Livre IV
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Chapitre XII. Disposition des sept paires de nerfs émergeant des vertèbres cervicales

Si vous n'avez pas encore oubliéaa Si nécessaire, revoyez éventuellement les fig. du chap. 15, livre I la forme de l'articulation de la première vertèbre cervicale avec l'os occipital, ni celle de la seconde vertèbre avec la première, qui ont été expliquées antérieurement[107], vous admirerez sans aucun doute maintenant la prévoyance de la Nature qui a prévu pour la première et la seconde paire de nerfs un passage spécial, différent de celui pour les autres nerfs de la nuque et du thorax. La forme de l'articulation entre les deux premières vertèbres empêchait en effet les deux premières paires d'émerger ; la Nature a donc aménagé deux sorties symétriques pour chaque paire : une à l'avant du corps de la vertèbre, l'autre à l'arrière, comme dans le sacrum[108].Quel passage la Nature a prévu pour la première paire Pour préparer un passage adapté au rameau postérieur marqué** F dans la fig. 3 de la première paire, la Nature a creusé un canal [canal vertébral]bb V dans les fig. 3 et 11, chap. 15, livre I au sommet de la première vertèbre près de sa racine et à l’arrière de son articulation avec la tête et, ayant également incisé une fossecc H dans la fig. 1 du même chap. dans l'os occipital [fossette rétro-condylienne], elle a fait en sorte que le foramen de la première vertèbre cervicale soit commun avec l'os occipital [foramen intervertébral ou trou de conjugaison]. Car si elle avait creusé un foramen uniquement dans cette fine vertèbre (comme chez les chiens qui ont cette vertèbre plus grande) qui manque de vigueur par elle-même, la Nature l'aurait rendue encore moins forte par des trous multiples[109]. Aussi, pour que ce foramen fût le plus étroit possible, elle a donné une origine postérieure [dorsale] très fine à la première paire [premier nerf cervical] et l'a distribuée seulement dans les musclesdd G,F dans la planche 14 des muscles qui vont de la première vertèbre cervicale à l'os occipital [muscle petit droit postérieur de la tête] et dans ceuxee H,I dans la planche XIV qui vont de l'os occipital dans les processus transverses de cette vertèbre où ils s'insèrent [muscle petit oblique de la tête]. Ou pour le dire plus clairement, ce rameau est distribué dans la quatrième et la cinquième paires de muscles moteurs de la tête : à droite il se perd dans les muscles du côté droit ; à gauche, il se perd dans les muscles du côté gauche- ce dernier point sera sous-entendu pour la disposition de tous les nerfs, sauf si j'ajoute autre chose. Par ailleurs une brancheff G dans les fig. 2 et 3 issue de ce rameau postérieur [dorsal] de la première paire chemine également vers le début du musclegg Q dans la planche XIII des muscles élévateur de la scapula, qui est originaire du [processus] transverse de la première vertèbre cervicale et de quelques vertèbres inférieures. Le deuxième rameauhh H dans la fig. 2 de la première paire n'est pas toujours visible, car il est très fin ; il est originaire de la région antérieure [racine ventrale] de la moelle spinale et émerge entre la première vertèbre cervicale et l'os occipital à côté du ligament rondii I dans la fig. du chap. 30, livre II qui relie le processus de la deuxième vertèbre (que nous comparons à une dent) à l'occiput. Comme il est extrêmement fin, il disparaît rapidement dans les muscleskk A,B dans la planche VIII des muscles originaires de la partie antérieure des vertèbres et qui sont considérés comme la première paire de muscles moteurs du rachis [muscles longs du cou].Sortie et disposition de la deuxième paire Puisque la deuxième paire de nerfs [nerfs cervicaux C2] ne pouvait pas émerger latéralement -comme le feront les paires suivantes-, parce qu’elle était gênée par l'articulation des deux vertèbres au-dessus d’elle ou parce que l'articulation risquait d'être affaiblie si un grand foramen avait été incisé dans ces vertèbres, la Nature a voulu éviter que cette paire fût endommagée : elle a pensé qu'il serait plus adapté de faire émerger la deuxième paire de nerfs en plus grand nombre de deux origines ou rameaux ; elle a fait sortir le rameaull I dans la fig. 3 postérieur, qui est plus épais que le rameau antérieurmm N dans