Les Œuvres complètes
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provient de bêtes, principalement de chiens, de bœufs, de moutons, surtout de singes à queue et sans queue. Et bien qu’il écrivît cette lettre à Ratisbonne aux ides de juin 1546[42], il ne répondit pas au livre de Dubois avant la fin de l’année 1551. Car Dubois, avant de l’injurier par écrit, avait répandu les mêmes calomnies dans tous ses discours, jusqu’à provoquer la nausée de ses auditeurs. Vésale ne répondit donc rien aux écrits de Dubois, excepté dans la seconde édition de son œuvre. Mais mû par une noble et généreuse intention, René Hener (Renatus Henerus) de Lindau, célèbre médecin, plaida la cause de Vésale contre Dubois[43]. Il vivait à Paris pour ses études et était un auditeur assidu aux leçons de Dubois, à l’époque où ce dernier publia ses attaques contre Vésale ; il fut extrêmement étonné d’entendre son professeur invectiver Vésale dans tous ses discours jusqu’à provoquer la nausée et le dégoût. Mais après avoir vu son libelle plein de rage, il fut indigné, surtout quand il comprit que les professeurs parisiens désapprouvaient ouvertement le même ouvrage. Il avait également entendu les professeurs de Montpellier condamner cet écrit, sans compter qu’il avait appris que Fuchs à Tübingen, Massà à Venise, Rondelet à Montpellier, enseignaient librement l’anatomie en s’opposant à Galien. Encouragé par ces faits, Hener publia le troisième jour des ides de novembre 1554[44]l’Apologie pour Vésale contre Dubois et la raison de cette publication. Bien qu’il reconnût qu’il n’avait jamais vu Vésale, nous pensons qu’il a agi par amour de la vérité autant que par recherche de l’équité ; en tout cas, dans cet écrit, il orne Dubois de ses vertus et mérites. Étrillé, ce dernier ne répondit rien. En 1562, le médecin Francisco Pozzi (Franciscus Puteus) de Vercelli publia en retour une Apologie pour Galien contre Vésale dans laquelle, après une très docte préface consacrée aux inventeurs de la médecine, il poursuit Vésale de traits mordants. Le 20 mars 1563, Gabriele Cuneo (Cuneus) de Milan, qui enseignait l’anatomie à Milan et à Pavie, lui répondit par un livre dans lequel il l’étrillait avec des traits caustiques[45]. Dans son autobiographie, Cardano dit que sous ce pseudonyme, Vésale en personne est l’auteur de cette réponse, que le style en est la preuve ainsi que l’orthographe caractéristique de Vésale. Mais surtout le véritable auteur qui se cache sous le nom d’un autre s’avance à découvert quand il rappelle que comme médecin pendant la guerre, il a examiné beaucoup de cadavres allemands et suisses. Cela peut s’appliquer à un médecin militaire dans le camp impérial, mais difficilement à Cuneo. C’est pourquoi ici nous avons inclus cet ouvrage parmi ceux de Vésale.

Gabriele Falloppio de Modène, ardent admirateur et disciple de Vésale pendant de nombreuses années, professeur d’abord à Pise, puis à Ferrare, enfin à Padoue, publia en 1561 ses Observations anatomiques, après avoir commencé par donner des cours publics à Ferrare pendant treize années, et ouvert une école d’anatomie depuis huit ans déjà pour ses disciples : il reconnaissait que tout ce qu’il avait apporté de neuf en anatomie, il l’avait reçu de Vésale. Il ajouta beaucoup de nouveautés aux découvertes de Vésale, il le corrigea en maints endroits. S’il accuse Vésale d’effronterie excessive dans ses critiques de Galien, il affirme que dans les faits Vésale a dit la vérité en critiquant Galien. Ce livre remplit la fonction d’un commentaire au fil du texte ; aussi, si on le lit en même temps que l’ouvrage de Vésale, on lit un livre d’anatomie parfait.

×Le 13 juin 1546.
×Renatus Henerus, médecin d’origine allemande, inscrit à l’université de Montpellier le 29 août 1554 sous le matricule 1880, in M. Gouron, Matricule de l’université de médecine de Montpellier (1503-1599), Droz, Genève, 1957, f° 259.
×Adversus Iacobi Sylvii depulsionum anatomicarum calumnias pro Andrea Vesalio apologia : in qua praecipuae totius negotii anatomici pene controversiae breviter explicantur, publié à Venise en 1555.
×Gabrielis Cunei Mediolanensis, Apologiae Francisci Putei pro Galeno in anatome, examen, Venetiis : apud Franciscum de Franciscis Senensem, 1564. L’attribution du libelle à Vésale est reprise encore par A. Burggraeve, op. cit., p. 63.