Livre IV
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Le nerf gauche avait un trajet identique, mais avec un considérable espace entre le nerf droit et le gauche.

La figure montre le trajet des nerfs décrits ici. A indique une petite partie du cerveau.

[Illustration]

Je sais bien qu'aucun étudiant passionné par la connaissance des œuvres de la Nature ne mettra en doute le zèle et l'intérêt avec lesquels nous avons interrogé les proches de cet homme pour savoir s'il avait toujours vu double, mais il m'a été impossible d'apprendre quoi que ce soit, sinon qu'il ne s'était jamais plaint de sa vue, qu'il avait toujours eu une bonne vue et que ses proches n'avaient jamais rien entendu au sujet d'une vision double[49]. Lorsque Cassius[50] et quelques autres, recherchant les raisons pour lesquelles une blessure ou toute autre lésion à la partie droite du cerveau affecte le côté gauche du corps à cause d'une paralysie des nerfs[51], alors que le côté droit demeure intact, affirment que tous les nerfs se croisent à leur origine et que les nerfs originaires du côté droit du cerveau et de la moelle spinale se distribuent dans la partie gauche du corps, et vice versa, cela me semble une très jolie invention fabriquée en rêve par ceux qui recherchent des Problèmes[52]. En fait, l'origine sur le côté droit de lakk dans la fig. 1
l M,L dans la fig. 1
m Z dans la fig. 1
deuxième, troisièmea et quatrièmem paire de nerfs est distante de quelques doigts de l'origine de ces paires à gauche, pour ne rien dire des autres nerfs. De même je ne dirai pas comment j'ai souvent observé que les nerfs optiques des porcs ne sont pas continus [dans leur substance], mais qu'ils ressemblent aux nerfs des jambes, formés d'un grand nombre de cordelettes, ceci pour éviter que mon exposé ne dévie en une dispute trop prolixe, surtout contre ces professeurs d'anatomie qui ont transmis à leurs descendants l'idée que le côté droit du cerveau est entièrement séparé du gauche[53].

Chapitre V. La deuxième paire de nerfs crâniens

La sortie de la deuxième paireaa K dans les fig. 1 et 2 ; G dans les fig. 14 et 15, livre VII
b G dans la fig. 1
de nerfs [nerfs oculomoteurs (III)] ne se fait pas au bas ni au milieub de la base du cerveau (ceci par rapport à la symétrie), comme le fait la première paire. Les nerfs de cette deuxième paire sont beaucoup moins gros que les nerfs optiques, bien qu’ils soient parfois plus durs qu'eux et que leur fonction soit complètement différente. Ils sont donc originaires des côtés de la base du cerveau, un peu plus en arrière que les nerfs optiques, parce que cette région du cerveau est un peu plus dure que celle d'où émergent les nerfs optiques. Et cela est justifié : puisque les nerfs de la deuxième paire devaient s'insérer sur des muscles, ils devaient être plus durs que les nerfs optiques. Le nerf du côté droit (et cela est valable pour le nerf gauche et pour toute la disposition des nerfs, sauf si je mentionne spécialement quelque chose d’autre dans mon exposé) s'avance sous le côté de la base du cerveau en direction d'un foramencc G dans la fig. 1 et 3, chap. 12, livre I à la racine des orbites oculaires [fissure orbitaire supérieure], foramen qu'il partage avec quelques autres vaisseaux. Dès qu'il émerge de la cavité crânienne, il se sépare en branches, présente des rameaux aux sept musclesee Voyez les fig., chap. 11, livre II intrinsèques de l'oeil, et est préposé à leurs mouvements.

