Mais ne soyons pas étonnés de la haine des ecclésiastiques envers ce héros : il a vécu à une époque où la vraie culture des langues et des arts libéraux était en pleine renaissance. Ceux qui s’étaient adonnés à l’étude des lettres se plaisaient alors à exposer partout les grossières erreurs des moines, à les ridiculiser, à en rire. Vésale aussi les prit très souvent en défaut. Il ne tolérait pas que des hommes, ignorant complètement la fabrique du corps humain - qui est en plusieurs endroits commune à l’homme et à l’animal -, le menacent de l’accuser d’hérésie si, comme anatomiste, il exprimait librement ses sentiments à l’égard des fonctions du cerveau[53] : c’est ainsi que les plus ignorants pouvaient terroriser ceux qui avaient la science.
En outre, il lui était extrêmement pénible de supporter la morgue des censeurs ecclésiastiques, détestant leur allure sourcilleuse et leur ignorance très crasse. Il n’a pas gardé le silence, mais par ses mots, il a excité leur haine. Il s’est quelquefois amusé à des jeux de mots, attaquant le genre de vie des moines, leurs habitudes, leur vêtement ; il est impossible de lire sans rire ce qu’il écrit avec une certaine liberté, à propos du muscle ‘encapuchonné’, se référant au vêtement des Bénédictins, des Franciscains et des Jacobins[54]. Et il n’épargne pas plus les scholastiques, Albert, Scot, Thomas, quand il se moque de leurs inventions délirantes et totalement fausses à propos des parties de l’encéphale, ce qui leur permet, dans un commentaire puéril, d’assigner à des parties imaginaires des fonctions complètement absurdes, au nom de l’autorité suprême[55]. Il dévoile aussi dans un récit plaisant quelles étaient la chasteté et la sainteté du genre de vie de tels hommes ! Ses étudiants avaient apporté dans l’amphithéâtre pour une démonstration anatomique le cadavre, dérobé au tombeau, d’une très jolie prostituée pour qui un révérend père s’était consumé d’amour, le moine ayant été pris de folie furieuse[56].
Mais en divulguant de tels récits il blessa au cœur l’ordre tout entier et il sut que ce clan qui ne pardonne jamais lui garderait une rancune éternelle. S’y ajoutait la haine des Espagnols qui supportaient difficilement la gloire dont un Allemand jouissait à la cour, et dont la jalousie était accrue par ses succès heureux. Aussi est-ce avec raison qu’Argenterio (Argenterius)[57]écrit que Vésale fut quasiment exclu de la cour et de la famille de l’empereur, parce qu’il avait écrit contre Galien, et que les sectateurs de Galien n’ont cessé d’intriguer contre lui, alors qu’ils auraient dû lui témoigner de l’amour et non de la haine, si seulement ils avaient obéi à leurs sens plus qu’à l’opinion et aux préjugés des hommes et s’ils avaient regardé quel profit non seulement l’art médical mais tous les mortels avaient retiré de son divin livre sur l’anatomie. Cela, et ce qui précède, conduisit Vésale à sa perte.
Il écrivit et publia en 1537 une Paraphrase des neuf livres de Rhazès où il se nomme Andreas Wesalius et où il appelle ce premier essai de jeunesse un « prélude » à ses futures études.
En 1538, additions et corrections aux Institutions [anatomiques] de Guinter.
En 1539, Lettre sur la veine à saigner en cas de pleurésie.
Vers 1540, premières Tables anatomiques, imprimées à Venise.
En 1543, Sept livres de la fabrique du corps humain, imprimés à Bâle.
En 1543, Epitome des sept livres de la fabrique du corps humain, à Bâle.
En 1546, Lettre sur l’emploi de la racine de Chine.