Livre III
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Chapitre VII. Disposition de la veine cave et de ses branches au-dessus du foie

Il n'a pas suffi à Galien et à la troupe des Anatomistes qui suivent ses préceptes d'imaginer à tort que l'origine de la veine cave est dans le foie, mais pour essayer de mieux justifier leur écart par rapport au précepte d'Aristote, ils ont inventé, sur le modèle de la grande artère [aorte], une division de la veine cave dès sa sortie de la partie convexe du foie, formant deux branches, l'une se dirigeant vers les parties supérieures du corps, l'autre vers les parties inférieures. En outre, pour prouver que le sang ne se génère pas dans le cœur, Galien n'a pas hésité à ajouter que la branche qui gagne les parties supérieures est beaucoup plus étroite et moins volumineuse que celle qui se dirige vers le bas.La partie de la veine cave qui traverse le diaphragme n'est pas plus étroite que celle qui se trouve en-dessous du foie Mais nous avons déjà établi que la veine cave ne se divise pas en troncs de ce genre ; et il n'a jamais été conforme à la véritéaa Comparez B avec ζ que la partie de la veine cave visible entre le foie et l'oreillette droite [atrium droit] du cœurbb B dans la fig ; 5, livre VI soit plus étroite que celle qui se distribue en-dessous du foie en direction des vertèbres lombales. Je voudrais qu'on observe cela avec une grande attention pendant une dissection, afin que celui qui n'aurait pas assisté à mes dissections ou qui aurait réalisé lui-même une dissection peu soignée, ne puisse pas penser que j'imagine tout cela. En effet, si quelqu'un se montre négligent dans une dissection et qu'il bouge le foie, le cœur ou tout autre partie du corps pendant la dissection, l'afflux de sang dans la veine cave s'étendant aux vertèbres lombales sera plus important que dans la branche au-dessus du foie, et il souscrira nécessairement à l'opinion de Galien. Mais au contraire s'il a compris que le sang, parce qu'il a été comprimé, a été poussé vers le haut depuis cette partie de la veine cave [c'est-à-dire celle près des vertèbres lombales] dans la branche au-dessus du foie, il cessera sur le champ d'approuver Galien. Ensuite, après avoir découvert tout cela par la dissection, il lui faudra examiner de plus près l'explication de Galien, par laquelle il montre que la partie ascendante de la veine cave devrait être beaucoup plus petite que celle qui va vers le bas, parce que cette dernière nourrit plus de parties du corps que celle-là. Mais, si l'explication de Galien tient en théorie, il n'y a personne qui ne voie, même sans disséquer, qu'elle a été imaginée[93], puisque la partie ascendante requiert plus de sang que la partie inférieure qui va aux vertèbres lombales, ceci contre l'enseignement de Galien. D'abord, ni la vésicule biliaire, ni l'estomac, ni les intestins, ni l'omentum, ni le mesentère, ni la rate ne reçoivent de branche à partir de la veine cave, et ces organes sont tous situés en-dessous du foie. Seuls les reins, l'autre vessie[94], les testicules, les jambes et la partie inférieure de l'abdomen reçoivent du sang de la branche descendante de la veine cave. Au contraire, la branche ascendante nourrit le septum transverse [diaphragme] et tout le thorax. Vous apprendrez que la région du thorax la plus proche du foie et s'étendant jusqu'à la deuxième vertèbre lombale, tire sa nourriture de la veine sans pair [veine azygos]cc F,F . Ensuite, [la branche ascendante nourrit] les bras, le cou et toute la tête- pour ne rien dire ici de l'abondance de sang portée par tant de veines dans le cerveau, ni de celle apportée au cœur et qui est utile non seulement au cœur et aux poumons, qui sont les viscères les plus grands, mais aussi à toutes les artères que nous croyons être pleines de ce sang qui a été porté au cœur, et qui est enfin utile aux artères elles-mêmes. Si on compare tous ces organes avec la branche descendante de la veine cave, comment peuvent-ils contenir moins de sang qu'elle[95]? Mais pourquoi et à quoi bon réunir ces arguments pour ruiner ce précepte de Galien, alors que pour les étudiants qui en ont été avertis, la dissection suffira largement à réfuter non seulement ce précepte précis, mais tous les autres, très nombreux, qu'on lit partout dans ses livres au sujet des Doctrines d'Hippocrate et de Platon , et que les médecins