Livre III
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Cependant, dans les affections des poumons, du cœur, du foie, de l'estomac, de la rate et des reins, ce n'est pas seulement Hippocrate, mais tout le choeur des médecins, qui incise la veine de l'avant-bras. Mais puisque ces points et quelques autres paradoxes ont été traités dans la Lettre citée ci-dessus, je vais poursuivre la disposition de la veine cave sans plus interrompre la suite de mon discours. Je préfèrerais ne pas allonger mon travail qui doit donner la vraie description de l'homme, juste pour ajouter les endroits où il faut être en désaccord avec Galien et réfuter son opinion en quelques mots ; et parce que j'ai pour lui une grande vénération, je ne voudrais pas non plus être obligé de m'excuser trop souvent, afin d'apaiser les esprits de braillards[113]de ma connaissance, prompts à lancer de merveilleuses rodomontades, quand ils réussissent une ou deux fois à justifier Galien et à l'acquitter de l'erreur par de petites explications sans intérêt, et sans se soucier du fait que je vais montrer sans l'ombre d'un doute (mais contre mon gré) qu'en d'innombrables passages ses enseignement sont en désaccord avec la vérité.C'est pourquoi il n'est pas nécessaire que j'ajoute toujours à mon exposé les passages où je m'écarte des enseignements de Galie En effet, à ce jour, j'ai plusieurs fois expérimenté que les hommes de cette espèce se vantent généralement devant ceux qui n'ont pas d'expérience des dissections, quand ils ont imaginé une quelconque explication pour excuser Galien ou, comme ils le disent eux-mêmes, pour harmoniser plus ou moins ses propos avec ce que j'ai montré. Eux-mêmes savent bien avec quelle honte ils se présenteraient ensuite dans des dissections publiques, s’ils devaient m’opposer leur Achille[114] !Cours de la veine cave dans la gorge Donc, après avoir produit la veine azygos, la veine cave monte verticalement sous l'os de la poitrine [sternum]ll De F à H en direction de la gorge, en étant parfaitement supportée par les membranes divisant le thorax ; à cet endroit dans la gorge, elle repose sur le corps mou et glanduleux [thymus]mm F dans la fig. 2, livre VI que les Grecs appellent thymos, et les Latins « gland », du nom commun aux glandes. Cette glande se trouve au sommet du thorax, pour garder à l'abri de toute nuisance les très nombreuses distributions de vaisseaux suspendus à cet endroit.Division de la racine de la veine cave dans la gorge Arrivée à cet endroit,nn H la veine cave se divise en deux grands troncs [veines brachio-céphaliques droite et gauche] desquels dépendent toutes les branches de la partie de la veine cave qui se dirige vers le haut du corps. Du tronc situé à gauche comme de son symétrique à droite, sort une grande veine [veine sous-clavière] ;oo I elle s'attache à la première côte thoracique en lui présentant un grand nombre de branches, puis chemine en passantpp comme F sous E dans la fig. 1 du livre VI sous la clavicule et dans l'aisselle.Origine de la veine constituant la veine axillaire. La veine gagnant les espaces intercostaux supérieurs De la racine de la veine axillaire sort une petite veine,qq K qui s'étend vers le bas par les racines des côtes jusqu'à la troisième côte en présentant de petites ramifications aux trois- parfois deux- espaces intercostaux supérieurs[115]. Cette veine ne procède pas toujours de la racine de celle qui rejoint l'aisselle, mais elle débute quelquefois dans la veine cave avant que celle-ci ne se divise en deux grands troncs. Vous observerez parfois qu'elle est absente ou bien aussi fine qu'un fil d'araignée, ceci parce que ces espaces intercostaux plus petits tirent suffisamment de nourriture de la veine axillaire qui repose sur eux ou quelquefois des ramifications de la veine azygos (ceci le plus souvent à droite).Les veines cheminant sous le sternum De la partie antérieure de cette grande