entier chaque veine parcourt[40].

×Vésale évoque ici les vaisseaux chylifères contenant le chyle, un liquide blanchâtre d'aspect laiteux présent dans les vaisseaux lymphatiques de l'intestin grêle (les vaisseaux chylifères) lors de la digestion. Il les distingue des vaisseaux sanguins par la couleur lactée, découverte probablement lors d'une vivisection animale, mais les considère malgré tout comme des « veines ». Les vaisseaux chylifères seront identifiés en 1622 par Gasparo Aselli (1581-1626), professeur d'anatomie à Pavie, leur aboutissement dans la cavité thoracique sera confirmée par Jean Pecquet, Experimenta nova anatomica, quibus incognitum hactenus chyli receptaculum, et ab eo per thoracem in ramos usque subclavios vasa lactea deteguntur, Parisiis, apud S. et G. Cramoisy, 1651.
×Voir note précédente.
×J. P. Gouy, accéder à l'article (format royal : 43,3 x 59,5).
×Allusion au plagiat de W. Ryff. Le grief est récurrent dans l'ouvrage. Voir Fabrique, Préface (lettre à Oporinus). Accéder à l'article
×La disposition des veines et des nerfs suffit à donner l'image d'un corps humain.
×Vésale fait référence à sa technique qui consiste à ombrer les vaisseaux situés à la partie arrière du corps.