ont volontiers acceptés, à cause de leur manque d'habileté à disséquer, et parce que nous accordons aux autorités une confiance excessive, comme si c'étaient des oracles d'Apollon. Pour ma part, je laisserais ici de côté les préceptes de Galien et je serais heureux de poursuivre [la description] de la branche ascendantedd B de la veine cave, car mon exposé, juste conforme à la vérité, serait moins long et beaucoup plus facile si je ne devais pas l'interrompre à cause de Galien. Mais son autorité est telle, et mon respect envers lui si grand que si je n'indiquais pas moi-même les passages où je ne suis pas d'accord avec lui, tout le monde serait persuadé que mes propos sont complètement faux, alors qu'il est facile de les mettre en relation avec une dissection humaine pour voir clairement si j'ai tort de m'écarter de Galien. Quoi qu'il en soit ailleurs, c'est bien ce qui arrive ici en ce qui concerne la disposition de la veine cave, et c'est bien contre mon gré. Je vais donc commencer [par ma description des faits réels] aussi soigneusement que possible et j'indiquerai ensuite les passages où mon exposé diffère des enseignements de Galien.Le passage de la veine cave et de ses branches à travers le diaphragme Donc, la veine cave perce la partie nerveuse du septum transverse [diaphragme]ee ∫ près de Δ dans la table VII des muscles sur le côté droit à travers un foramen qui lui est particulier, perforant en même temps l'enveloppe du cœur [péricarde],ff C,D,E,F,G dans la fig. 3 du livre VI ; B,B dans la fig. 4 qui est attachée au diaphragme et qui lui est continue sur une distance considérable non seulement à d'autres endroits mais ici notamment, à l'endroit où la veine cave traverse le diaphragme et présente à ce dernier deux branchesgg l'une d'elles est annotée C remarquables, courant par une multitude de ramifications dans toute la région du diaphragme et diffusant également de petites branches dans l'enveloppe du cœur, là où il est attaché au diaphragme.Ouverture de la veine cave dans la cavité droite [ventricule droit] du cœur Dès que la veine cave a franchi le diaphragme,hh D dans la fig. 5 du livre VI elle s'avance légèrement vers la gauche et vers le côté droit de la baseii C,D dans la fig. 4 du livre VI
k D et aussi C,C,C dans la fig. 7, livre VI
du cœur, elle s'ouvre sur son propre côté gaucheket s'étend vers le ventricule droit du cœur, non pas au moyen d'un quelconque rameau ou petite branche, comme l'écrit la lie des Anatomistes, mais seulement par un foramen ou une fissure si ample[96]que l'ampleur de la veine cave ne supporte pas la comparaison.La veine entourant la base du cœur L'oreillette droite du cœurll B dans la fig. 5, livre VI est ici attachée à l'avant de la veine cave. À l'arrière de la connexion entre la veine cave et le cœur, s'avance une grande veinemm E et aussi G dans la fig. 7 du livre VI et D dans la fig. 6 (et non pas une petite veine, commeGalienl'enseigne dans le livre de L'anatomie des veines ) qui

×Passage très difficile, phrases très longues et embarrassées, qui peuvent exprimer la crainte de Vésale de trop s'avancer ou encore ses doutes.
×Il s'agit de la vessie urinaire, le nom de vesica étant donné également à la vésicule biliaire (vesica fellea).
×Il faut remonter à l'origine de la démonstration : Galien affirme que la veine cave ascendante contient moins de sang que la veine descendante, elle devrait donc nourrir moins d'organes. La dissection prouve le contraire. Donc la veine ascendante contient au moins autant de sang que celle qui nourrit les membres inférieurs. La démonstration constitue l'application d'un raisonnement logique fondé sur une observation, et élargi dans la phrase suivante.
×Vésale décrit ici l’orifice tricuspidien qui ouvre l’atrium droit dans le ventricule droit. Il fait de l’atrium droit une cavité apposée au cœur, ouvrant la veine cave (qui est en réalité double : veine cave supérieure et veine cave inférieure) dans le cœur. Ainsi, pour lui, l’orifice tricuspidien (atrio-ventriculaire droit) comportant une valve à trois valvules, est l’orifice d’abouchement de cette veine dans le ventricule droit. La minceur de la paroi de cet atrium a conduit Vésale à l’intégrer au système veineux et non au cœur lui-même, ce qui, morphologiquement, n’est pas dénué de sens. Cf. Epitome (trad. J. Vons et S. Velut), p. 128 n. 117 et p. 130 n. 145.