division dans la gorge,rr H procèdent deux veines [veines thoraciques internes],ss l'une d'elles est indiquée par L ; les deux veines sont visibles à B et C dans la fig. 2 du livre VI qui vont en-dedans, vers le sommet [manubrium] de l'os de la poitrine [sternum], et cheminant sous lui, elles dispersent un grand nombre de ramifications. La veine située à gauche (cela vaut aussi pour la veine située à droite) le long du côté gauche du sternum, à l'endroit où les cartilages des côtes s'articulent avec lui, descend en direction des parties supérieures de l'abdomen, distribuant dans sa course une branche à chacun des six espaces entre les sept côtes supérieures ; elles prennent fin à la terminaison du sternum à l'endroit où la veine azygos cesse d'envoyer des branches,tt G,G comme nous l'avons dit. Cependant, comme nous venons de le décrire, à partir des branches de la veine azygos, des vaisseaux se propagent en-dehors de la cavité thoracique vers les muscles couchés sur les côtes ; de même, à partir des veines disséminées en direction des espaces entre les cartilages, de petites branches méritant l'attention se propagent vers les muscles couchés sur le thorax et jusqu'aux mammelles, si des rameaux sont dérivés vers ces dernières à partir des veines s'étirant le long du sternum. Ce qui reste [veine épigastrique supérieure]uu K dans la fig. 1 du livre V ; a dans la planche VI des muscles, dans laquelle vous pourrez également examiner le muscle droit f cheminant sous le sternum se distribue vers le bas sur le côté du cartilage ensiforme [processus xiphoïde] dans la partie charnue des muscles droits de l'abdomen. Les veines émergeant de la cavité thoracique cheminent sous les muscles droits vers le milieu de l'abdomen, en présentant de petites branches aux parties proximales symétriques. La branche principale se dirige vers la peau de l'abdomen, elle s'étend en diagonale le long des terminaisons des cartilages des côtes et se termine en petites veines grêles, aussi fines que des cheveux. Par ailleurs, les plus grandes branches s'étendent sous les muscles droits et se terminent en nombreux rameaux au-dessus de l'ombilic ;xx M ils se mêlent à la substance des muscles droits de l'abdomen, face aux terminaisons des veines [veines épigastriques inférieures]yy Γ qui montent depuis les parties génitales sous les muscles droits, comme vous l'apprendrez dans le cours de mon exposé, lorsque j'expliquerai quelle fonction nous pensons qu'ils accomplissent dans la transformation du sang menstruel en lait, et dans la transformation du sang provenant de la région des seins vers l'utérus pour nourrir le fœtus. Vous remarquerez que l'origine de ces veines cheminant sous l'os de la poitrine [sternum] se situe généralement à l'avant et au milieu de la bifurcation dans la gorge, mais j'ai observé quelquefois que ces veines provenaient des racines des veines axillaires,zz depuis I lorsque ces dernières ont parcouru latéralement une certaine distance depuis le milieu de la gorge. De même, j'ai quelquefois vu une de ces veines provenir de la veine axillaire, surtout à gauche, et l'autre de la bifurcation même ; et il arrive souvent qu'une seule veine émerge de l'avant de la veine cave, à l'endroit où celle-ci se divise en deux grands troncs [veines brachio-céphaliques] : cette veine se dirigeant vers le sommet du sternum,

×Rabula = braillard. Le terme est utilisé dans la Lettre à Oporinus, voir Fabrique, préface, y accéder
×L'expression était utilisée dans les controverses pour désigner le principal argument sur lequel on s'appuie : « il a fait son Achille de ce principe », c'est-à-dire on ne peut rien lui opposer. Emploi ironique ici ! Voir Collectif Grand vocabulaire françois, Paris, C. Panckoucke, 1767, tome I, p. 293.
×Les trois premières veines intercostales gauches peuvent se drainer dans la veine brachio-céphalique gauche par la veine intercostale supérieure gauche.