la fig. 2 (bien qu’il paraisse lui-même fin), à travers les côtés latéraux du processus postérieur de la deuxième vertèbre, que nous appelons « épine » [processus épineux], et là elle lui a préparé un chemin tout à fait adapté et totalement sûrnn r dans les fig. 10 et 11, chap. 15, livre I ; ce sillon est indexé q dans la fig. 4 et p dans la fig. 6 (comme nous l'avons enseigné dans le premier livre). Ce rameau, plus gros que les deux rameaux de la première paire, se divise également en nombreuses petites branches. En effet, dès qu'il émerge, il se divise en deux branches de grosseur inégaleoo I dans la fig. 3 [branche latérale et branche médiale] : la branche la plus épaisse [grand nerf occipital]pp K dans la fig. 3 court transversalement vers le haut, plus ou moins de l'avant à l'arrière , depuis les côtés latéraux de l'épine de la deuxième vertèbre vers le milieu de cette épine [processus épineux], où les muscles symétriques occupant l'arrière de la nuque se rencontrent. Là, elle est augmentée par un rameau de la troisième paireqq S dans la fig. 2
r L dans la fig. 3
qui s'étend vers cet[110]endroitr ; à partir du point de rencontre des muscles déjà mentionnés, elle chemine en dehors, et prenant une direction complètement opposée, elle court de l'arrière à l'avant et en haut vers la tête et là, elle disperse des rameauxss M,M dans les fig. 2 et 3 dans toute la peau de la tête, aussi bien celle autour des oreilles que celle derrière les oreilles jusqu'au sommet de la nuque[111]. Le trajet de cette branche[112]doit être examiné avec le plus grand soin, à cause de la disposition des paires suivantes. En effet, les branchestt Voyez le milieu de la fig. 3 de ces paires cheminent depuis les côtés des vertèbres à leur épine, et de là, elles s'étendent en droite ligne en dehors, à travers la rencontre mutuelle des muscles symétriques ; ensuite elles montent à nouveau depuis les apex des épines ou processus postérieurs vers l’avant, du milieu du rachis ou sur le côté des vertèbres, et elles se dispersent dans les muscles originaires des apex des épines, comme la disposition des nerfs qui suit le montrera dans l'ordre. Par ailleurs, la plus petite brancheuu Au-dessus et à gauche de I dans la fig. 3 du rameau postérieur [dorsal] de la deuxième paire est distribuée dans les débuts des muscles proximaux : ce sont les muscles de la troisième paire [muscle grand droit postérieur de la tête] et de la sixième paire [muscle grand oblique de la tête] parmi ceux qui président aux mouvements de la tête comme nous l'avons dit. Le rameau antérieur [ventral]yy A,B,K,L dans la planche 14 des muscles de la deuxième paire, très fin, est originaire de l'avant de la moelle spinale et émerge entrezz M près de Γ dans la fig. 11, chap. 15, livre I la première et la deuxième vertèbre, à côté de la racine du processus de la deuxième vertèbre que nous comparons à une dent. Il se disperse immédiatement dans les musclesaaaa A,B dans la planche VIII qui sont attachés à la face antérieure des vertèbres cervicales et qui constituent la première paire de muscles moteurs du rachis [muscles longs du cou]. La troisième paire de nerfsbbbb chiffre 3 dans la fig. 2

×Fabrique I, 15, p. 64-65.
×Il s'agit de la branche antérieure ou ventrale et de la branche postérieure ou dorsale correspondant à la division du nerf cervical.
×Cette description résume la longue description anatomique du livre I de la Fabrique, p. 65-66.
×De C1 à C4, Vésale décrit successivement les anastomoses des nerfs qui constituent le plexus cervical.
×Le texte porte uerticis summum (« le sommet du vertex ») au lieu de ceruicis. L’erreur est signalée dans les emendatiores lectiones, avant l’index final.
×On aura une idée de l'extrême précision des descriptions des nerfs spinaux par Vésale si on les compare avec celles de son successeur à Padoue, Realdo Colombo, De re anatomica liber VIII 4 (ed. et trad. par Gianluigi Baldo), Paris, Les Belles Lettres, 2014, p. 558 et sq. Si Colombo rend hommage à l'admirable et minutieuse description du système nerveux chez Vésale ([Vesalius]indefessus in nervorum distributione, quæ mihi admirabilis esse videtur, p. 585), il critique néanmoins certaines erreurs, mentionnées dans les marginalia, au même titre que celles de Galien (Galeni error ; Vesalii error).