L. 579.  >
À Charles Spon,
le 19 septembre 1659

Codes couleur
Citer cette lettre
Imprimer cette lettre
Imprimer cette lettre avec ses notes

×
  [1] [2] Appel de note
  [a] [b] Sources de la lettre
  [1] [2] Entrée d'index
  Gouverneur Entrée de glossaire
×
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 19 septembre 1659

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0579

(Consulté le 28/04/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Je vous écrivis le 5e de septembre, mais je vous dirai que depuis ce temps-là on débite [1] à Paris la conclusion de la paix [2] et du mariage du roi, [3] et que notre nouvelle reine [4] sera bientôt en France. Le roi a envoyé en Espagne un jeune seigneur fort bien fait, qui est le marquis de Vardes, [5][6] capitaine des Cent-Suisses, [7] pour y saluer de sa part la nouvelle reine. [2] Ce marquis est fils de la feu comtesse de Moret, [8] mère du comte de Moret, [9] bâtard de Henri iv [10] qui fut tué proche Castelnaudary [11] lorsque M. de Montmorency [12] fut pris en Languedoc en 1632. [3] Cette comtesse est célèbre dans l’Euphormion de Barclay [13] sous le nom de Casina. C’est à l’endroit où elle fut mariée au comte de Cézy-Sancy, [14] qui depuis fut envoyé ambassadeur à Constantinople ; [15] et là se voit la description d’un contrat de mariage d’un homme qui veut bien être cocu, et qui promet et s’oblige à le souffrir. Environ l’an 1618, elle se remaria au marquis de Vardes, [4][16] fils du bonhomme [17][18] gouverneur de La Capelle, [19] et père de celui qui est allé en Espagne. [5] Il est venu des nouvelles que la maréchale de Guébriant [20] est morte à la suite de la cour. Elle était tante du marquis de Vardes et n’a jamais eu d’enfant, je pense que la succession en est bonne. Elle est morte en quatre jours, sans confession, [21] on peut dire d’elle ce que dit Érasme [22] en raillant d’un cordelier qui mourut subitement, [23] Obiit sine crux, sine lux, sine Deus[6] On dit qu’elle devait beaucoup, mais en récompense, la reine [24] lui doit 40 000 pistoles qu’elle lui prêta durant le siège de Paris.

Je viens d’apprendre qu’un Anglais a écrit contre la Politique de M. Hobbes [25] et qu’il y a ici un livre nouveau de la génération des plantes d’un auteur anglais. [7] Notre siècle est fertile en méchants, en fous et en esprits remuants : nous avons ici un de nos jeunes docteurs nommé Liénard, [26] un peu plus savant que son père, [27] qui n’a jamais été bien sage ; ce Liénard fait imprimer un petit livre en français touchant à la purgation[8][28] où, rejetant toutes les opinions des anciens et des modernes, il tâche de nous en persuader une nouvelle qu’il tire, à ce qu’on dit, des spéculations physiques de Descartes. [29] Je ne sais pas ce que ce jeune homme obtiendra par son livre, mais je sais qu’il est bien glorieux et qu’il a bien plus de vanité que de science. La terre est le théâtre des fous aussi bien que des sages et de ceux qui le croient être. Nous avons à la cour deux médecins fort superbes. Vallot [30] est le premier, qui fait tout ce qu’il peut pour attraper de l’argent et se remplumer de la grosse somme qu’il a donnée pour être premier médecin. L’autre est M. Seguin, [31] près de la reine, qui crève d’avarice aussi bien que de richesse. Il est néanmoins veuf et n’a qu’un fils. Il a attrapé une abbaye, il cherche un évêché et court après un marchand qui veuille acheter de lui sa charge de médecin de la reine.

Vous avez toutes mes thèses puisque vous avez les trois que vous m’avez nommées, il n’y a que deux quodlibétaires et une cardinale. [32][33][34] L’an 1627, [35] je présidai à M. Joudouin [36] de Furore uterino [37] à cause qu’environ ce temps-là, j’en avais traité une belle fille avec laquelle sa mère eût bien voulu me marier ; mais je ne songeais alors qu’à étudier, je m’occupais tellement avec mes livres, dont j’en achetais presque tous les jours quelque nouveau, que j’y passais le jour et la nuit ; mais ces veilles incommodèrent si fort ma santé que pour la rétablir il me fallut presque quitter entièrement l’étude ; c’est une des obligations que j’ai à la médecine, sans le secours de laquelle je me serais infailliblement tué pour être trop sage, mais trop déréglé dans l’envie que j’avais d’apprendre. [9] Je suis, etc.

De Paris, ce 19e de septembre 1659.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.
Une réalisation
de la BIU Santé