Chapitre VI. La troisième paire de nerfs crâniens

Chaque racine symétrique de la troisième paire est doubleL'origine de la troisième paire de nerfs [nerf trijumeau (V)] est une racine symétrique double : on appellera « troisième paire » précisément la plus grosseaaaa M dans les fig. 1 et 2 ; I dans la fig. 14, livre VII des racines [nerf mandibulaire], mais l'autre [nerf ophtalmique]bbbb L dans les fig. 1 et 2 ; H dans la fig. 14, livre VII qui est bien plus fine et plus dure, ne se joint jamais à la plus grosse, ni à son origine, ni au cours de son trajet. L'origine de celle-ci se trouve à l'arrière de la première et en est séparée par un grand espace, au point que l'on pourrait affirmer que cette petite racine fine constitue une paire en soi plutôt qu'une partie de la troisième paire.Origine et disposition de la plus fine des racines Mais puisque tous les éminents anatomistes ont assigné cette fine racine postérieure à la troisième paire, rien ne s'oppose à ce que je fasse de même, pour la clarté de mon enseignement ; je veux cependant auparavant avertir les étudiants que dans le livre de laDissection des nerfs(que j'ai considéré comme un fragment de livre de Galien)[54], il est dit à tort que la troisième paire est plus molle que la deuxième. Donc, la plus fine racine de la troisième paire a une origine latérale par rapport à la base du cerveau, à l'endroitcccc D dans la fig. 1 d'où est originaire également la moelle spinale. De là cette racine progresse en ligne droite en avant, perfore la dure-membrane du cerveau et progresse avec la deuxième paire de nerfsdddd K dans les fig. 1 et 2
ee G dans les fig. 1 et 3, chap. 12, livre I
à travers un foramen communee en direction des orbites oculaires [fissure orbitaire supérieure] ; là elle se sépare immédiatement en quatre petites branches. La premièreff N dans la fig. 2 ; H dans la planche IV des muscles monte vers le haut dans la graisse recouvrant les muscles des yeux, elle passe à travers un foramengg A dans la fig. 1, chap. 12, livre I individuel[55]et se disperse dans la peau du front et dans la substance musculeusehh A dans la planche III des muscles de cette région ; elle est préposée aux mouvements de la peau du front et de la paupière supérieure [branche ophtalmique (V1)]. La deuxième brancheii O dans la fig. 2 ; I dans la planche IV des muscles se dirige en bas, vers un foramen [foramen sous-orbitaire]kkkk B dans la fig. 1, chap. 12, livre I incisé pour son usage personnel, jusqu'à atteindre l'avant de la mâchoire supérieure ; elle dispense de nombreux rameaux dans les musclesllll H,F dans la planche III des muscles qui meuvent latéralement la lèvre supérieure et l'aile du nez, et enfin dans la lèvre elle-même et dans la gencive des dents incisives [branches du nerf maxillaire (V2)]. Une troisième petite branchemmmm P dans la fig. 2 utilise également un foramen individuel [gouttière lacrymo-nasale]nnnn C dans la fig. 1, chap. 12, livre I
oo λ dans la fig. 19, chap. 14, livre VII
et passant derrière la caronculeoo visible dans l'angle interne de l'oeil, elle s'avance dans la cavité nasale, et là se perd

×La réfutation de Galien est faite ici à travers des anecdotes qui se réfèrent à des expériences personnelles : vivisection animale, dissection du nerf optique humain post mortem et interrogatoire des proches pour en apprendre davantage sur les conséquences d’une mutilation ou d’une variation anatomique. Le récit est mené avec méthode, l’écriture est fluide.
×Il peut s'agir de Cassius Félix, dont l’on situe l’activité vers 450, originaire de Numidie, probablement médecin, et auteur d'un abrégé en latin des savoirs médicaux grecs antiques concernant les maladies et leurs traitements, intitulé De medicina [éd. par Anne Fraisse, Les Belles Lettres, Paris, 2002], voir Vivian Nutton, Ancien Medicine [2de éd.], Routledge, Londres et New York, 2012, p. 306-307, mais plus vraisemblablement de Cassius Iatrosophista, dont les Problemata venaient d'être traduits en latin et publiés chez Wechel à Paris, que Vésale semble désigner ironiquement dans la phrase suivante. Voir Patin, Autres écrits : Consultations et mémorandums (ms BIU Santé, 2007) 5, note 3.
×L'expression Nervorum resolutio était déjà chez Celse comme synonyme d'apoplexia, traduisant le grec παράλυσις (éd. consultée : De medicina III, 27, 1, éd. E.H. Warmington, Harvard University Press, Londres, 1971, p. 344). Voir note suivante.
×L'auteur des problèmes pourrait être Cassius dit Iatrosophista (philosophe et médecin du 2e siècle), auteur d'un ouvrage De animalibus medicæ quæstiones et problemata, traduit en latin par Hadrianus Junius et publié à Paris chez Chrétien Wechel en 1541. Voir Daniela Manetti, «I problemi di Cassio Iatrosofista . Difficultà di datazione e scoperte preziose », Medicina nei secoli, 2012, 24(2), p. 423-40.
×Allusion ironique aux expériences de Galien sur les porcs. La critique de Galien considérant que le cerveau est complètement séparé en deux hémisphères cérébraux sera reprise dans le livre VII de la Fabrique, p. 632.
×Dans la préface de L'anatomie des nerfs du corps humain de Galien, publiée chez Martin le Jeune, à Paris, en 1556, l’auteur de la traduction reproche à Vésale d'avoir repris « assez liberalement ce qui est dit au quatriesme chapitre de ce livre », par méconnaissance des anciens textes grecs.
×Foramen sus-orbitaire, plus fréquemment échancrure sus-orbitaire dans l’os frontal.