Les Œuvres complètes
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Après cette époque, rien ne fut accompli dans cet art qui mérite d’être rappelé : copier Galien était la plus grande gloire que l’on recherchât pour soi. En ce temps là, l’opinion commune était de juger vraie la fabrique du corps, si l’on avait auparavant compris ce que Galien avait dit à ce sujet. On croyait que la nature elle-même avait eu recours seulement à la main de l’artiste pour être représentée, et qu'elle ne lui avait jamais donné de mots pour être traduite fidèlement et pieusement. Que l’esprit humain est enclin à se détourner du dur labeur d’explorer pour aller vers le désir de croire ! Les médecins ont traité de ces parties sans utiliser leurs mains pour les toucher ni leurs yeux pour les examiner, sans patience pour les apprendre ni soin pour les décrire fidèlement ; mais méprisant tout effort pénible et se détournant par indifférence de toute recherche laborieuse, forts de leur seule crédulité, ils ont considéré comme vraies la structure du corps et ses actions, telles qu’ils les avaient comprises d’après les livres de Galien dans leur bibliothèque. Et les Arabes ensuite n’ont rien apporté de mieux malgré la subtilité de leur esprit et le zèle admirable qu’ils ont déployé dans l’art médical : en effet, ils ne juraient que par les mots de Galien, et n’ont pas cherché à le dépasser en savoir. Aussi, depuis l’époque de Galien jusqu’à Mondino, une seule et même doctrine fut répétée, et rien, ou presque rien, ne fut apporté à l’art médical qui apparût clairement comme nouveau ou qui fût de quelque importance.

Louons donc l’Italie, elle qui, la première, a exhumé avec un zèle admirable les antiques écrits de cet art si noble, a perfectionné de nouveaux instruments pour le faire progresser avec des résultats heureux, et a établi un enseignement vrai par ces deux moyens. En effet, de même que cette nation subtile, d’un naturel clairvoyant, a voulu faire émerger et revivifier les lettres romaines et grecques ensevelies sous des procédés barbares, et qu’elle les a données en partage à l’Europe entière, de même elle a retiré des profondes ténèbres les sciences libérales écrites dans un langage pur et les a amenées à la lumière. Nous donnons donc la palme à l’Italie, car c’est la vérité seule que nous poursuivons. Ce fut alors, en 1315, qu’un homme, le premier depuis Galien, associa l’esprit et la main dans son travail, et donna au public un livre sur l’anatomie, dans lequel il apparaît clairement que l’auteur a pratiqué cet art. La nouveauté de l’ouvrage obtint un tel succès qu’un décret public ordonna la lecture du livre de Mondino sur l’anatomie dans les académies italiennes, et que cela fut scrupuleusement observé pendant près de trois cents ans. À partir de là, si quelqu’un trouvait quelque chose de nouveau, cela était généralement attribué à Mondino. Ensuite le grand Alessandro Achillini de Bologne fit paraître en 1520 ses notes sur Mondino, publiées par son frère Filoteo Achillini. En 1521, le livre de Mondino fut rendu plus clair par les très longs et très utiles Commentaires de Giovanni Berengario da Carpi, professeur à Bologne, qui fut un véritable Hérophile italien. Il fut l’homme qui renouvela l’anatomie en l’asseyant sur de solides fondements, et qui lui donna une finition quasi parfaite en la résumant dans un Isagoge publié en 1523. Mais il convient de regarder de plus près les conditions des études anatomiques en Italie à cette époque. Nous louons chez Mondino la description succincte et naturelle des parties [du corps humain], dans l’ordre où elles se présentent au prosecteur, et nous louons le soin apporté à l’exposition. Mais le style de la description est déplaisant, composé le plus souvent de remarques sèches, s’écartant plus d’une fois de la vérité, et sans que les préceptes de l’art soient clairement définis.