À Charles Spon, le 3 décembre 1658, note 1.
Note [1]

Philippi Douté, Doctoris Medici Parisiensis, de succo Cyrenaico Diatriba ad Bertinum Dieuxivoye ejusdem Facultatis Doctorem, cui accessit ad eundem Antirrheticus in quo singula Apologetici Capita disquiruntur, indeque nata occasione Alexipharmacorum ac Purgantium vires in totius substantiæ proprietate positæ vindicantur.

[Diatribe {a} de Philippe Douté, docteur en médecine de Paris, sur le suc cyrénaïque, contre Bertin Dieuxivoye, {b} docteur de la même Faculté. Y a été ajouté l’Antirrheticus, {c} contre le même, où est scruté chaque chapitre de son apologie et où sont, quand l’occasion s’en présente, les forces des alexipharmaques {d} et des purgatifs qui sont contenues dans la propriété de sa substance tout entière]. {e}


  1. Dissertation critique.

  2. Docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1649 et partisan de l’antimoine (v. note [46], lettre 442).

  3. Philippi Douté Doctoris Medici Paris. Antirrheticus pro Diatriba de Succo Cyrenaico. Adversus Bertinum Dieuxivoye, ejusdem Facultatis Doctorem [Antirrheticus de Philippe Douté, docteur en médecine de Paris, pour sa Diatribe sur le Suc cyrénaïque. Contre Bertin Dieuxivoye, docteur de la même Faculté] (seconde partie de l’ouvrage, composée de 118 pages). Antirrhericus est un hellénisme tité d’αντιρρησις [contradiction].

  4. Contrepoisons, v. note [20], lettre 164.

  5. Paris, François Muguet, 1659, in‑4o de 118 pages, dédié au doyen François Blondel, qui surpassait Guy Patin dans son acharnement contre l’antimoine et les autres innovations thérapeutiques (v. note [11], lettre 342). Les approbations de trois docteurs de la Faculté de médecine de Paris (Jacques Perreau, Jean Merlet et Antoine ii Charpentier) sont datées de septembre 1659.

    Guy Patin parlait ici de la première édition (Paris, Nicolas Boisset, 1658, in‑4o), sans l’Antirrheticus, dont le permis d’imprimer est daté du 21 octobre 1658, et les deux approbations de la Faculté, signées Perreau et Charpentier, du 20 octobre 1658.


Philippe Douté, natif de Bourges, avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en janvier 1657 (Baron). À la page 5 de son livre, il cite un passage (page 265) de L’Antimoine justifié… d’Eusèbe Renaudot (v. note [21], lettre 312), concernant Hippocrate :

« Le suc d’hippophaès, qui est une espèce de mouron, {a} lui servait à purger les eaux des hydropiques, et les sérosités qui occupent la hanche dans la sciatique, et autres maux causés de fluxion, aussi bien que celui de silphium ou benjoin, dit par excellence suc cyrénaïque pour ce que la plante dont il est extrait croît abondamment en la ville de Cyrène. » {b}


  1. Hippophaès : « petit arbrisseau qui croît dans la Morée, proche de la mer, en des lieux sablonneux. […] Sa racine est grosse, longue, remplie d’un suc laiteux très amer, d’une odeur forte. […] La racine de l’hippophaès est fort purgative » (Trévoux).

    Le mouron est une plante herbacée qu’on disait avoir des vertus contre les poisons, la manie, le délire, l’hydropisie et les obstructions.

  2. V. notule {a}, note [14] du Borboniana 6 manuscrit.

Du suc cyrénaïque, dit de Galien, ou silphium, le Dictionnaire de Trévoux dit :

« On fait un grand cas de cette racine en Libye, aux environs de Cyrène, tant à cause de ses grandes propriétés médicinales que de l’usage qu’on en faisait dans les ragoûts. Le suc ou la gomme de Cyrène était tellement estimé que les Romains déposaient dans le trésor public, comme quelque chose de fort rare, tout ce qu’ils en pouvaient acquérir. La connaissance du silphium de Cyrène était perdue longtemps avant que Pline écrivît. Les botanistes modernes croient reconnaître le silphium de Cyrène dans notre Assa fœtida. {a} James ne pense point ainsi, parce que Dioscoride dit que le silphium de Cyrène rend une odeur très agréable. »


  1. Gomme puante ou merde du diable.

L’authenticité de ce que les apothicaires vendaient alors sous le nom de suc cyrénaïque avait servi de motif à une vive querelle de la Faculté, dont le véritable motif était le quinquina, autrement appelé « écorce du Pérou » ou « poudre des jésuites » (v. note [7], lettre 909). Paul Delaunay est un des rares auteurs à l’avoir évoquée en détail (et avec drôlerie) dans la première série de ses Vieux médecins sarthois (Paris, Honoré Champion, 1906, pages 53‑59).

  • Dieuxivoye avait présidé, le 31 janvier 1658, la thèse quodlibétaire de Louis Gallais, An febri Quartanæ Peruvianus cortex ? [L’écoce du Pérou convient-elle dans la fièvre quarte ?] (affirmative).

