À André Falconet, le 20 avril 1660, note 16.
Note [16]

Allusion au long récit que, dans ses Mémoires-journaux, Pierre de L’Estoile a laissé de l’arrestation, du procès et de l’exécution pour haute trahison du maréchal de Biron (v. note [15], lettre 551) dans la cour de la Bastille, le 31 juillet 1602 (édition de Paris, 1880, tome 8, pages 37‑38).

Daniel i Voisin, greffier de la Cour de Parlement (v. infra note [17]), faisait partie des magistrats qui assistèrent au supplice du maréchal, lequel clama son innocence et demanda grâce jusqu’au dernier instant :

« Comme il fut près de l’échafaud, ceux qui étaient là pour voir ce spectacle, qui étaient environ soixante-dix, ayant fait quelque bruit à son arrivée, il dit : “ Que font là tant de marauds et de gueux ? qui les a mis là ? et quel bruit font-ils ? ” Et toutefois la vérité était qu’il n’y avait là que d’honnêtes gens. […]

Après, le bourreau lui présenta un mouchoir blanc pour le bander ; mais il prit le sien, lequel s’étant trouvé trop court, il demanda celui de l’exécuteur ; et s’en étant bandé et mis à genoux, il se leva et débanda aussitôt, s’écriant : “ N’y a-t-il point de miséricorde pour moi ? ” Et dit derechef au bourreau qu’il se retirât de lui, qu’il ne l’irritât point et ne le mît au désespoir s’il ne voulait qu’il l’étranglât, et {a} plus de la moitié de ceux qui étaient là présents, desquels plusieurs eussent voulu être hors, voyant cet homme non lié parler de cette façon. Delà un peu, il se remit à genoux et se rebanda ; et tout incontinent se releva sur pied, disant vouloir encore voir le ciel puisqu’il avait si tôt {b} à ne le plus voir jamais et qu’il n’y avait point de pardon pour lui. Pour la troisième fois il se remit à genoux et se banda ; et comme il portait la main pour lever encore une fois le bandeau, le bourreau fit son coup, au même instant qu’il lui disait qu’il ne lui trancherait point qu’il n’eût dit son in manus. {c} […]

Si le bourreau n’eût usé de cette ruse, ce misérable et irrésolu homme s’allait encore lever ; et de fait, il eut deux doigts offensés de l’épée du bourreau comme il portait la main pour se débander pour la troisième fois. La tête tomba à terre, d’où elle fut ramassée et mise dans un linceul blanc avec le corps. » {d}


  1. Ainsi que.

  2. Très bientôt.

  3. Premiers mots d’une prière pour recommander son âme à Dieu, In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum… [En tes mains, Seigneur, je confie mon esprit…].

  4. V. note [26] du Borboniana 8 manuscrit, pour le procès verbal de cette exécution.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 20 avril 1660, note 16.

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(Consulté le 04/05/2024)

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