Les Œuvres complètes
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comme il l’écrit lui-même[33]. Il loue aussi l’aide considérable que Nicolas de Stoop (Nicolas Stopius) lui apporta dans ces circonstances. Il mentionne également au même endroit son graveur, qu’il ne nomme pas, mais que nous savons être Johann van Calcar, le plus habile de tous les artistes[34]. En tout cas, même en notre siècle, les experts en cet art avouent reconnaître sa main. Alors qu’il devait avoir recours à leur talent, Vésale fut tellement accablé par ces artistes que, désespéré, il pensait que devoir supporter ces esprits talentueux si atrabilaires le rendait plus misérable et plus malheureux que ceux-là mêmes dont il recevait le corps pour ses dissections[35]. Quelles dépenses il dut supporter pour convaincre les plus grands artistes de dessiner ces horribles corps d’écorchés, alors que ces gens n’aiment représenter que l’Amour vivant et entouré des Grâces ! Mais l’esprit généreux de ce grand homme était prêt à tout pour cela. Ces planches qu’il avait achetées de ses propres deniers, il préféra les donner ensuite gratuitement à des imprimeurs, en y ajoutant même quelque gratification, plutôt que de souffrit qu’elles soient abîmées et détériorées ou que leur format soit diminué. Lorsque quelques-unes de ces planches furent prêtes, déjà avant 1539, le père de l’auteur les offrit à l’empereur Charles Quint qui les contempla avec beaucoup de plaisir et posa de façon tout à fait appropriée des questions sur chacune d’elles : aussi Nicolas Florenas, archiatre de l’empereur, écrivit à Vésale que les planches avaient reçu l’approbation totale de Sa Majesté et des hommes les plus éminents.

On en déduit que ces planches étaient peu nombreuses, parce qu’aux calendes de janvier 1539, après que les planches eurent été approuvées par l’empereur, Vésale écrit qu’il avait déjà terminé deux nouvelles planches sur les nerfs mais qu’il n’avait pas encore achevé les figures des muscles ni celles des parties internes : il avait cherché en vain comment réaliser ce travail le mieux possible, et il ne se cachait pas les difficultés du travail, du moins s’il pouvait compter sur l’opportunité de trouver des cadavres et sur la main habile de Jean Estienne. D’où il appert que l’ouvrage était achevé dans cet intervalle de temps, parce que l’empereur accueillit favorablement l’ouvrage qui lui était dédié, les deux parents de Vésale étant encore en vie, et cela eut lieu aux calendes d’août 1542[36], alors qu’il adressait les cahiers de l’Epitome publiés aux nones d’août 1542 à Philippe, le fils de Charles Quint. L’un et l’autre furent écrits à Padoue. Ensuite en 1546, il se rendit à Bâle en réfléchissant à une nouvelle édition. Là, il eut l’occasion de pratiquer une dissection, et il érigea un squelette masculin qu’il donna à l’auditorium de médecine ; ce squelette subsiste encore aujourd’hui avec l'inscription suivante : « André Vésale de Bruxelles, archiatre de l’empereur Charles Quint, sur le point de publier des commentaires de grande valeur aux Procédures anatomiques[37], dans cette ville royale, a montré et érigé le squelette masculin que vous voyez, comme un exemple de son art et de son habileté, l’année du Christ 1546 »[38]. Pourtout cela, notre auteur méritait des remerciements et des louanges éternelles.

×Allusion à Jean van Calcar et aux Tabulæ anatomicæ sex. Voir aussi la « Lettre à Oporinus » (Fabrica, 1543).
×Boerhaave et Albinus semblent considérer Jean Estienne et Jean van Calcar comme deux individus distincts. Sur N. Stoop et le graveur anonyme, cf. (Lettre à Oporinus *5, www.biusante.parisdescartes.fr/vesale/?e=1&p1=00009&a1=f&v1=00302_1543x00&c1=4
×Tout ce passage est une reprise textuelle de la Lettre sur la racine de Chine (Ep. rad. Ch.), op. cit, 1546, p. 196 (=195).
×Erreur de datation.
×Il s'agit vraisemblablement des annotations au livre de Galien, évoquées par Vésale dans la Lettre sur la racine de Chine (Ep. rad. Ch.), op. cit, 1546, p. 193-194.
×Boerhaave et Albinus reprennent l’inscription donnée par Adam Melchior, Vitæ Germanorum medicorum, et situent la visite de Vésale à Bâle en 1546. Vésale fit toutefois un bref voyage à Bâle en 1547 avant de retrouver l’Empereur à Nuremberg, cf. G. Wolf-Heidegger, « André Vésale et Bâle », Acad. Royale de Médecine de Belgique, Bruxelles, 1964, p. 53-61. Le squelette exposé dans le Vesalianum de Bâle aujourd’hui est celui de Jacob Karrer von Gebweiler, que Vésale disséqua publiquement au cours de l’hiver 1542-43, pendant son premier séjour à Bâle.