    Gallais l’avait dédiée à la veuve de Claude Le Bouthillier (puissant ministre déchu après la mort de Richelieu son protecteur, v. note [8], lettre 85) :

    « Le Kinkina vient ici du Nouveau Monde chercher dans votre illustre maison une protection d’autant plus glorieuse qu’on n’ignore pas, même dans le pays où il est né, ni dans les royaumes par où il a passé, que vous avez mérité d’être la femme d’un ministre qui, dans les plus importantes charges de l’État, n’a rien trouvé au-dessus de sa gloire que son mérite. […] le Kinkina semble avoir droit de se promettre la faveur qu’il vient vous demander. Il est un étranger qui ne paraît en France que pour y apporter le plus rare et le plus grand de tous les biens ; mais qui, semblable aux plus beaux jours d’été, ne fait point le bonheur de la saison sans exciter quelques tonnerres ; je veux dire, Madame, sans s’attirer des guerres capables de le perdre, s’il ne trouvait sous votre autorité le secours nécessaire pour sa défense. car si vous vous ddéclarez pour lui, je ne désespère point que, dans les combats dont il est menacé, il ne puisse toujours avoir sur ses ennemis quelque avantage considérable, qui les engage enfin à recevoir un honnête accommodement, dont il se sentiront ne vous être pas moins obligé que je le suis […]. »

  • À la fin de son 3e article, cette quodlibétaire déplorait l’absence de suc cyrénaïque dans les pharmacies, médicament qui aurait pu renforcer l’effet du quinquina et remplacer la thériaque. Sur ce point vivement contesté lors de la soutenance de la thèse, Dieuxivoye rédigea et diffusa au sein de la Faculté un très bref Appendix de Succo Cyrenaico [Appendice sur le Suc cyrénaïque], aujourd’hui introuvable.

  • Douté lui répondit par la première édition de sa Diatriba (1658), à laquelle Dieuxivoye riposta par l’impression d’une Appendicis de liquore cyrenaïco Defensio, adversus libellum cui titulus est Philippi Douté… de succo Cyrenaïco Diatriba [Défense de l’appendice sur la liqueur cyrénaïque, contre l’opuscule dont le titre est Diatribe sur le suc cyrénaïque de Philippe Douté…] (Paris, J. Julien, 1659, in‑4o), qui fut suivie de l’Antirrheticus de Douté (v. supra). Son premier paragraphe (pages 1‑2) donne le ton des invectives :

    Tam sibi graui quam tibi turpi veterno sepultum familiarum non pauci te mirabantur, Bertine, sic ore compresso altum stertentem, ad justum nostræ (tuis etiam ingratiis id jure dixerim) Diatribæ nomen necdum excitatum illi attoniti suspiciebant ; vix plerique ex iis, qui te intus et in cute norunt, habere sibi poterant persuasum, qui fieret, ut tantum veneni et maleuoli animi in optimos quosque e nostro ordine eruditionis fama Principes domi otiosus aleres, ac tamdiu contineres ; cujus egregium plane specimen breuicula quindecim linearum Appendice, tanquam luculenti immœnisque facinoris præcidanea tessera, dudum dederas fecerasque compendi. Eccere tandem personatus atque tinctus ora fuligine ex orco lenæisque adytis erumpis, Bertine, ac conquisitis redemptisque tui rerumque tuarum per-quam studiosis latronibus comitatior ex eoque vomentum de numero fidentior.

    [Tant pour leur embarras que pour ton infamie, Bertin, tu émerveilles et stupéfies nombre de gens car, te voyant ainsi la bouche close, enseveli et ronflant profondément dans la torpeur de ta secte, {a} ils ne soupçonnaient pas que tu irais encore t’exciter contre le juste titre de ma Diatriba (et ce malgré toi, ajouterais-je légitimement). Beaucoup d’entre eux, qui te connaissant sur le bout des ongles, pouvaient difficilement se persuader que, faute d’avoir quoi t’occuper à la maison, tu sois parvenu à contenir si longtemps et à alimenter l’amas de venin et de malveillance que contient ton esprit contre tous les meilleurs de notre Compagnie, que le renom de leur science place au premier rang. C’est ce dont avait naguère joliment et nettement attesté le minuscule Appendice de quinze lignes, que tu avais fait et distribué à la diable, comme signature {b} d’un avertissement clair et sans frais. Et voilà qu’enfin, Bertin, vociférant et les lèvres teintées de suie, tu bondis des enfers et des sanctuaires bachiques, {c} richement escorté de ceux que tu as ralliés à toi et rachetés à ta cause, et plaçant toute ta confiance dans les zélés brigands, qui appartiennent à la bande des vomisseurs]. {d}


    1. Le clan antimonial des docteurs de la Faculté.

    2. Les dictionnaires du xviie s. donnent à la locution néolatine præcidanea tessera le sens de « contretaille » ou « contremarque », mots commerciaux auquel le contexte m’a fait préférer « signature ».

    3. Cabarets à vin.

    4. La syntaxe ciselée du latin de Douté appartient à la prose scandée, chère aux imitateurs de Cicéron. Je l’ai traduite platement, en faisant fi de l’élégance qu’il s’est évertué à y mettre.

  • Dans les vociférations de la Faculté, le quinquina s’était substitué à l’antimoine, médicament dont le triomphe s’annonçait si clairement depuis qu’on lui avait attribué la spectaculaire guérison du roi au cours de l’été 1658 (v. note [5], lettre 538) qu’il n’était plus possible de l’attaquer ouvertement. S’y mêlaient probablement les échos de l’autre guerre qui faisait alors rage dans tout le royaume entre les jésuites (ultramontains) et les jansénistes (gallicans).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 3 décembre 1658, note 1.

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(Consulté le 04/05/2024)

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