La vogue des Secrets et leurs dangers

<<  <  >  >> 


 

La grande majorité des auteurs de la production imprimée vénitienne n’appartient pas au monde médical ou pharmaceutique, mais est composée d’un petit nombre d’écrivains plus préoccupés de la rentabilité de leur entreprise que de la santé de leurs lecteurs. Le plus connu d’entre eux est Alexis Piémontais.

Les recueils de secrets se multiplient dans toute l’Europe au cours du XVIe siècle et des compilateurs s’emparent aussitôt des textes de leurs contemporains. C’est le cas, en France, avec Michel de Nostredame (1503-1566), dit Nostradamus, qui sous des titres divers reprend à son compte les Secrets des auteurs vénitiens.

Girolamo Ruscelli. De' secreti del reverendo Donno Alessio Piemontese. Prima [-terza] parte. Melano : Giovann’ Antonio de gli Antonii, 1559.
Plus connu sous le pseudonyme d’Alessio Piemontese (« Alexis Piémontais »), Girolamo Ruscelli exerce des fonctions d’éditeur et d’écrivain polygraphe à Rome, à Naples, puis à Venise. Son intérêt pour l’alchimie est à l’origine de l’édition des six livres de ses Secrets publiés pour la première fois en 1555. On y trouve toute sorte de remèdes, allant de la chimie à la médecine aussi bien que des préparations cosmétiques. Cet ouvrage connut un retentissement immense et donna lieu à une centaine d’éditions jusqu’au XVIIIe siècle.
BIU Santé Pharmacie : cote RES 18694.
Giovanni Ventura Rossetto. Notandissimi secreti de l'arte profumatoria... In Venetia : per Francesco Rampazetto, 1555.
Travaillant à l’arsenal de Venise, Gioanni Ventura Rossetti s’intéresse au domaine de l’industrie. Il publie, en 1548, un recueil d’instructions concernant la teinture des textiles. En 1555, paraît son fameux livre des « secrets de parfumerie » qui contient une véritable nomenclature des produits cosmétiques en usage à Venise au XVIe siècle. Edité et réédité durant plus d’un siècle, l’ouvrage de Rossetti présente de véritables innovations chimiques mêlées à tout un ensemble de connaissances anciennes, dénuées de fondement scientifique.

Accéder à l’intégralité de ce document
BIU Santé Pharmacie : cote RES 21322.
Giovanni Marinelli. Gli ornamenti delle donne tratti dalle scritture d’una Reina Greca .... Venetia : Francesco de’ Franceschi Senese, 1562.
L’ouvrage de Giovanni Marinelli est entièrement consacré à la toilette des dames et à la conservation de leur beauté. Il contient d'innombrables recettes de savons, cosmétiques, crèmes, lotions, onguents, pommades, parfums, huiles et toutes sortes de remèdes contre les désagréments physiques. Son manuel connut un vif succès et fut réimprimé à Venise en 1574. On doit également à cet auteur un Traité des maladies des femmes imprimé en 1563.

Accéder à l’intégralité de ce document
BIU Santé Médecine : cote 39792.

 
Excellent et très utile opuscule... de plusieurs... receptes, divisé en deux parties: la première nous monstre la façon de faire divers fardemens et senteurs pour illustrer la face; la seconde pour faire confitures... Composé par maistre Michel Nostradamus ... A Lyon : Benoist Rigaud, 1572.
La première version du Traité des fardemens et confitures, publiée en 1552, est malheureusement perdue. Remanié en 1555, le traité a fait l’objet de nombreuses rééditions. Celle-ci date de 1572. Elle contient une trentaine de recettes de cosmétiques (onguents, eaux, poudres, huiles, baumes, teintures) et autant de recettes de produits alimentaires sucrés.
BIU Santé Pharmacie : cote RES 22627.
André Le Fournier. La Décoration d’humaine nature et aornement des dames ... Lyon : Gilles et Jacques Huguetan, 1541.
Cet unique réceptaire du médecin parisien André Le Fournier a été publié pour la première fois en 1530. Il connaît au XVIe siècle une douzaine d’éditions parisiennes et lyonnaises. Les spécialistes considèrent cet ouvrage comme le premier essai français d’une nouvelle catégorie d’imprimés, caractérisée par un format minuscule (135 x 80 mm), une typographie sommaire et un texte essentiellement rédigé en langue française. Ce livre devait s’adresser à un public féminin issu de la bourgeoisie urbaine, comme par exemple « la mercière » dont le nom figure sur la page de titre de cet exemplaire. On y trouve 180 recettes couvrant l’ensemble des soins du corps dans l’ordre suivant : cheveux, dents, peau du visage, organes féminins, hygiène générale, parfums et eaux de senteur pour le corps et le linge.
BIU Santé Pharmacie : cote RES 30274.
Jean Liébault. Trois livres de l’embellissement et ornement du corps humain ... Paris : Jacques du Puys, 1582
Né à Dijon, Jean Liébault obtient son diplôme de docteur en médecine à Paris en 1559 et épouse Nicole Estienne, fille du médecin et imprimeur Charles Estienne. Les œuvres de Liébault traitent à la fois de médecine et de cosmétique. Les Trois livres de l’embellissement trouvent leurs références dans de nombreux textes antérieurs, notamment dans l’édition vénitienne de Giovanni Marinelli, Gli ornamenti delle donne ... (1562). Les trois livres sont organisés de manière thématique : 1) Le teint ; 2) Les cheveux, sourcils, nez, visage, gorge, mamelles, aisselles ; 3) Les bras, mains, ongles, fesses, jambes, pieds. L’ouvrage s’achève par des généralités touchant à la composition de certains remèdes à usage féminin ou offrant des conseils d’hygiène corporelle incluant, par exemple, des compositions de bains à la semoule dignes des « soins de gommage » de nos contemporains.

Accéder à l’intégralité de ce document
BIU Santé Médecine : cote 88095.
Ces ouvrages sont une source incroyablement riche sur la pratique des soins corporels dans l’Europe de la Renaissance. Avec cette littérature apparaissent alors les méfaits induits par l’imprécision des recettes et l’inutilité, voire le danger, des matières qu’elles recommandent. Sont particulièrement visés les fards [1] où entrent le mercure (vif-argent), le carbonate de plomb (céruse), l’arsenic, l’étain, le borax et l’alun.

 

×Fard : produit de maquillage semi-solide destiné à apporter de la couleur ou une touche de couleur essentiellement sur les paupières (fard à paupières) ou les joues (fard à joues).